La coalition
fait actuellement feu de tout bois sur le plan législatif. L’inquiétude est
croissante dans la communauté culturelle de voir les intentions affichées
s’étendre à la création cinématographique, théâtrale, artistique en général. La
récente interview du ministre de la Culture et des sports Miki Zohar, hautement
ambivalente, fait craindre le pire : «C’est le gouvernement du peuple
et il doit soutenir tous les citoyens qu’ils soient ou non en accord avec notre
politique». Jusque-là on ne peut qu’être d’accord. La suite, sème le doute
sur cette déclaration d’intention. «Le gouvernement ne financera pas des
films dont l’objectif est d’offenser le pays ou son armée». Cette
déclaration a déjà entrainé les craintes et les critiques des réalisateurs et
leurs supporters.
Miki Zohar |
Soumission & allégeance au
politique
Miki Zohar a déclaré
que les réalisateurs qui souhaitent des subventions de l’État devront signer un
engagement selon lequel leur réalisation n’est pas anti-israélienne. Il
a pointé le fait que des entités qui boycottent l’État juif par ailleurs, s’appuient
sur le fait que leur œuvre est produite localement pour justifier de leur
création et leur demande de subvention. Le ministre n’a pas été plus précis sur
les critères que le Conseil du cinéma israélien appliquera pour déterminer
qu’un film sera de nature à être offensant ou anti-israélien. On n’en sait pas
plus sur le mode de nomination des censeurs. Vu ce qui est déjà dans les tuyaux
sur le plan législatif, on ne s’attendait pas à moins.
En revanche l’inquiétude n’en est que plus grande comme le confirme Isaac Zablocki, directeur de Centre du film israélien. Les subventions accordées sont déterminantes car la majorité des réalisateurs en dépendent. C’est ce qui permet au cinéma israélien d’être aussi performant à l’étranger. Coté ministériel on argumente, il s’agit de fonds du gouvernement, n’est-ce pas à lui de décider qui doit en bénéficier ? Zohar a de plus confirmé que tous les organismes chargés du financement en liaison avec le Conseil du cinéma chargé des subventions, auront également l’obligation de signer un document par lequel ils s’engagent à ne pas produire un contenu (de film) qui fait du tort à Israël, à ses soldats ou son armée. Ce sera la condition du financement. Finalement c’est le public qui décidera d’aller voir ou non un film. Mais nous ne ferons aucun compromis concernant le financement. Nous ne financerons pas des contenus mettant en cause les soldats et l’État. La question du financement par l’État a déjà fait l’objet d’une tentative de main mise par le politique. En 2017 Miri Regev avait voulu revoir les critères d’attribution des subventions. Ce qui a entrainé de très vives tensions avec le monde du cinéma.
Aviva Pauline Garbowit et Isaac Zablocki |
Miki Zohar a apparemment été inspiré par une petite mais très active organisation israélienne de droite au nom biblique «BeZalmo» (À son image), dont les membres avaient manifesté contre la projection du film dans la ville israélienne d'Herzlia avec le slogan Non aux terroristes, oui aux militaires.
C’est un exemple.
Ces mesures discriminatoires frapperont nécessairement tous ceux qui ne
partagent pas les choix politiques du gouvernement. Ce qui les obligera à
s’aligner idéologiquement. Le ver est dans le fruit. Il s’agit bien ici de
soumettre la création aux choix d’une commission qui aura été nommée par le pouvoir.
Faute d’être indépendante, elle sera à la botte du politique. On ne peut rêver
pire pour encourager la création artistique, cinématographique notamment. La
même problématique se posera ensuite pour la création théâtrale.
Marcus Klingberg, l’espion soviétique démasqué |
Les conséquences en Israël
Sans jouer sur
le sens des mots, il s’agit bien d’une censure. Si ce projet va à son terme,
cet organisme placé sous l’autorité du gouvernement, mettra en place des
critères qui lui permettront de contrôler le scénario de chaque film, ses
développements. Comme au temps des régimes totalitaires, il faudra l’imprimatur
pour obtenir une subvention. Sans vouloir établir de comparaison jugée
excessive, mais ce qui reste à vérifier. On se rappellera que le Centre
National du Cinéma en France, qui distribue la manne publique (289 films par an
en moyenne) est l’héritier direct du Comité d’organisation de l’industrie
cinématographique créé par le gouvernement de Vichy, le 16 août 1940, pour
encadrer la production cinématographique.
