La période faste du trumpisme est
terminée. L’administration américaine démocrate est de retour sur la scène
internationale. Joe Biden l’a rappelé durant la récente conférence sur la
sécurité à Munich. On peut être sûr que ce retour durera au moins quatre ans
peut être même huit. On est déjà sûr que Angela Merkel ne sera plus aux
commandes. On n’est pas sûr qui sera le président en France en 2022. On ne sait
pas encore quel sera le premier ministre israélien dans les prochaines
semaines. Mais on est certain qu’Israël devra très rapidement prendre la mesure
des changements que Washington veut mettre en œuvre tant avec l’Otan qu’au
Moyen- Orient et les implications à court et moyen terme pour Israël.
Conférence sur la sécurité de Munich |
Le présidant américain a exposé sa doctrine
au cours de deux discours prononcés début février à Washington et le 19 février
à Munich qu’on peut résumer comme suit. Une diplomatie multilatérale ; réactivation
d’une politique des droits de l’homme qui doit se traduire par une
participation plus active au sein de la Commission des droits de l’homme de
l’ONU dont on connaît la position traditionnelle envers Israël ; réintégration
de l’OMS, de la conférence de Paris sur le climat ; reprise des
financements et de la participation américaine aux activités de l’UNWRA, autant
d’organisations que Donald Trump avait abandonnées ; relance du dialogue
transatlantique entre les membres de l’Otan et l’Amérique, afin de faire face
aux défis communs. Parmi ces défis, outre la participation à des sanctions
contre Pékin et Moscou, dans lesquelles les Américains veulent entrainer leurs
partenaires, ce qui posera un problème à Israël comme à Berlin, car aucun ne
veut être la quille au milieu du jeu de boules.
Le premier des défis concerne
toutes les chancelleries, le programme nucléaire de l’Iran et ses activités au
Moyen-Orient, la situation géopolitique de la région qui évolue très rapidement
et implique l’ensemble des acteurs que ce soit en Afghanistan, en Irak, au
Yémen, en Arabie Saoudite, pour ne citer que ceux-là.
Premier ministre espagnol Pedro Sanchez au sommet virtuel du 25 mars |
Le processus israélo-palestinien à
propos duquel on connaît la position américaine en faveur d’un État palestinien,
alors que les États arabes insistent pour que Mahmoud Abbas reporte les
élections devant la crainte de voir le Hamas triompher. Ce qui serait également
un problème de plus pour Jérusalem, mais qui pourrait tout aussi bien devenir
un argument pour Jérusalem contre la solution des deux États. La question de l’interventionnisme forcené de
la Turquie dans tous les conflits en cours est un abcès de fixation pour les
États-Unis, pour l’OTAN, pour Israël. Le pays doit absolument anticiper ces
multiples défis qui s’entremêlent.
À propos de l’Iran le président
américain fait pression sur les trois pays France, Allemagne, Angleterre pour
créer «les conditions d’une reprise d’un dialogue au sein de l’accord de
2015». Israël est opposé à ce projet, quel que soit le premier ministre qui
sera aux commandes. C’est un premier point de friction majeur y compris avec
l’Europe qui y voit une opportunité de reprendre une place dans la région d’où
elle est absente, dont les arrières pensées marchandes ne sont évidemment pas
absentes.
Cette position prend les alliés
arabes de l’Amérique par surprise et affaiblit leur position. Certes, c’est un
facteur de rapprochement avec Israël, mais qui ne règle rien. On pense à Paris
qu’on fera plier les Ayatollahs alors que ce sont les plus radicaux qui seront
probablement les grands gagnants de la prochaine élection de juin. Ce qui renforcerait
la stratégie de Jérusalem. Le règlement
du processus avec les Palestiniens reste un sujet central dans tout ce qui peut
encore se passer entre Israël et ses nouveaux partenaires. On a vu ce que
signifie la paix froide avec l’Égypte et la Jordanie. Il ne faut pas se
tromper, ces reconnaissances obtenues sous le trumpisme ne préjugent pas du
futur. Les Européens et Joe Biden veulent absolument participer à un règlement,
Israël doit donc s’attendre à des pressions très fortes de tous côtés.
Alors que Netanyahou tente de
former un gouvernement qui serait sans doute encore plus opposé que jamais à la
création d’un État palestinien et désireux de poursuivre les constructions
contestées. Certains États arabes manifestent déjà leur déception de les voir
se poursuivre. Force est de constater un rapprochement substantiel de la vision
commune entre Européens et Américains après l’abandon du deal du siècle. On
voit déjà le Quartet du Moyen-Orient, le format de Munich avec la France,
l’Allemagne, la Jordanie et l’Égypte reprendre vie ; il ne faut néanmoins
pas sous-estimer les pressions de Washington sur ses deux derniers pays qu’il
soutient très largement.
Devant cette convergence de forces
opposées à la poursuite des constructions, Israël doit marquer une pause, sauf
à radicaliser ces différentes oppositions avec toutes les conséquences
probables. On ne peut plus exclure que les membres permanents du Conseil de
sécurité adoptent une position commune, contrairement à ce qui s’y passait
depuis des années avec le véto américain quasi automatique.
Israël doit anticiper la possible
constitution d’un axe transatlantique qui voudra imposer une solution à deux États.
Ce qui serait un nouveau défi. Avec la présence de députés arabes israéliens,
l’État hébreu pourra-t-il les ignorer ? Alors qu’il pourrait utiliser
cette réalité pour prendre une initiative : proposer un mécanisme sur la
sécurité de la région, qui emporterait l’adhésion des pays arabes partenaires et
ferait pièce au futur plan américain d’une zone de non-prolifération nucléaire,
que ni l’Iran, ni Israël ne veulent.
Tant pour ses citoyens qu’en
matière de politique étrangère, Israël qui se considérait dans le camp occidental
depuis toujours, car rejeté par tous ses voisins arabes, est devenu un État
hybride mi occidental, mi oriental, qui doit s’intégrer dans la région. On ne
peut pas signer des accords avec les pays voisins et poursuivre une politique
qui risque de défaire demain ce qui a pris tant d’années à construire. L’heure
n’est plus à la valse des égos et à qui deviendra calife à la place du calife,
mais à des choix responsables d’hommes d’États, seulement motivés par l’intérêt
national. Paraphrasons Diogène à Athènes, équipé d’une lanterne en plein jour,
qui déclarait à qui voulait l’entendre «je cherche un homme»
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