KOL-ISRAEL : JOURNAL DU 30 septembre 2011
RETROSPECTIVE D'UNE ANNEE RICHE EN EVENEMENTS
RETROSPECTIVE D'UNE ANNEE RICHE EN EVENEMENTS
Jacques BENILLOUCHE
au micro de
Annie GABAI et Maurice IFERGAN
En ce jour de Rosh-Hachana, la nouvelle année juive, les mois qui viennent de s’écouler ont été riches en évènements. Israël s’est trouvé confronté à de nouveaux défis qu’il a dû surmonter avec plus ou moins de réussite.
Sur le plan diplomatique
Une déclaration inédite conditionne les négociations futures : la fin du dogme du Grand Israël. Sous la pression internationale, le nationaliste Avigdor Lieberman, a ouvert la porte à un État palestinien. L’évolution du ministre des affaires étrangères se confirme dans l’exposé d’arguments que ne désavoueraient pas la gauche. Il se justifie en qualifiant son appartenance à la «droite rationaliste, qui estime que l’idéal sioniste n’est plus aujourd’hui accessible dans son intégralité». L’expérience l’a convaincu de choisir le pragmatisme plutôt que les rêves insensés.
Il s’est décidé à évoluer car il a été à l’origine de l'échec de la diplomatie israélienne. En effet, huit pays d'Amérique latine ont reconnu l'État de Palestine tandis que le ministre des affaires étrangères israélien est persona non grata dans 80% des pays membres de l'ONU. Il est responsable d’une diplomatie israélienne en panne.
Sur le plan intérieur
La révolution israélienne, symbolisée par l’installation de tentes dans les villes d’Israël, a démontré que l'économie va bien mais pas la population. Dix grandes familles contrôlent les activités économiques de dix grands groupes dans une impunité totale du contrôle du marché. Les manifestations ont mis en évidence un aspect méconnu d’une économie israélienne dynamique masquant des inégalités de plus en plus grandes. La politique économique, mise en place par Benjamin Netanyahou, ministre des finances du gouvernement Sharon en 2003, a donné naissance à une génération d’oligarques née sur le modèle russe qui ont surfé sur l’ultra libéralisme à outrance.
Israël va retrouver son indépendance énergétique puisque le gisement de gaz naturel, découvert au large de Haiffa, va transformer le Moyen-Orient, et ajouter davantage de combustible à une région d'ores et déjà inflammable. Le champ gazier, baptisé Léviathan, renferme 450 milliards de m3 c’est-à-dire de quoi satisfaire la demande des États-Unis en gaz chaque année. Israël serait ainsi à l’abri de tout chantage lié à la fourniture énergétique.
La Palestine
Dans les relations avec les palestiniens, deux stratégies se sont affrontées pour avoir l'initiative. Benjamin Netanyahou et Mahmoud Abbas ont cherché, l'un comme l'autre, à avoir le plus d'atouts pour une éventuelle grande négociation. Tandis que les américains tentent de ranimer les pourparlers de paix et que Sarkozy essaie d’arbitrer le débat qui s’enlise, les deux dirigeants cherchent à se donner des marges de manœuvres.
Le récent ballet diplomatique montre que les dirigeants israéliens et palestiniens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Netanyahou ne propose rien de concret pour débloquer le processus de paix tandis que Mahmoud Abbas s’est fourvoyé dans une démarche onusienne stérile. La déclaration unilatérale d’indépendance s’avère un pétard mouillé plutôt que l’étincelle qui mettra le feu à toute la région. Les palestiniens espéraient beaucoup d’une annonce qui, passé le moment de liesse, risque de décevoir parce que les résultats seront loin des attentes.
Les attributs d’un véritable État ne seront pas au rendez-vous. Si le drapeau et l’hymne sont acquis, l’armée, les frontières et la monnaie restent hypothétiques, à la merci en fait de décisions des israéliens. En tout état de cause, l’initiative palestinienne butera contre le véto américain car Barack Obama tient à un accord négocié.
Les dirigeants israéliens n’ont pas compris la stratégie de Mahmoud Abbas qui joue à quitte ou double en risquant de casser une économie qui n'est pas en état de supporter un conflit avec Israël. L’assise économique palestinienne est très fragile car axée sur le secteur public tenu à bout de bras par les dons internationaux, très importants au regard de la taille de la Cisjordanie. L’Autorité palestinienne risque de s’effondrer si la Palestine choisissait l’aventure.
Le programme nucléaire iranien
Israël avait prévu d’attaquer les installations nucléaires en fin 2010 mais les États-Unis l’ont empêché bien que le roi Abdallah d'Arabie saoudite ait cautionné cette frappe. Nos articles sur Slate avaient fait état des pressions qu’Israël maintenait sur Barack Obama pour le persuader de la nécessité d’une frappe préventive contre les installations nucléaires de Téhéran. WikiLeaks avait confirmé nos affirmations.
Les dirigeants israéliens, usant d’analyses fluctuantes, ont donné le sentiment de ne pas avoir de stratégie précise. Ils ont brouillé les pistes sur leurs intentions réelles à l’égard de l’Iran. L’ancien chef du Mossad Meir Dagan avait tempéré la situation en précisant que l’Iran n’aurait pas de capacité nucléaire militaire avant 2015.
