SONDAGES ET VOTE UTILE
Par Jacques BENILLOUCHE
Les sondeurs annoncent toujours qu’il existe un
nombre important d’indécis qui représentent environ 18 sièges ce qui constitue
un fort pourcentage de 15% par rapport aux 120 députés de la Knesset. Cela donne une
certaine relativité aux sondages quand on sait qu’une coalition se joue à 4 ou
5 sièges. Cependant, les électeurs ont des convictions bien arrêtées et leur
hésitation n’est pas due à une difficulté de choix mais à une décision pour ou
contre le vote utile. Cette indécision entraine des résultats finaux différents
des sondages ce qui fait dire que les sondeurs se trompent toujours.
Le vote utile désigne le fait de voter pour une
liste ayant plus de chances d'être élue bien que l'électeur préfère un autre
candidat. Ce vote stratégique devient un phénomène qui a pour effet d'empêcher
une liste de figurer à la Knesset ce qui est contraire au principe même de
donner la parole à toutes les sensibilités.
En ce sens, la question est posée du degré
d’adéquation entre les tendances des électeurs et les suffrages exprimés comme
si les électeurs voulaient faire mentir les sondages donc on remet en cause
leur capacité prédictive. Il ne fait aucun doute que la publication des
sondages a un effet sur le résultat des élections car le concept de «vote
utile» est intimement lié aux informations fournies par les sondages
d’intention. La notion de front pour ou contre une liste connait ainsi une
place centrale dans les élections.
Le vote utile dénature la probabilité de voir ses
programmes politiques réalisés puisque ne rentre en compte que la seule
personnalité du leader. Alors, il n’est plus question d’adhésion mais de rejet,
de valeur positive mais négative, et en ce qui nous concerne pour ou contre
Bibi. En tout état de cause, les effets potentiels des sondages d’intention
apparaissent clairement. Les informations publiées permettent aux électeurs
d’ajuster leurs votes jusqu’à la veille du scrutin et de réduire le choix en
plus de l’exigence du seuil d’éligibilité fixé à 3,25% des votants d'où la difficulté des prévisions.
Le concept de vote utile hiérarchise les votes qui
ne sont plus égaux en droit et limite juridiquement le nombre de candidats. Il
maximise la probabilité de voir le candidat préféré désigné vainqueur à l’issue
du scrutin et relativise l’intérêt du scrutin proportionnel. Il existe donc un
écart de plus en plus important entre les suffrages exprimés et la réalité des convictions
des électeurs. Les effets des sondages d’intention et de l’utilisation massive
du concept de vote utile dénaturent la désignation des représentants à la
Knesset.
Pour de nombreux homme politiques, le vote utile est
garant de l'alternance car, par son effet négatif, il concentre tous les votes
contre le dirigeant à battre. Cependant il entraine souvent une bipolarisation
du système politique même si l'abstentionnisme fait figure de question clé pour
parier sur le nouvel échiquier politique. L’affaiblissement des Travaillistes
et de ses alliés de Meretz sont les éléments de l'émergence d'une nouvelle bipolarisation.
Nous sommes loin de la concentration des sièges entre deux forces qui contraste
avec l'habituelle diversité des courants politiques de la représentation
parlementaire. Le record de listes explique parfois l'élimination de la gauche
et justifie souvent l’abstentionnisme.
On en vient à se demander si le vote utile est
vraiment utile car les électeurs hésitent entre le vote par raison ou celui par
conviction et finissent par se demander si le vote par calcul n’est pas
préjudiciable à la démocratie car certains regardent les sondages jusqu’au
dernier moment avant de choisir le bulletin à glisser dans l’urne. Certains
votent pour éliminer un candidat, plutôt que de choisir le leader qui se rapproche
le plus de leurs convictions car pour eux, voter contre un danger est aussi
noble que de voter pour ses propres idées.
Le vote utile dénature la politique car souvent, on évite
peut-être le pire à court terme, mais le pire s’installe à long terme. Mais il a tendance à éliminer les petites formations. Ainsi Meretz et Benny Gantz sont en danger de ne pas figurer à la prochaine Knesset. On a
rarement vu autant de sondages publiés presque tous les jours. On finit par en
oublier la délibération collective autour d’un projet et des principales options
politiques. On finit par avoir une crise de la représentation car les votes n’expriment
plus d’adhésion et ne produisent plus de la légitimité, mais de la défiance. En
fait il n’existe pas de système électoral parfait.
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