L’ÉGYPTE ET
LE QATAR S’AFFRONTENT PAR GAZA INTERPOSÉ
Par Jacques BENILLOUCHE
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Les
Israéliens sont persuadés que les troubles qui ont éclaté à Jérusalem portent
la main du Hamas, voire même de l’Iran. Les dirigeants estiment aujourd’hui,
que dans le cadre de la crise du Golfe, qui sévit au sein des pays arabes, la
recomposition du paysage politique est en cours. Deux clans se sont constitués
qui s’affrontent par Gaza interposé. Le Qatar, la Turquie et le Hamas d’un
côté, les Émirats et l'Égypte de l’autre avec Mohammed Dahlan comme trublion central.
Il
est pratiquement acquis que l’Autorité palestinienne n’est pas responsable de la dernière
conflagration car elle sait que les troubles se retourneront contre elle et
amèneront le Hamas au pouvoir. Mahmoud
Abbas, conscient de l’indispensable coopération sécuritaire avec Israël, est
toujours partisan d’une solution pacifique rapide, a fortiori lorsque lui et son adjoint,
Saëb Erakat, ont de sérieux problèmes de santé. Le Hamas, de son
côté, aime jeter de l’huile sur le feu pour pousser Israël vers des représailles
qui feront l’objet de condamnations internationales. Mais il ne semble pas en
état d’organiser de telles émeutes alors que l’Iran dispose en Cisjordanie de
puissants relais et participe au financement de toutes les opérations armées.
La
crise des portiques est partie d’Oum El-Fahm, ville israélienne qui est
depuis des décennies un bastion du mouvement islamiste israélien de Cheikh Raed
Salah, emprisonné après avoir été accusé de contact avec un agent iranien. L’Iran
se justifie en expliquant que son conflit avec Israël est de nature théologique.
Les services de renseignements israéliens ont la redoutable tâche de comprendre
comment et par quel circuit l’aide financière et logistique iranienne est
parvenue jusqu’à Oum El-Fahm. Cela justifie pourquoi Benjamin Netanyahou a été
modéré dans ses réactions vis-à-vis de l’Autorité, en donnant même l’impression
de reculer.
Des soutiens tiennent une photo de Dahlan durant un manifestation contre les portiques |
Le
Hamas exploite toutes les ouvertures politiques en organisant des réunions avec
les Émirats et surtout avec l’exilé palestinien Mohamed Dahlan, l’ancien homme
fort du Fatah qui a retourné sa veste. Le régime de Gaza ne cherche pas
d’avancées politiques mais plutôt des solutions pour son économie moribonde.
Dahlan a promis des aides concrètes, en particulier le transfert immédiat de
carburant à la centrale électrique de Gaza à un prix modéré et le remplacement
des lignes électriques vieillies qui relient à l’Égypte.
À
moyen terme il a constitué aux Émirats arabes unis, où il vit, un fonds d’investissement
pour la construction d’une nouvelle centrale électrique dans la bande de Gaza
et d’une usine de dessalement de l'eau de mer du côté égyptien de Rafah. La
centrale électrique d’un coût de 100 millions de dollars serait construite dans
un délai de 18 mois tandis que l’Égypte envisagerait l'ouverture régulière du
passage de Rafah dès la fin du mois d’août. Le Hamas est persuadé que, lorsque
la crise de l’électricité sera résolue, que le passage de Rafah sera ouvert
avec pour corollaire la libre circulation des marchandises, alors le calme
social et sécuritaire reviendra. Israël estime de son côté que le Hamas aura du mal à se lancer dans une aventure
militaire avec le risque de voir toutes ces réalisations détruites par Tsahal.
Forces palestiniennes à Rafah |
L’Égypte
y trouve aussi son compte sur le plan sécuritaire avec en filigrane le retour
au pouvoir en Cisjordanie de son poulain Dahlan. Ainsi le Hamas a créé le 28
juin une zone tampon à sa frontière pour limiter les échanges entre Gaza et les
djihadistes du Nord-Sinaï. Les Émirats
cherchent certes à renforcer leurs alliés, l’Égypte et Dahlan, mais aussi à
bouter hors de Gaza le Qatar qui a rompu ses liens avec les Émirats arabes
unis, l'Arabie saoudite, le Bahreïn et l'Égypte. Le Qatar est accusé de
soutenir les Frères musulmans contre l’Égypte.
