LES LIMITES DES SANCTIONS CONTRE L’IRAN
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Benjamin
Netanyahou avait raison de contester l’efficacité des sanctions contre l’Iran.
Elles n’ont jamais limité le commerce iranien
en raison de l’égoïsme de certains pays et des intérêts économiques contradictoires. Pour
Washington, les sanctions avaient pour objectif «d’intensifier la pression
économique contre le régime iranien», et de le contraindre ainsi à
infléchir sa politique nucléaire. Certes l’embargo
pétrolier de l’Union européenne, deuxième consommateur de brut iranien après la
Chine, semble appliqué mais il est contourné par d'autres pays, au vu et au
su des occidentaux.
Conséquences
des sanctions
L’Agence
internationale de l’énergie (AIE) a estimé que les sanctions internationales
avaient coûté 40 milliards de dollars à l’Iran, en 2012 : «La
production iranienne évolue à son plus bas niveau depuis trois décennies. Alors
que l’Iran produisait environ 3,7 millions de barils par jour fin 2011, elle
n’en produisait plus que 2,65 au mois de janvier 2013». Mais
pour attirer la compassion sur son peuple, l’Iran accuse ces sanctions de
pénaliser sa population qui se plaint d’être privée de médicaments : «Le
prix de certains médicaments a augmenté, parfois de 400 %. En plus, les
médicaments spéciaux ne sont plus disponibles». Les importations de
médicaments américains et européens ont certes diminué de 30% en 2012.
D’ailleurs le ministre iranien de la santé a été destitué pour avoir utilisé
des devises pour d’autres achats que l’importation de médicaments. Il est cependant fort probable que les dirigeants iraniens accentuent volontairement les difficultés rencontrées par les iraniens de manière à culpabiliser les pays occidentaux.
Il est certain
que ces sanctions ont eu un impact sur l’économie iranienne, mais pas au
point de bloquer totalement les échanges et de mettre le pays à la disette. Il en résulte, selon les
statistiques officielles, une inflation qui a atteint le chiffre de 27,4% en
2012 tandis que la hausse des prix sur les produits de première nécessité s'est élevée à 60%. Cette situation a entrainé une récession
suivie d’une hausse du chômage dans le pays des mollahs qui gaspillent des fortunes dans leur programme nucléaire.
Marché noir de devises dans une rue de Téhéran |
Face à la
rareté des entrées de devises et à l’interdiction d’accès au système bancaire
international, la monnaie locale s’est effondrée. Le dollar s’échangeait il y a
deux ans à 10.500 rials or il est côté aujourd’hui à 40.000 rials d’où un
marché noir toléré dans les rues de Téhéran.
Mais le paradoxe tient au lavage de cerveau subi par les iraniens
qui, selon l’institut de sondage Gallup, se prononcent favorablement pour la
poursuite du programme nucléaire. L’institut prouve ainsi que les sanctions n’atteignent
pas le moral de la population à moins qu’elle ne patiente jusqu’aux élections
présidentielles de juin 2013 pour exprimer son désir de changement.
La France, à
l’instar de l’Union Européenne, respecte l’embargo au détriment de sa propre
économie. Les ventes du groupe PSA Peugeot ont reculé de 16.5% car l’Iran était
l’un de ses principaux marchés avec 457.900 véhicules vendus. Son partenaire
local, Iran Khodro, détient 30% du marché avec 800 millions d’euros de chiffre
d’affaires. Mais les constructeurs
asiatiques n’ont pas eu de scrupules à s’introduire sur le marché iranien pour
combler le vide laissé par PSA. Deux poids, deux mesures.
En effet, tous
les pays ne sont pas aussi rigoureux dans le respect de l’embargo, en
particulier les pays asiatiques qui s’en donnent à cœur joie pour l’ignorer ou
le contourner. La Chine, le Japon, la Corée du sud, l’Inde, la Turquie et
Taïwan ont obtenu officiellement des Nations-Unies le droit de ne pas
respecter cet embargo. Les États-Unis et
l’Europe ont décidé de fermer les yeux et de ne pas contester cette décision
internationale.
Ces six pays ont donc profité pour absorber 65% de la production pétrolière iranienne en négociant, au passage, des prix de «crise» au rabais, à la limite de la braderie. Des informations officielles d’origine américaine précisent aussi que l’Afghanistan importe auprès de l’Iran le tiers du pétrole nécessaire à son armée, avec l’aval discret des américains qui financent la reconstruction de l’Afghanistan.
Tanker iranien |
Ces six pays ont donc profité pour absorber 65% de la production pétrolière iranienne en négociant, au passage, des prix de «crise» au rabais, à la limite de la braderie. Des informations officielles d’origine américaine précisent aussi que l’Afghanistan importe auprès de l’Iran le tiers du pétrole nécessaire à son armée, avec l’aval discret des américains qui financent la reconstruction de l’Afghanistan.
S’il est
interdit de commercer directement avec l’Iran, les intermédiaires sont nombreux
à jouer le rôle d’écrans capables de débaptiser ou dénationaliser le pétrole iranien en cours de
route. La Suisse joue en particulier le rôle d’intermédiaire car, bénéficiant
du statut de pays neutre, elle n’est pas tenue de respecter certaines décisions
politiques internationales ; elle est donc libre de vendre le pétrole des
mollahs.
Ainsi, le
département du Trésor des États-Unis a accru sa pression afin de décourager les
banques occidentales de continuer à traiter avec la société suisse Naftiran
Intertrade Company (NICO), chargée de négocier la vente du pétrole brut iranien
sur les marchés internationaux. D’ailleurs le vice-président iranien chargé du développement, Ebrahim
Azizi, a ouvertement recommandé à son administration de «développer au maximum
l’exportation de pétrole via la Suisse». Ebrahim Azizi |
Une poignée de traders sont chargés à Genève de l’écoulement du tiers du commerce mondial de brut en utilisant des artifices commerciaux judicieux. L’un d’entre eux avait acheté deux millions de barils à un revendeur au Bahreïn pour ensuite mélanger sa cargaison au large de la Malaisie avec un pétrole d’origine légale afin de «blanchir» sa cargaison. C’est aussi le cas de revendeurs russes qui mélangent leur pétrole d’Oural avec celui en provenance d'Iran.
Solutions
de rechange
Les américains
avaient pensé pouvoir bloquer ce commerce illicite en interdisant aux
compagnies américaines d’assurer les tankers de brut iranien. Mais la parade a
été trouvée par certains pays qui ont constitué leurs propres compagnies
d’assurances, souvent avec des fonds publics. D’autres, comme la Corée du sud,
ont accepté de se faire assurer directement par l’Iran qui détourne ainsi des
contrats d’assurances rentables perdus à son profit par les occidentaux.
La ligne rouge de Netanyahou |
Benjamin Netanyahou était au fait de ces informations et c’est
pourquoi il insistait auprès de Barack Obama pour durcir les sanctions afin qu'elles soient plus efficaces : «Les sanctions à elles seules sont incapables de stopper le programme
nucléaire iranien. Elles doivent être assorties d'une menace militaire
crédible». Mais il n’est pas certain que les États-Unis soient
prêts à modifier l'équilibre mondial en touchant à l’approvisionnement en pétrole des pays émergents. Le risque est grand de susciter une grave crise économique mondiale avec à la clef un conflit généralisé car, priver un pays de
pétrole c’est le contraindre à la guerre.
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