LES OCCIDENTAUX SCEPTIQUES
SUR L'ACCORD IRANO-SAOUDIEN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Ali Shamkhani et Ali Larijani |
Des pourparlers
secrets se sont tenus à Pékin, du 6 au 10 mars, sous l’égide du diplomate
chinois Wang Yi avec la participation d’Ali Shamkhani, secrétaire du SNSC (Conseil
suprême de la sécurité nationale iranien) et Musaad bin Mohammed Al-Aiban, conseiller
saoudien à la sécurité nationale. Une déclaration trilatérale a été publiée
précisant que Ryad et Téhéran s’engagent à rouvrir leurs ambassades d’ici deux
mois. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Faisal bin Farhan Al
Saud, a estimé que le rapprochement découle de la priorité accordée par le
Royaume au «dialogue et aux solutions politiques» tandis que le ministre
iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, soutient que «la politique
de bon voisinage du gouvernement iranien progresse dans la bonne direction».
Les médias de l’Arabie exultent ; Asharq
Al-Awsat a écrit le 12 mars que «l'accord sert à réaliser le
programme de développement Vision 2030 du prince héritier MbS». Arab News
du 11 mars rappelle que MbS avait considéré «l'Iran comme un voisin et
qu'il est dans l'intérêt des deux parties de résoudre les problèmes».
Enfin, le quotidien Okaz publié à Djeddah estime le 10 mars que
l'accord «répond aux exigences saoudiennes et en particulier au respect de
la souveraineté de l'État et la non-ingérence dans les affaires intérieures des
autres États».
Les alliés de l’Iran se réjouissent à l’instar de la
presse syrienne qui souhaite le 11 mars que «les efforts diplomatiques
s'étendront pour inclure les relations entre les pays arabes». À noter que
le Bahreïn et les Émirats arabes unis ont déjà normalisé leurs relations avec
Damas après avoir dégradé leurs relations à la suite de la crise syrienne en
2011. Hassan Nasrallah a déclaré le 10 mars, de son côté, que «l'
accord irano-saoudien était une transformation positive et que son impact se
ferait sentir au Liban, au Yémen, en Syrie et dans la région».
Porte-parole des Houthis |
Le
porte-parole des Houthis, Mohammed
Abdulsalam, a salué «le rapprochement irano-saoudien. La région a
besoin d'une normalisation des liens entre ses pays pour rétablir sa sécurité».
Il convient de noter que l'Iran soutient les Houthis qui sont la cible de
l’Arabie depuis 2015. Mais certains groupes armés
soutenus par l’Iran ont déclaré que «l'accord donnerait un élan à la
coopération entre les États de la région mais que si le rapprochement est
positif, les factions, les forces et le gouvernement irakiens ne sont pas liés
par les accords conclus entre d'autres États».
Abu Ali Al-Askari, haut commandant du Kataïb Hezbollah, a
déclaré le 11 mars : «Nous devons être plus diligents et prêts que jamais
face aux monstruosités de l'entité saoudienne dans la région. Nous ne devons
pas nous laisser emporter par la politique».
Les alliés arabes de
l'Arabie, ceux du Golfe en particulier, ont approuvé le rapprochement avec
l'Iran, tandis que d'autres États de la région ont également salué le
développement. Le CCG (Conseil de coopération du Golfe) ainsi que le
Bahreïn, le Koweït, le Qatar et les Émirats ont salué l'accord et son
impact sur la sécurité et la stabilité régionales. L’Algérie, Oman,
l’Égypte le Liban et le Soudan ont fait les mêmes déclarations.
John Kirby |
En revanche les
Occidentaux sont plus sceptiques sur cet accord. Le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, a déclaré
le 10 mars que «ce n'est pas un régime qui honore généralement sa parole,
nous espérons donc qu'il le fera. Nous
aimerions que cette guerre au Yémen se termine». La France soutient «toute
initiative qui contribuerait à désamorcer les tensions tout en exhortant l'Iran
à renoncer à ses actions déstabilisatrices». Les Britanniques ont qualifié
l'accord de «grande nouvelle pour le Moyen-Orient et pour la Chine».
En Israël,
l’opposition a presque rendu responsable Netanyahou de cette évolution politique.
Yaïr Lapid a décrit «l'accord entre
Riyad et Téhéran comme un échec
dangereux de la politique étrangère du gouvernement israélien». Naftali Bennett a estimé le 10 mars que «le
rétablissement des liens entre l'Iran et l'Arabie saoudite est une victoire
politique pour l'Iran et un coup fatal à l'effort de construction d'une
coalition régionale contre la république islamique». Benny Gantz a décrit
l'accord irano-saoudien comme «un développement inquiétant. Les défis de
sécurité posés devant Israël augmentent».
L’Arabie avait
rompu ses relations en 2016 lorsque des Iraniens avaient pris d’assaut ses
installations diplomatiques. Les pourparlers de Pékin marquent le début d'une
phase de transition entre la sécurité et le dialogue diplomatique entre les
deux rivaux régionaux. En fait, l'initiative
diplomatique chinoise fait partie des efforts de Pékin pour consolider son
implantation en Asie occidentale.
Xi Jinping et Poutine |
Ainsi, en décembre 2022, le président
chinois Xi Jinping s'était rendu à Riyad pour des sommets avec des dirigeants arabes
et ceux du Golfe. Cette visite historique
a contribué à renforcer les relations entre la Chine et l'Arabie dans le cadre
d’un projet d'infrastructure reliant l'Asie à l'Europe. Pékin s'est aussi
engagé plus étroitement avec l'Iran en accueillant le président Ebrahim Raïsi
pour une visite d'État, après l’accord de partenariat stratégique de 25 ans,
signé en 2021.
L’accord
irano-saoudien s’explique par les tensions croissantes entre la Chine et les
États-Unis car l’Arabie veut équilibrer ses partenariats. Ainsi en 2022,
l’Arabie a réduit sa production de pétrole contre la demande expresse de Joe
Biden d’augmenter sa production. Il s’agissait pour Ryad de permettre à l’Iran
d’écouler sa production. Dans le conflit russo-ukrainien le Royaume n’a pas
pris de position antirusse estimant qu’il pourrait intervenir en tant que
médiateur entre les deux parties.
L’amélioration des
liens entre l’Iran et l’Arabie est interprétée comme un ralentissement
volontaire des efforts d’Israël pour nouer des relations diplomatiques avec
l’Arabie. Mais le blocage est imputé à l’Arabie qui ne veut entrer dans les
Accords d’Abraham que lorsque qu’un État palestinien sera créé. Une normalisation entre Riyad et Jérusalem s’éloigne de
plus en plus. La création d’un axe anti-Iran n’est plus d’actualité.
Ce nouvel accord engage l’Iran à ne plus s’ingérer dans
les affaires du Liban, de Syrie et du Yémen et à mieux contrôler les groupes
armés qu’il soutient en Irak. De son côté l’Arabie essaiera de conclure un
accord de paix avec les Houthis. Le
grand perdant de cette opération reste certainement Israël qui comptait sur l’Arabie
pour créer un axe anti-Iran.
2 commentaires:
C'est typiquement Oriental la surprise et le renversement des alliances; l'Iran ne contrôle plus ses manifestants et MBS y trouve son avantage
L'Arabie Saoudite a surtout compris qu'en cas de clash militaire entre l'Iran et Israël il vaudrait mieux ne pas apparaître comme un allié (faible et donc vulnérable) de l'Etat hébreu.
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