LES LACUNES DU SYSTÈME DE DÉFENSE AÉRIENNE SYRIENNE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Aéroport d'Alep |
On commence à en savoir
un peu plus sur les défaillances de la défense aérienne syrienne lors des
frappes israéliennes. En effet, cette défense n'empêche pas l’aviation
israélienne de régner en toute liberté au-dessus du ciel libanais, syrien et
irakien. Les services de renseignements israéliens et l’opposition syrienne
sont arrivés au même diagnostic. Pendant les attaques, les systèmes syriens
ont montré des défaillances graves. L’explication est double ; soit le système
ne répond pas aux spécifications prévues ; soit il aurait subi un dérèglement
volontaire, d’autres diraient un sabotage de la part d’Israël. De là à affirmer
qu’ils ont subi une cyberattaque, il n’y a qu’un pas.
défense aérienne Syrie |
L’armée syrienne a
reconnu que lors des frappes dans et autour de Damas «un événement
inhabituel s’est produit. Une véritable catastrophe a touché les missiles du
système de défense aérienne de Syrie». Une «folie» inexplicable
s’est emparé des missiles lancés contre les cibles israéliennes. Certains ont
explosé en vol après avoir parcouru 2 à 5 kilomètres. D’autres ont subi un
dérèglement qui les a fait chuter immédiatement au sol entraînant d’ailleurs
des victimes civiles à Damas.
Dans un premier temps
la responsabilité avait été attribuée à Israël et à son système de brouillage
massif contre les radars et les systèmes C3I syriens (commandement, contrôle,
communication, intelligence) au moment où intervenaient les frappes israéliennes.
En effet, tout à coup, les communications sont coupées brutalement,
l’ordonnancement des tirs est neutralisé et les Syriens ne sont plus avertis
des tirs hostiles parce que les radars ont été bloqués avec aucune possibilité
de détection. Le système devient muet.
defense anti aérienne syrienne |
Les services
techniques russes avaient effectivement détecté le long de la route menant aux aéroports
internationaux des signaux de brouillage qui venaient de bases syriennes
dédiées à la guerre électronique situées, à Jebel al-Manaa près d'Al Kiswah,
Tel-Sarukhiya à l'ouest de Damas et Tell Sultan près d'al Sayyidah Zainab. Mais
ces sites utilisaient des systèmes de brouillage de fabrication iranienne,
conçus pour bloquer les missiles de croisière et les missiles guidés par GPS.
Ces systèmes semblent être à l’origine des graves dysfonctionnements lors du
lancement des missiles de défense aérienne. Soit le système a été «bricolé»
par un élément extérieur, soit il n’était techniquement pas au point.
L’inquiétude est grande au ministère syrien
de la Défense qui se souvient des dégâts causés par le virus Stuxnet qui avait
contaminé et détruit toutes les centrifugeuses iraniennes. Comme les services
syriens sont dans le brouillard absolu, toutes les hypothèses, même les plus
farfelues, sont avancées pour couvrir l’incapacité du système. Le ministère
syrien a donc créé un comité technique tripartite comprenant des spécialistes
de la guerre électronique, de la défense aérienne et du CERS (Centre syrien d'études
et de recherches scientifiques). Il a exigé que les Russes soient invités à
coopérer avec les spécialistes iraniens pour déterminer avec précision les
causes du dysfonctionnement. Il estime urgent de régler définitivement le
problème.
pantsir S1 |
L’opposition syrienne a révélé que
l’attaque israélienne avait détruit des systèmes de missiles de fabrication
russe déployés pour défendre Damas et le sud de la capitale. Il s’agit des
batteries de missiles sol-air de pointe de fabrication russe Pantsir S1 et Buk
M2, connues en Russie sous le nom de «Cruise Missile Hunters». On parle
même d'un nouveau matériel. Pourtant les autorités israéliennes ont précisé que
la plupart des cibles étaient uniquement des objectifs iraniens, peut-être pour
éviter tout conflit avec Poutine.
Cela fait plusieurs
fois qu’Israël s’en prend aux lanceurs du système de missile Pantsir de la
défense aérienne syrienne. Les Syriens justifient leur passivité en précisant
que les attaques avaient été organisées pendant que les systèmes rechargeaient
des missiles sur leurs lanceurs ce qui a facilité leur destruction par
l’aviation israélienne. Les experts militaires apprécieront l'explication
douteuse.
Mais il faut bien
trouver un justificatif à ces ratés. Ou bien les systèmes sont techniquement
défaillants, ou bien les opérateurs syriens sont insuffisamment formés. En
Israël on ne commente pas les systèmes éventuels de brouillage qu'il utilise.
