LA CASTE DISCRÈTE DES MILLIONNAIRES PALESTINIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le milliardaire palestinien Mounib al-Masri, dans son manoir de Cisjordanie, |
Welfare association |
Les hommes d’affaires
palestiniens ont toujours joué un rôle dans le mouvement national, avant même
la fondation de l’OLP bien que le Fatah les qualifiât péjorativement de «bourgeoisie
nationale». Les leaders palestiniens acceptaient leurs financements et leur
offraient en remerciements quelques postes de premier plan dans l’OLP.
Certains, dans les années 1980, ont favorisé le dialogue entre l’OLP et le
régime jordanien et ont créé la Welfare Association pour venir en aide aux
Palestiniens sur le plan éducatif et socio-économique.
Walfare association |
Les accords d’Oslo de
1993 ont boosté leur importance. Beaucoup de bourgeois enrichis dans les Pays
du Golfe et les Amériques ont choisi de réintégrer la Cisjordanie pour côtoyer
les grands propriétaires fonciers et les «nouveaux riches»,
sous-traitants de compagnies israéliennes. Les hommes d’affaires, qui avaient
misé sur la stabilité acquise par Oslo, garantissant leurs profits, ont alors
soutenu la création d’un État palestinien avec l’espoir de le transformer en
Singapour du Moyen-Orient. Ils ont été à l’initiative de l’article 21 de la loi
fondamentale palestinienne qui a statué que «le système économique en
Palestine est basé sur les principes d'une économie de marché libre».
Sabir El-Masri homme d'affaires palestinien |
L’Autorité a donc
choisi le néo-libéralisme et le service privé qui ont cependant favorisé et
renforcé la corruption à la suite du copinage entre les hommes d'affaires puissants
et l'élite politique. Elle ne se rendait pas compte des effets négatifs sur
l'économie qui entravaient la compétitivité du marché et excluaient l'accès de
la majorité de la population à des opportunités économiques significatives. Les
capitalistes, avec leur argent, ont réussi à exercer une influence sur les
politiques gouvernementales en enrichissant les politiciens. Quelques individus
ont transformé le projet national en intérêt personnel.
Yasser Abbas homme d'affaires multimillionnaire palestinien fils du président de l'AP |
Des monopoles se sont
constitués sur l’importation de produits clés comme la farine, le sucre,
l'huile, les viandes congelées, les cigarettes, les animaux vivants, le ciment,
les agrégats, l'acier, le bois, le tabac et le pétrole. Ces monopoles ont
aggravé la corruption de l’Autorité qui, paradoxalement, a favorisé les
entreprises proches des entreprises israéliennes. Des anciens responsables
politiques et militaires israéliens sont devenus, après leur retraite, des
partenaires commerciaux des capitalistes et des élites politiques palestiniens,
à l'instar de l'ancien ministre Yossi Beilin. En échange, Israël a accordé à
une caste des privilèges spéciaux et une grande liberté de mouvement et de
commerce.
La nomination au
poste de premier ministre de Salam Fayyed avait permis aux hommes d'affaires et
aux technocrates pro-capitalistes d’occuper des postes ministériels. C’est
d’ailleurs lui qui avait imposé une réforme du système bancaire poussant à une
politique capitaliste croissante qui avait permis de contracter des emprunts à
long terme de 4,2 milliards de dollars en 2013, avec un intérêt annuel de 200
millions de dollars, entraînant un endettement public très élevé. Mais le
mystère reste entier sur l’usage qui a été fait de ces sommes empruntées.
Monib el Masri devant son palais à Naplouse |
Cela n’a cependant
pas permis de se rapprocher des normes sociales israéliennes puisque le salaire
minimum palestinien reste bas à 2.000 shekels par mois face aux 5.300 en
Israël. Les travailleurs n’ont pas le choix, c’est cela ou le chômage, a
fortiori lorsque le syndicalisme palestinien n’est pas développé ou inexistant.
Les activités conjointes dans les zones industrielles mixtes se développent en
même temps que les investissements palestiniens se développent en Israël et
dans les territoires avec en particulier une gestion conjointe des ressources
en eau.
Rawabi |
Les projets conjoints
israélo-palestiniens sont à la base de la normalisation. C’est le cas de la
nouvelle ville de Rawabi en Cisjordanie qui a été construite par une dizaine
d’entreprises israéliennes qui ont favorisé l’enrichissement des entreprises
privées palestiniennes. Les zones industrielles intègrent des capitaux
palestiniens, israéliens et régionaux générant de multiples emplois pour la
main d’œuvre. Une grande collaboration s’est installée entre entrepreneurs
palestiniens et sociétés israéliennes de haute technologie. L’entreprise Sadara
basée à Ramallah a été cofondée par Saed Nashef et Yadin Kaufmann et est
dirigée par des experts israéliens et palestiniens en matière d'innovation
technologique et de services Internet. Plusieurs jeunes Palestiniens dans le
domaine de la haute technologie travaillent avec leurs homologues israéliens.
Yadin Kaufmann et Saed Nashef de Sadara venture |
Les intégristes
politiques de la cause palestinienne s’inquiètent de la normalisation
économique avec Israël car ils craignent pour leurs aspirations nationales.
L’Autorité n’a pas mis en place des mécanismes pour contraindre les
capitalistes palestiniens à rendre des comptes face aux sommes énormes qui sont
en jeu. Elle n’a pas trouvé la méthode pour œuvrer pour une juste
redistribution de la richesse nationale et pour une bureaucratie au service
d'une politique économique et démocratique. Mais pour cela, les Palestiniens
ont besoin d'un leadership moderne qui songe d’abord aux intérêts de la
population et non pas à ceux d’une classe privilégiée.
2 commentaires:
J'ai cru un instant que tu ecrivais sur Israel!
Article qui comble un vide face aux discours habituels sur la misère des palestiniens
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