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lundi 22 mars 2021

Sondages et vote utile

 


SONDAGES ET VOTE UTILE


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps




Les sondeurs annoncent toujours qu’il existe un nombre important d’indécis qui représentent environ 18 sièges ce qui constitue un fort pourcentage de 15% par rapport aux 120 députés de la Knesset. Cela donne une certaine relativité aux sondages quand on sait qu’une coalition se joue à 4 ou 5 sièges. Cependant, les électeurs ont des convictions bien arrêtées et leur hésitation n’est pas due à une difficulté de choix mais à une décision pour ou contre le vote utile. Cette indécision entraine des résultats finaux différents des sondages ce qui fait dire que les sondeurs se trompent toujours.


Le vote utile désigne le fait de voter pour une liste ayant plus de chances d'être élue bien que l'électeur préfère un autre candidat. Ce vote stratégique devient un phénomène qui a pour effet d'empêcher une liste de figurer à la Knesset ce qui est contraire au principe même de donner la parole à toutes les sensibilités.

En ce sens, la question est posée du degré d’adéquation entre les tendances des électeurs et les suffrages exprimés comme si les électeurs voulaient faire mentir les sondages donc on remet en cause leur capacité prédictive. Il ne fait aucun doute que la publication des sondages a un effet sur le résultat des élections car le concept de «vote utile» est intimement lié aux informations fournies par les sondages d’intention. La notion de front pour ou contre une liste connait ainsi une place centrale dans les élections.


Le vote utile dénature la probabilité de voir ses programmes politiques réalisés puisque ne rentre en compte que la seule personnalité du leader. Alors, il n’est plus question d’adhésion mais de rejet, de valeur positive mais négative, et en ce qui nous concerne pour ou contre Bibi. En tout état de cause, les effets potentiels des sondages d’intention apparaissent clairement. Les informations publiées permettent aux électeurs d’ajuster leurs votes jusqu’à la veille du scrutin et de réduire le choix en plus de l’exigence du seuil d’éligibilité fixé à 3,25% des votants d'où la difficulté des prévisions.

Le concept de vote utile hiérarchise les votes qui ne sont plus égaux en droit et limite juridiquement le nombre de candidats. Il maximise la probabilité de voir le candidat préféré désigné vainqueur à l’issue du scrutin et relativise l’intérêt du scrutin proportionnel. Il existe donc un écart de plus en plus important entre les suffrages exprimés et la réalité des convictions des électeurs. Les effets des sondages d’intention et de l’utilisation massive du concept de vote utile dénaturent la désignation des représentants à la Knesset.



Pour de nombreux homme politiques, le vote utile est garant de l'alternance car, par son effet négatif, il concentre tous les votes contre le dirigeant à battre. Cependant il entraine souvent une bipolarisation du système politique même si l'abstentionnisme fait figure de question clé pour parier sur le nouvel échiquier politique. L’affaiblissement des Travaillistes et de ses alliés de Meretz sont les éléments de l'émergence d'une nouvelle bipolarisation. Nous sommes loin de la concentration des sièges entre deux forces qui contraste avec l'habituelle diversité des courants politiques de la représentation parlementaire. Le record de listes explique parfois l'élimination de la gauche et justifie souvent l’abstentionnisme.

On en vient à se demander si le vote utile est vraiment utile car les électeurs hésitent entre le vote par raison ou celui par conviction et finissent par se demander si le vote par calcul n’est pas préjudiciable à la démocratie car certains regardent les sondages jusqu’au dernier moment avant de choisir le bulletin à glisser dans l’urne. Certains votent pour éliminer un candidat, plutôt que de choisir le leader qui se rapproche le plus de leurs convictions car pour eux, voter contre un danger est aussi noble que de voter pour ses propres idées.



Le vote utile dénature la politique car souvent, on évite peut-être le pire à court terme, mais le pire s’installe à long terme. Mais il a tendance à éliminer les petites formations. Ainsi Meretz et Benny Gantz sont en danger de ne pas figurer à la prochaine Knesset. On a rarement vu autant de sondages publiés presque tous les jours. On finit par en oublier la délibération collective autour d’un projet et des principales options politiques. On finit par avoir une crise de la représentation car les votes n’expriment plus d’adhésion et ne produisent plus de la légitimité, mais de la défiance. En fait il n’existe pas de système électoral parfait.

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