LE ROI ABDALLAH DE JORDANIE FACE AUX RISQUES DES ARMES CHIMIQUES
SYRIENNES
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
En complément à l’émission DEBRIEF du 27 décembre à 18h30 animée
par David SEBBAN sur GUYSEN-TV.
Israël n’est pas le seul pays inquiet du risque de prolifération
des armes chimiques syriennes parce qu’elles pourraient tomber entre des mains terroristes
capables de remettre en cause l’équilibre régional. La Jordanie se trouve
impliquée, malgré elle, dans ce conflit puisqu’elle dispose d’une frontière
commune avec la Syrie. Elle est forcée de canaliser l’afflux de réfugiés
syriens d'origine palestinienne cherchant à traverser sa frontière et elle craint, de ce fait,
l’action sur son territoire de bandes organisées soutenues par les salafistes
qui tenteraient de déstabiliser ou de renverser le roi. Il semble qu’il y ait
donc un consensus entre Israël et la Jordanie sur le danger réel du conflit
syrien sur l’existence même du royaume.
Commandos israéliens
Commandos Sayeret Matkal
Le journal Al-Qods Al-Arabi, édité à
Londres et généralement bien informé, a fait état d’une rencontre secrète entre
Benjamin Netanyahou et le roi Abdallah de Jordanie. Le premier ministre
israélien tenait à l’informer des différents plans mis au point par Tsahal pour
détruire les stocks d’armes chimiques en Syrie par des frappes aériennes ou par
des attaques de fantassins au sol. De hauts responsables israéliens ont
confirmé cette information du journal arabe. Le premier ministre a aussi abordé
avec le souverain le dossier des armes syriennes non conventionnelles. Il
semble que le roi Abdallah n'ait pas donné suite à la proposition de Netanyahou
de détruire, par une opération militaire, les entrepôts d'armes chimiques
détenus par le régime de Damas.
Les deux dirigeants ont eu à commenter les fuites de source arabe
sur une éventuelle présence d’israéliens en Syrie. Des sources occidentales bien
informées y ont d’ailleurs fait état d’activités secrètes de forces
israéliennes. Selon le site libanais Al-Khabar, citant le journal «Ad-Diyar»,
huit équipes de commandos spécialisés israéliens interviennent en soutien des
américains après s’être introduits par la ville irakienne d’Abou Kamal ou
libanaise d’Akkar. Ils s’infiltrent auprès des soldats de l’ASL (l’armée
syrienne libre) afin de repérer les sites sensibles de stockage des armes
chimiques. Netanyahou tenait à présenter lui-même les résultats des investigations des commandos israéliens opérant à l'intérieur de la Syrie.
Neutralisation des sites chimiques
Netanyahou a demandé à la Jordanie
la permission d’attaquer les installations d’armes chimiques en passant par son
territoire. Bien qu’Israël ait assuré le roi que les frappes seraient
effectuées avec précision, Amman hésite encore à appuyer cette action aux
conséquences politiques sérieuses et soulève le risque de nombreuses victimes
civiles et d’une menace sur l’environnement. Le roi estime qu’une incursion
terrestre entrainerait des dégâts irréversibles et déséquilibrerait l’équilibre
politique régional. Il refuse par ailleurs d'être le seul Etat arabe à intervenir aux côtés des israéliens.
Netanyahou aurait cherché à convaincre Abdallah II d’intervenir auprès de l’Égypte et de l’Arabie saoudite pour ouvrir et faciliter une collaboration avec Israël. Le roi aurait mis comme condition immédiate d’engager des négociations de paix avec Mahmoud Abbas afin de lever les réticences de ces deux pays. Mais le premier ministre a expliqué que ces considérations étaient dépassées car la situation devenait urgente. Le régime d’Assad semble toucher à sa fin et il ne verrait son salut que dans l’utilisation d’armes chimiques contre les rebelles.
Netanyahou aurait cherché à convaincre Abdallah II d’intervenir auprès de l’Égypte et de l’Arabie saoudite pour ouvrir et faciliter une collaboration avec Israël. Le roi aurait mis comme condition immédiate d’engager des négociations de paix avec Mahmoud Abbas afin de lever les réticences de ces deux pays. Mais le premier ministre a expliqué que ces considérations étaient dépassées car la situation devenait urgente. Le régime d’Assad semble toucher à sa fin et il ne verrait son salut que dans l’utilisation d’armes chimiques contre les rebelles.
L'anxiété est donc à la hausse. Hillary Clinton se contente, une
fois de plus, de mise en garde à destination de Bassar Al-Assad : «Je
ne vais pas télégraphier dans les détails ce que nous ferions en cas de preuve
crédible que le régime d'Assad a eu recours à des armes chimiques contre leur
propre peuple. Mais il suffit de dire que nous envisageons de recourir à de
telles mesures.» Cette anxiété est liée aux rapports de David Sanger et Éric
Schmitt dans le Times précisant que «l'activité que nous voyons suggère une
certaine préparation chimique potentielle armée».