Il s’est borné à confirmer que les attaques avaient eu pour but de détruire des
missiles sol-air de l'armée syrienne, ainsi que des objectifs militaires
appartenant à la force iranienne El Qods, sans autre précision de procédure. Il
n’est pas dans les habitudes de Tsahal de dévoiler ses méthodes.
Une autre thèse a été
lancée pour expliquer l'échec des systèmes de défense aérienne fabriqués en
Russie spécialement pour la Syrie. Les Russes les auraient volontairement «neutralisés»,
une excuse peu plausible pour faire croire à la volonté de Poutine de ne pas
envenimer ses rapports avec Netanyahou. Les Syriens prétendent que les systèmes
d'armes vendus par la Russie étaient, dès l’origine, défaillants car certains
éléments internes avaient été modifiés pour dégrader leurs performances.
Modifiés par qui ? Les spécialistes du CERS prétendent que les caractéristiques
de performance constatées sont totalement différentes par rapport aux données
spécifiées dans les manuels du système.
Ce leur côté, les
Russes sont formels et attribuent les mauvais fonctionnements du matériel à
l’incompétence des équipes syriennes. Ils sont pourtant responsables de leur
formation. Alors ils laissent entendre que le dysfonctionnement technique n’est
pas dû à leurs systèmes mais à un éventuel «bricolage» par des sources
inconnues. On comprend leur volonté de reporter sur d’autres la mauvaise
qualité de leur matériel.
base russe Syrie Hmeimem |
D’ailleurs, le comité
technique tripartite comprenant des officiers syriens de haut rang, qui a
analysé les matériels dans la base aérienne russe de Hmeimim, a démontré que
les systèmes n'avaient pas réussi à faire face au brouillage qui leur était
adressé, ainsi qu'à leurs tentatives de les contourner, alors qu’ils ont été
conçus pour le faire conformément aux manuels du système. Les Russes sont
eux-mêmes surpris de ces défaillances alors que les systèmes chez eux ont passé
tous les tests. Mais des experts militaires russes indépendants ont
effectivement affirmé dans les médias que le système Pantsir n'avait jamais
réellement prouvé son efficacité dans l'emploi opérationnel en Syrie.
S-500 |
Une dernière
explication est avancée. Les nouveaux systèmes de défense antiaérienne S-500
Prometeï ont été testés en Syrie, selon le journal russe Izvestia, qui indique
que les essais ont été jugés concluants. Le ministère de la Défense dément la
tenue d'essais sur le sol syrien. En fait il semble bien que les essais aient
permis de révéler «certains problèmes» dans le fonctionnement du
matériel militaire.
La production des S-500 a été lancée en 2019 mais
les systèmes sont à ce jour réservés uniquement au marché russe. Conçu par le
consortium Almaz-Anteï, le S-500 a une portée de 600 kilomètres et est capable
de détecter et frapper simultanément jusqu'à 10 cibles supersoniques. Les
concepteurs indiquent que ses capacités devraient surpasser les systèmes S-400
actuellement en service dans l'armée russe ainsi que ceux des systèmes de
missiles américains Patriot Advanced Capability. Mais les Russes voulaient
procéder à des tests en réel sur le territoire syrien.
général Aytech Bijev |
Les tests sont
actuellement terminés et leurs résultats ont été jugés concluants mais selon le
général Aïtetch Bijev, ancien vice-commandant de l'armée de l'air russe en
charge de la DCA, le matériel militaire doit «faire ses preuves dans des
conditions techniques et climatiques extrêmes, et résister à l’usure». Il
semble bien que ce système n’ait pas résisté au climat chaud du Moyen-Orient : «Ce
n’est que ce mode d’exploitation qui permet de révéler les défauts. Toutes les
défaillances et tous les problèmes sont par la suite recensés, enregistrés et
des travaux visant à y remédier sont organisés».
La Syrie a été choisie
en raison de son climat chaud avec beaucoup de poussière. Le ministère russe de
la Défense a démenti la tenue d'essais sur le sol syrien : «Le S-500 est
destiné à viser des cibles balistiques et aérodynamiques à longue portée. Il
n’y a pas eu le moindre besoin de mener des tests et encore moins d'avoir
recours aux systèmes de missiles S-500 en Syrie». Pourtant cela aurait pu
être une bonne explication pour justifier les lacunes de la défense aérienne
syrienne.
2 commentaires:
J'admire ton erudition. Bravo, chapeau bas!
Merci
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