Ces atermoiements ont été justifiés par les dysfonctionnements intervenus dans les centrales nucléaires sous l’effet du virus Stuxnet. Les experts sont maintenant convaincus que ce virus avait été conçu pour s'attaquer aux centrifugeuses de Natanz utilisées pour enrichir l'uranium. Contrairement aux virus de type «familiaux», Stuxnet avait été élaboré «sur mesure» pour s’attaquer spécifiquement aux sites nucléaires iraniens. Il était chargé de saboter exclusivement les alimentations électroniques des centrifugeuses nucléaires. Le virus a ainsi agit comme une arme de destruction, nouvelle génération.
Parallèlement à cette attaque cybernétique, une guerre totale des services secrets avait été engagée entre l'Iran et Israël. Des savants iraniens ont été assassinés, retardant d'autant la réalisation du programme iranien. Le virus Stuxnet et les assassinats de scientifiques ont suffisamment retardé le programme nucléaire pour qu'Israël renonce presque officiellement à une attaque risquée et incertaine.
Israël et la France
Depuis 2008 les relations diplomatiques entre la France et Israël n'ont cessé de se dégrader. Le discours de Nicolas Sarkozy à la Knesset, où il prônait le partage de Jérusalem, avait été mal accepté par les dirigeants israéliens. Sarkozy et Netanyahou, les «frères» étaient devenus ennemis. Les israéliens accusaient le Quai d’Orsay d’avoir entretenu cette haine.
En dépit d'une «normalisation» récente, les relations entre la diplomatie française et Israël ont toujours été extrêmement conflictuelles. Le retour d'Alain Juppé, gaulliste et chiraquien pur et dur, n'a pas été interprété comme une bonne nouvelle mais plutôt comme une marque d’un retour au passé pro-arabe du Quai d’Orsay. Les choses n’ont pas bougé dans ce domaine.
Les révolutions arabes
Les israéliens n’ont pas apprécié que Washington lâche Moubarak car ils craignaient une prise du pouvoir en Égypte par les Frères Musulmans. La position de l'administration américaine a toujours été ambigüe vis-à-vis d'Hosni Moubarak. Les américains, qui savaient qu’il représentait la stabilité dans la région et le seul allié d’Israël, ont hésité pourtant à l’appuyer ouvertement. La nouvelle donne en Égypte scellait le syndrome de l'encerclement d’Israël. Si le nouveau pouvoir égyptien revenait sur la paix signée avec Israël, l'État hébreu risque de se retrouver dans la même situation que lors de la guerre des Six-Jours en 1967, et la guerre de Kippour en 1973.
Les américains restent confiants car ils misent sur l’armée. Les militaires pouvaient assurer la relève des régimes dictatoriaux en étant le rempart contre l’arrivée des extrémistes au pouvoir. En effet l’armée est dans les pays arabes la seule structure organisée dont les dirigeants sont issus d’une élite forgée au contact des écoles militaires étrangères.
Mais depuis des mois, des combattants liés à Al-Qaeda ont profité de la révolution égyptienne pour faire du Sinaï un sanctuaire et une base d'attaques contre Israël. L'armée égyptienne tente de reprendre le contrôle de la péninsule mais sa tâche s'annonce difficile. Israël avait constaté l’installation de forces terroristes liées à Al-Qaeda, au Hamas et aux Frères Musulmans mais s’est abstenu d’intervenir au Sinaï. Cependant le risque de guerre pourrait venir de cette zone perturbée.
Turquie
La victoire décisive d'Erdogan sur son armée est totale. Après l'arrestation de dizaines de généraux pour complot et la démission des principaux chefs de l'armée turque, le pouvoir civil aux mains de l'islamiste Tayyip Erdogan prend définitivement le pas sur le pouvoir militaire. La vague de démissions à la tête de l'armée turque marque un bouleversement des équilibres politiques dans le pays.
Mais Erdogan, qui visait à prendre le leadership du monde arabe, a compris que son projet était contrecarré par le roi Abdallah d’Arabie et que son rêve s’était dissipé lors de son dernier voyage en Égypte où les Frères musulmans lui ont signifié une fin de non recevoir.
Contrairement aux prévisions les plus pessimistes, Israël et la Turquie sont condamnés à s'entendre. Entre la Turquie, qui estime son honneur bafoué, et Israël qui a pour principe intangible de ne jamais s'excuser quand sa sécurité est en jeu, l'impasse semble totale. Mais quand la raison finira par reprendre le dessus, les deux pays ne pourront que s'entendre.
Iran
Pour Israël, la menace iranienne se rapproche. Téhéran a profité du flottement du pouvoir égyptien et de l'affaiblissement américain pour envoyer des navires de guerre en méditerranée. Deux navires de guerre iraniens ont franchi le canal de Suez et pénétré en Méditerranée pour la première fois depuis 1979 pour établir une base navale à Lattaquié en Syrie, entièrement équipée et contrôlée par les Gardiens de la révolution iraniens.
En alimentant en missiles la bande de Gaza et le Hezbollah, en soutenant à bout de bras le régime d’Al-Assad en Syrie, l'Iran cherche à mettre le feu au Proche-Orient pour avoir le temps de se doter d'un arsenal d'armes nucléaires.
Syrie
La Syrie restait une exception bien que le régime se montrait aux abois. En dépit de l'aide de l'Iran et du Hezbollah libanais, le régime syrien n’est pas parvenu à enrayer la soif de liberté de son peuple.
Bassar el-Assad semble jouer son va-tout. La répression se poursuit en Syrie. L’offensive militaire pour noyer dans le sang la révolte s’effectue dans l'indifférence du monde occidental alors que la Syrie frise la guerre civile puisque la révolte se transforme en conflit armé entre communautés.
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