Plusieurs requêtes
Armes chimiques syriennes
Cette requête auprès de la Jordanie n’est pas nouvelle. La
visite de Netanyahou s’inscrit après une
demande réitérée deux fois auprès de la Jordanie par l’intermédiaire d’envoyés
du Mossad pour obtenir, en vain, la permission de «bombarder les sites
d’armes chimiques». Le déplacement personnel du premier ministre avait pour
but de sensibiliser le Roi de Jordanie sur les risques encourus par son pays si
rien n’était fait. Les rapports de ses commandos sur place sont alarmistes pour le régime hachémite. Bien sûr Israël peut se passer de cette autorisation mais
certains sites jouxtent la frontière avec la Jordanie et la Syrie pourrait
considérer que la Jordanie est impliquée et complice d’une attaque israélienne
avec les répercussions que cela entraine.
Il n’est un secret pour personne que la Jordanie collabore déjà
avec Israël sur le plan sécuritaire. Elle est même devenue une plaque tournante
des activités contre le régime syrien. Des sources occidentales précisent que
les États-Unis, la Jordanie et les États du Golfe ont mis en place une
structure de renseignements visant à dépister les militants djihadistes afin de
lutter contre l’influence des soutiens turcs et qataris auprès des rebelles. La
Jordanie soupçonne les syriens d’infiltrer ses agents dans le camp de réfugiés
syriens près de Zaatari, chargés de créer un foyer d’agitation en Jordanie,
avec l’objectif secret de renverser le roi.
Ainsi Jeffrey Goldberg du journal «The Atlantic» avait déjà révélé
qu’Israël avait demandé durant les mois précédents, à deux reprises, la «permission»
de bombarder. Les envoyés du Mossad qui ont fait le voyage à Amman ont rendu
compte que le roi «n’estimait pas le moment venu». Le déplacement du
premier ministre lui-même tend à informer le roi sur les risques qu’il prend en
restant passif mais aussi à l’assurer qu’Israël suit parfaitement le trajet
des armes chimiques qui restent sous la supervision des drones américains et
israéliens.
Plus la situation devient critique en Syrie et plus le régime de
Damas peut être amené aux dernières extrémités. Netanyahou a précisé que «Il
y a des développements dramatiques en Syrie sur une base presque quotidienne.
Nous travaillons en collaboration avec les États-Unis, et, de concert avec la
communauté internationale, nous prenons les mesures nécessaires pour nous préparer
à la possibilité de changements ayant une incidence sur les systèmes d'armes
sensibles dans les mains d'Assad.».
Armes chimiques sous contrôle
Cependant Amos Gilad, haut fonctionnaire du ministère de la Défense
chargé des missions confidentielles, a confirmé que «pour le moment, les
armes chimiques de la Syrie étaient sous contrôle, malgré le fait que Assad ait
concédé du terrain aux rebelles». Mais la
réunion secrète en Jordanie avec le roi Abdallah II avait
pour but de lui expliquer «un scénario impopulaire d'une offensive surprise
contre l'arsenal d'armes chimiques d'Assad afin de la détruire.» Netanyahou
tenait au soutien du roi car cette option militaire avait déjà été discutée et
rejetée par l'Occident, sous prétexte qu’elle se traduirait par la mort de
milliers d'innocents.
Pourtant la Jordanie et consciente du danger. Des informations
occidentales rapportent que l'armée jordanienne a décrété l'état d'urgence, et
que ses troupes ont été équipées de masques à gaz en prévision des armes
chimiques employées par le régime syrien près de la frontière. Cependant la
Jordanie refuse une intervention solitaire des israéliens qui la mettrait dans
le rôle de complice mais préfère une action de l’ensemble des puissances
occidentales. Le roi a moins peur des armes chimiques que d’une action de
déstabilisation contre son pays.
Les services secrets israéliens avaient informé les dirigeants jordaniens sur le rôle «d’aspirateur des djihadistes du monde entier» de la Syrie. C'est pourquoi le roi de Jordanie pense
qu’avant de s’intéresser aux armes chimiques il serait judicieux de se
préoccuper des nombreuses armes de pointe qui tombent entre les mains des
salafistes djihadistes et des organisations qui prennent progressivement le
relais sur la rébellion contre Damas.
El-Qaeda en Syrie
Le roi Abdallah a expliqué qu’en cas de chute du régime de Bassar
Al-Assad, les armes ainsi que l’expérience acquise par les salafistes se
retourneraient contre d’autres cibles au Proche-Orient. Effectivement grâce aux informations israéliennes,
il a procédé au démantèlement d’une cellule de onze salafistes jordaniens qui, avec le soutien
d’Al-Qaeda, avaient l’intention d’attaquer des centres commerciaux et des
ambassades occidentales en Jordanie. Il est persuadé qu’il faut creuser cette
piste plutôt que celle des armes chimiques qui constituent selon lui une simple
dissuasion de la part de Bassar Al-Assad. Pour l'instant Netanyahou n'a pas réussi à le convaincre mais il pourrait bien se passer de son autorisation si le danger devanait pressant.
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