On peut s’attendre à une réduction drastique de ce qui a fait le succès
des films israéliens et l’exil forcé de certains qui ne voudront pas se
soumettre à ce passage obligé. A cet égard, notons qu’un certain nombre de
réalisateurs sont déjà basés à l’étranger. Berlin est une destination bien
connue. On y trouve déjà plusieurs réalisateurs. Ce processus débouchera-t-il
aussi sur une censure des films étrangers tels que : Un Pur Espion qui retrace
l’itinéraire de Markus Klingberg qui espionna au profit de l’Union
Soviétique et fut finalement découvert et incarcéré sous une fausse identité
avant d’être libéré 20 ans plus tard. Ce film passe sur France 5 dimanche 26
févier et restera disponible en replay sur France TV.
Les conséquences à l’étranger
D’une façon
générale, surtout quand il s’agit de critiques d’Israël, un film interdit (si
on parle de censure) aura encore plus d’écho à l’étranger. Cette nouvelle
mesure en matière de liberté d’expression et de création culturelle donnera, si
besoin était, du grain à moudre à tous les adversaires d’Israël, après les lois
en cours d’examen à la Knesset. Elle entrainera un préjugé défavorable contre
la future production qui sera accusée d’avoir céder au diktat d’une commission
de censure. Certains pourront même ajouter le mot de propagande. Enfin, verra-t-on
des films autorisés pour l’étranger et interdits de diffusion en Israël. Ce qui
serait un comble et une atteinte faite aux citoyens israéliens qui, à travers
le budget de l’État, auraient participé à leur financement mais n’auraient pas
la possibilité de les voir. Après le succès mondial de la série Fauda, dont
la dernière partie est essentiellement en arabe, assistera-t-on à un Fauda
culturel israélien ? Ce serait un
très mauvais coup pour la vie culturelle et plus spécialement pour le cinéma
israélien qui a su conquérir ses lettres de noblesse internationales en
quelques années.
2 commentaires:
Merci pour cet article !
Israël que nous aimons était - et reste, même si nous sentons que cela peut changer - le "jardin au milieu de la jungle", et pas seulement comme démocratie mais pour tout ce qui va avec : la liberté d'étudier, de créer, de partager, d'échanger, et dans tous les domaines : artistiques, littéraires, scientifiques, économiques, etc. Le cinéma israélien a acquis une réputation méritée au plan international, et tout cela risque d'être gâché par des politiciens à la vue étriquée : un beau gâchis.
La "reforme" juridique avait pour but, initialement, de blanchir les politiciens vereux de la droite. C'etait assez dur d'avaler cela, mais au fur et a mesure que la "reforme" se mettait en place, de nouvelles idees aussi perverses les unes que les autres apparurent alimentees par tous les partis politiques et les hroupes de pression de la droite. M.Moriz a voque, tres justement, le probleme de la censure culturelle. Mais il n'a pas note que depuis une bonne dizain d'annees la presse quotidienne en Israel a ete pratiquement supprimee au profit d'un quotidien gratuit finance par un richissime homme d'affaire juif americain(apres sa mort, sa femme a continue l'entreprise). La droite reclamait toujours la transparence des financements de la gauche, elle n'evoquait jamais cette meme transparence pour la droite.
Samedi soir dernier, la manifestation de Tel Aviv a ete trouble par des individus non-identifies entrainant l'arretation de 18 manifestantss completement innocents (un manifestant de la gauche peut-il etre innocent?). Ben Gvir a deja donne l'ordre de disperser par la forc toutes les manifestations de la gauche. La police rechigne, mais les attaques repetes du ministre en question envers le chef e la police montrent bien qu'on va vers la creation d'une police politique qui, probablement, se permettra ap eu pres tout.
Ce ministre n'a-t-il pas evoque l'introduction de la peine de mort? Et on peut forcement penser que cette peine pourrait s'appliquer, non seulement aux meutriers palestiniens, mais aussi aux manifestants politiques.
Bref, Israel, cesse d'etre la seule democratie du Moyen Orient et rejoint les democraties illiberales comme la Hongrie, la Pologne, la Turquie et d'autres pays encore plus intolerants.
Et je n'ai meme pas evoque les revendications ultra-orthodoxes a propos du mouvement LGBT, des Juifs conservateurs et reformes, de la judeite suspecte des Juifs ethiopiens (un Noir peut-il etre juif?), etc, etc...
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