La violence politique légitimée en France porte atteinte à la démocratie par Francis MORITZ

 

LA VIOLENCE POLITIQUE LÉGITIMÉE EN FRANCE PORTE ATTEINTE À LA DÉMOCRATIE

Par Francis MORITZ

 

Henri-Emmanuelli-fait-doigt-d-honneur-à-François-Fillon

Les médias, la classe politique, les téléspectateurs, les Français dans leur ensemble se sont très largement indignés d’un doigt d’honneur qui n’avait certainement rien de républicain ; mais ce doigt avait déjà fait son entrée à l’Assemblée nationale dès 2011, grâce à la gauche. En revanche, très peu de mains se sont élevées contre ce déni de démocratie qui consiste à faire de la violence physique un moyen pour bâillonner un homme politique ou un possible candidat à l’élection présidentielle et l’empêcher de s’exprimer.

Évidemment on peut rejeter totalement les idées portées par un homme politique ou qui aspire à le devenir, voire un candidat à l’élection présidentielle ; là n’est pas le sujet ni le fond de la question. Il y va de la liberté d’expression. On a beau jeu de montrer Victor Orban du doigt et de le qualifier d’autocrate quand il empêche son opposition de s’exprimer ; il est pourtant largement élu dans son pays. Combattre une idéologie, des idées, ce n’est pas les mettre sous le boisseau comme la poussière sous le tapis. On en voit le résultat au terme des deux dernières élections. Le président en place s’est retrouvé face au candidat de l’extrême-droite et une abstention record.

Cette même forme de censure est constatée dans une de nos radios nationales financée par tous les contribuables. La seule façon d’éradiquer une idéologie c’est d’avoir la capacité de s’y opposer par une autre idéologie, plus pertinente, articulée avec des propositions concrètes. Encore faut-il avoir des idées et le courage de les exposer sans craindre le débat contradictoire. Ce n’est donc pas en muselant le contradicteur et ses partisans qu’on évite l’obstacle. C’est tout le contraire qui se passe. Une démocratie, dans laquelle 65% des électeurs se sont abstenus lors des élections régionales et municipales, 50% pour les européennes, et 25% à la présidentielle de 2017, souffre manifestement d’une grave pathologie. Les départements d’Outre-mer sont à deux doigts d’exploser pour divers motifs. Que fait-on , on décide d’une France à deux vitesses et ce qui vaut dans l’hexagone ne s’appliquerait pas en France ultra-marine.

L'Allemagne nazie

Comment ne pas s’étonner et s’indigner des violentes attaques des groupes d’extrême-gauche pour empêcher la tenue de meetings du presque candidat, comment ne pas se souvenir de ce qui s’est passé en Allemagne avec l’avènement du nazisme. Gageons que le désormais candidat bénéficiera de la même protection que tous les candidats. Ce n’est pas un choix politique, c’est un devoir démocratique.

Il semble aussi que nous ayons la mémoire courte. En 2017 un membre du sérail politique, jamais élu auparavant, devient président de la République avec 66% des voix au deuxième tour contre 36% à son adversaire et 25% d’abstentions. La démocratie est en péril lorsqu’on prétend ignorer ceux qui votent autrement que la majorité et ceux qui s’abstiennent.  Celle qui était ostracisée il y a encore cinq ans fait maintenant partie du paysage politique sans que personne ne s’en émeuve. Rêvons un peu en imaginant une coalition à l’image de l’Allemagne et de celle que personne n’attendait en Israël. Des voix s’élèveront en soulignant qu’en France «cela n’est pas possible».

Au même titre qu’on ne s’étonne plus de l’incivisme dans certains quartiers, du caillassage des policiers, des pompiers ou du Samu, des prochaines voitures incendiées par dizaine pendant les fêtes de fin d’année, d’aucuns s’abritent derrière la référence à «l’exception française». En démocratie, on ne combat pas les hommes sans combattre l’idéologie qu’ils véhiculent. Jusqu’à maintenant, peu nombreux ont été les responsables politiques qui ont accepté le combat contradictoire. Ignorer des candidats qui représentent 15 à 20% des citoyens, est non seulement une erreur, mais une forme de déni de la démocratie. Il suffit d’observer la montée en puissance de l’abstention. Pour mémoire, il fut une époque où lever le poing était pratique courante. Gardons-nous des extrêmes.

La France devient le pays de la violence ordinaire. Il y a encore quelques années ont regardait de très loin et de très haut certains pays de l’hémisphère sud où la violence sévit au quotidien. Soyons réalistes et plus humbles. Gardons-nous des extrémistes à gauche comme à droite, de l’outrance, de l’ostracisme, de la haine de l’autre. Conservons notre dignité et notre liberté d’expression, rappelons-nous ce très court texte.

 

Poème attribué à Martin Niemöller, pasteur (camp de Dachau 1942)

Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai rien dit, je n’étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour dire quelque chose.

Suffira-t-il de croiser les doigts pour éloigner le spectre de l’affrontement entre citoyens, en faveur du pouce levé et les autres partisans du pouce baissé en mémoire du geste antique de César dans l’arène et la réponse des gladiateurs, morituri te salutent. Ce serait faire injure aux électeurs en essayant de leur dicter un choix. Ils sauront réfléchir par eux-mêmes.