Soutien au Qatar à Gaza dans la ville de Hamas |
Le
Hamas sait qu’il devra choisir même si le Qatar a beaucoup aidé le Hamas durant
le siège imposé depuis 2007, à travers des projets sociaux, sanitaires et
économiques et le versement de 12 millions de dollars pour soulager la crise
électrique de Gaza. Le Qatar a été à l’origine de la construction de grands
projets résidentiels tels que la ville de Hamad. Mais l’ingratitude n’est pas
un sentiment nouveau si l’Égypte et ses alliés peuvent apporter une ouverture
sur le monde extérieur qui ne peut être envisagée par le Qatar. Les Émirats peuvent se substituer
financièrement au Qatar qui a envoyé, le 7 juillet, son ambassadeur à Gaza pour
confirmer que son pays continuerait à soutenir les islamistes. La Turquie a
choisi le parti du Qatar. Mais ils font profil bas en laissant leurs media marquer leur
désapprobation quant à cette éviction de Gaza.
Le
26 juillet, le journal qatari Al-Araby Al-Jadeed a publié un article où il
accusait le Hamas «d’être prêt à changer ses alliances politiques, surtout
avec le Qatar en échange de la nourriture offerte par les EAU et l'Égypte. Les
offres de Dahlan à Gaza sont de simples tentatives de l'Égypte et des Émirats
arabes unis pour sortir la bande de Gaza de l'influence du Qatar».
Le journal turc Yeni Safak a abondé dans le même sens le 26
juillet en «prétendant que Dahlan et le Prince héritier des Émirats,
Sheikh Mohammed bin Zayed, mettent en place un camp d'entraînement militaire à
Gaza pour des centaines de personnes dans le Sinaï qui seront ensuite envoyées pour
attaquer le Qatar et la Turquie».
Évidemment
le Hamas nie ses intentions de choisir un clan plutôt qu’un autre : «Le
Hamas ne s’alignera pas avec un parti arabe contre un autre, et c'est un
problème que nous devons clarifier vis-à-vis de tous les pays. Le Qatar a confirmé que ses projets sont en
cours à Gaza et que tous ses engagements seront réalisés selon le plan».
Mais
il n’est donc pas impossible que Gaza devienne le terrain où se jouera un
nouveau conflit entre l’Égypte et le Qatar, dans une sorte de concurrence menée
à son paroxysme. Le Moyen-Orient risque d’être le théâtre d’une rivalité qui
peut mener à l’aventure.
2 commentaires:
Quelle analyse de Jacques Benillouche !
Alors qu'au sein de l'Autorité Palestinienne se profile une Guerre de Succession, un Homme attend.
Mohamed Dahlan, ancien dirigeant du Hamas et actuellement en exil, attend d'entrer dans le jeu.
Dans le Monde Arabe, 2 camps sont face-à-face : d'un côté le Qatar qui soutient le Hamas en place et une "Alliance" avec l'Arabie Saoudite, l'Égypte et quelques Autres.
Le champ de bataille, c'est Gaza. L'Égypte aimerait bien que Dahlan, devenu plus "modéré" prenne le Pouvoir en Judée-Samarie, puis à Gaza. Ceci permettrait d'améliorer la situation à Gaza et, peut-être, de redémarrer le Processus de Paix.
WAIT AND SEE.
Oui toujours instructif les analyses de Mr Jacques Benillouche,ainsi que les articles de David Lowy Times of ISRAEL...
Ceci dit, la Judée Samarie fait partie d'Israel et tôt ou tard, il faudra faire disparaitre la verrue que représente Gaza..vers l'Egypte...
Les Juifs depuis la Shoah,( tout comme les Arméniens,) devraient vivre en paix et en sécurité sur leur terre...20000 kms carré, un petit confetti sur cette planète et on continue à nous faire chier...?
lassitude...fatigue...et ras le bol de ces musulmans d'un autre siècle..et toujours dans le terrorisme!
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