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mercredi 2 mars 2011

LES REVOLUTIONS ARABES FACE A LA DEMOCRATIE


LES REVOLUTIONS ARABES FACE A LA DEMOCRATIE


Par Jacques BENILLOUCHE


 
L’effet domino de la chute des dictateurs tunisien, égyptien et libyen sonne comme un vent de démocratie en direction des pays arabes. L’espoir renait parmi les populations soumises à la dictature mais il est fort probable que cette espérance sera stérile. En fait, les pays arabes ne semblent pas prêts à la démocratie car le changement a été brutal et deux raisons s’opposent à cette évolution. 


Soumission à l’islam


La première cause est liée à la religion qui les enserre dans un carcan réducteur. L’islam n’est pas un récit parsemé de légendes comme la Bible mais la propre parole d’Allah, rapportée par l’archange Djibril à Mahomet. Or la parole divine ne peut pas être contestée par les humains et elle impose que le Coran reste figé dans sa version originale.
Alors que la Torah est axée sur le spirituel et sur la prééminence de l’homme, l’islam impose des rites pour que les actes de la vie quotidienne soient orchestrés de manière immuable avec une volonté de prendre le pas sur le raisonnement humain. Les adeptes doivent alors totale obéissance en rendant la religion en contradiction totale avec l’essence même de la démocratie.

Alexis de Tocqueville, le théoricien de la démocratie occidentale, défendait la liberté individuelle et l'égalité politique. Or le danger majeur pour les pays arabes se trouve dans le renoncement à la liberté, prôné par les partisans de l’islamisme. Le principe d’égalité exigé par la démocratie est combattu par la Charia qui insiste sur l’inégalité entre les humains. La notion d’esclave est d’ailleurs justifiée dans le Coran : « Abolir l’esclavage relevait quasiment de l’inconcevable. Interdire ce que Dieu permet est un crime presque aussi grand que de permettre ce qu’Il interdit ».
Jusqu’alors les pays arabes ont verrouillé leurs frontières pour ne pas être contaminés par les traditions des sociétés occidentales afin d’éviter la porosité entre les populations en terre musulmane. L’histoire moderne prouve qu’aucun pays musulman n’est entré ou n’est resté longtemps dans la démocratie puisque toutes les tentatives ont été vouées à l’échec. 

L’exemple de la Turquie est élogieux et démontre que l’expérience n’a été que de courte durée. Venus au pouvoir grâce à des élections libres, les islamistes de l’AKP ont progressivement éliminé ceux qui pouvaient leur porter ombrage. Les généraux ont été envoyés à la retraite et les plus récalcitrants ont eu à répondre de leur rébellion devant les tribunaux. La Constitution moderne a été modifiée dans le silence de l’opposition pour réduire le pouvoir des militaires qui garantissaient la laïcité. Ces péripéties prouvent qu’il n’y a qu’un seul islamisme et que ceux qui croient à l’existence d’un islamisme « light », dit modéré, se trompent. L’accès des islamistes au pouvoir se concrétise souvent par une perte de démocratie puisque, en se fondant sur leurs dogmes religieux, ils confisquent les libertés au détriment de l’intérêt de leur peuple.


L’emprise de la Oumma


Les citoyens musulmans ne contrôlent pas leur avenir car il dépend de la volonté d’Allah qui impose ses directives à la Oumma, la communauté des croyants, en imposant une emprise de la religion sur tous les aspects de la société et en frisant parfois la doctrine totalitaire. Les pays arabes ne pourront se réconcilier avec la démocratie que si l’islam est séparé de l’Etat puisque la Charia récuse à l’homme le droit de légiférer et que seule la loi de Dieu prime sur toutes les lois profanes.
Les dictateurs arabes abusent de ces concepts afin de briser toute velléité de combattre le carcan d’un régime totalitaire en utilisant la théocratie pour s’opposer à la démocratie. Alors, pour motiver des peuples brisés sous le joug d’un tyran, ils se servent du joujou du djihad, la guerre sainte, dans une sorte de défouloir pour détourner leur attention sur les réalités modernes de la société. Dans ce combat permanent, les militants qui s’entrainent pour le djihad n’ont plus le temps de s’intéresser à leur sort et aux sollicitations du monde moderne trop attaché à défendre les droits de l’Homme.


Nature des régimes



Le deuxième obstacle à la démocratie tient à la nature des régimes politiques mis en place. En dehors des monarchies féodales, les pays arabes ont simplement copié les dictatures européennes du vingtième siècle en exploitant les mêmes ingrédients : un leader adoubé par le peuple, un parti unique pour museler l’opposition, une armée aux ordres du chef, des services secrets omnipuissants et omniprésents, un nationalisme qui prône la prééminence de l’identité arabe sur toutes les autres ethnies, une économie centralisée et étatisée, et enfin le frein au progrès pour étouffer toute volonté de s’émanciper.
Par ailleurs, les sociétés arabes sont constituées en clans qui permettent aux dictatures de s’appuyer sur les liens tribaux tandis que les promotions des écoles militaires cimentent leur pouvoir. Ces clans se substituent à la constitution de partis politiques en réprimant, par la force et la terreur, toute velléité d’instituer la démocratie.

Les américains ne sont pas exempts de responsabilité parce qu’ils ont toujours imposé leur double jeu. Par des discours, ils incitent à la démocratie et soutiennent les mouvements d’opposition à l’étranger tout en protégeant les régimes autoritaires dans l’intérêt des Etats-Unis. En fait, la volonté hégémonique des propriétaires pétroliers fait le jeu des démocraties qui se garderaient bien de changer la donne. Le génie des dictatures à inventer une machine d’acquisition de revenus à leur profit personnel les amène à négliger des populations réfugiées dans la soumission et la résignation.
Cette puissance financière, doublée d’une puissance démographique, aurait pu concrétiser des projets ambitieux dans la technologie, dans le développement social, dans le bien-être général, dans l’acquisition de monopoles européens et dans la mainmise sur les potentats occidentaux. En fait l’inverse a été atteint. Les revenus sont reversés à une minorité qui les accapare et les stocke dans les coffres des banques occidentales à des fins purement personnelles sinon crapuleuses. Par ailleurs, pour asseoir leur pouvoir non partagé, les despotes dilapident une grande partie des revenus des hydrocarbures dans l’achat d’armes afin de protéger leurs privilèges par la force. 

Les occidentaux avaient besoin des dictateurs qui s’opposaient au réveil démocratique, qui garantissaient leurs approvisionnements en hydrocarbures à des coûts compétitifs tout en sauvegardant les intérêts économiques et en combattant les terroristes à l’instar des Frères musulmans en Egypte. Mais ce double jeu a joué contre l’apprentissage de la démocratie alors que les actes terroristes se multipliaient sous l’effet de l’oppression des dictateurs à l’encontre de leur peuple. 

Il n’est pas certain que les dictatures tunisienne, égyptienne et libyenne soient remplacées par des démocraties au sens où l’entend l’occident. D’ailleurs Nasser a été remplacé par Moubarak et Bourguiba par Ben Ali. La force succède à la force. Les régimes dictatoriaux génèrent leur propre anticorps alors que la démocratie souhaitée par les peuples arabes risque de se diluer dans un pouvoir islamique qui n’aura de modéré que le nom. Les pays arabes doivent se résoudre à soigner leur malédiction héréditaire qui porte le nom de dictature s’ils veulent se réconcilier avec la démocratie.

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