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Vue aérienne de l'épicentre de l'explosion du port de Beyrouth |
Dans un éditorial de l’Orient-le Jour
du 3 aout 2021, Michel Touma déplore «l’explosion de Beyrouth ou la
banalisation du crime». «Si l’on pouvait établir une échelle (qualitative) de l’ignominie, à son
degré le plus abject il y aurait pire que le crime. Il y aurait la banalisation
du crime, amplifiée par l’impunité et l’indifférence poussée à son stade le
plus infâme, équivalent à l’irresponsabilité la plus répugnante. … Car il y a
bien eu une partie précise, une puissante « force de facto » dont
l’autorité (crainte de tous) a court-circuité les filières de l’État et
qui a été bel et bien à l’origine (qui est donc directement responsable) du
détournement de la cargaison de nitrate d’ammonium, de son déchargement au port
de Beyrouth, de son « exploitation » à des fins inavouables et de la
couverture sécuritaire (illégale) qui lui a été assurée au hangar numéro 12
pendant près de six ans. Le Hezbollah et le régime Assad ont été clairement
pointés du doigt sur ce plan par de nombreuses sources locales et occidentales,
arguant du fait que le parti chiite exerçait son contrôle direct sur le port de
Beyrouth. Mais parallèlement, il y avait aussi ceux qui, dans les plus hautes
sphères de l’État, « savaient » mais qui n’ont rien fait pour éviter
la catastrophe. Le président de la République a lui-même reconnu publiquement
qu’il avait été averti du danger potentiel… En dépit des plaies et des
profondes cicatrices – aussi bien physiques que psychologiques – qui sont loin
d’avoir connu ne fut-ce qu’un début de cicatrisation, le Hezbollah se comporte
comme s’il n’était nullement concerné, ni de près ni de loin, par la
catastrophe. Et parallèlement, les plus hautes sphères de l’État, président de
la République et anciens ministres inclus, affichent une attitude de
quasi-indifférence, de détachement total, sans scrupules, à l’égard du drame»
L’explosion de Beyrouth |
La conférence de soutien à la population du
4 août 2021
Une conférence internationale de soutien à la
population libanaise» se tient, mercredi 4 août 2021, sous l’égide d’Emmanuel
Macron, et de la vice-secrétaire générale de l’ONU Amina Mohammed, en présence
des représentants d’une quarantaine d’États et d’organisations internationales.
En partenariat avec les Nations unies, Paris espère lever 350 millions
de dollars lors de cette visioconférence à laquelle participeront les
présidents libanais, Michel Aoun, américain, Joe Biden, égyptien, Abdel Fattah
al-Sissi, le roi Abdallah II de Jordanie ainsi que de nombreux ministres.
La conférence vise à répondre aux «nouveaux besoins»
d’urgence de la population, estimés à 350 millions de dollars par les
Nations unies, dans les domaines alimentaires, de la santé, de l’éducation et
de l’assainissement de l’eau,
Les
visites du président français à Beyrouth sont diversement appréciées :
- Daher Joseph d’ESSF «Macron en
visite impériale au Liban», «Emmanuel Macron a effectué une nouvelle
visite au Liban, pour chercher à consolider le rôle de la puissance
impérialiste française dans la région».
- Jean-Pierre Pélaez de bvoltaire.fr le traite de «Président
Tartarin». «Tel n’est pas le cas de nos Présidents Tartarin qui parlent,
parlent, discourent et lancent des messages de fermeté, déclarent avec leurs
ministres qu’ils n’ont pas peur mais ne font strictement rien».
- René
Backmann de Médiapart : «La diplomatie selon Macron, le coup
d’éclat permanent» «Au Liban, il a fait l’humiliante démonstration d’une
arrogance impuissante et d’une coupable ignorance de la géopolitique régionale».
Mais ne lui imputons pas tous les torts. Dans
«une lettre au Président Macron», Hassan Hamadé, écrivain et chercheur
libanais décrit, le 16 décembre 2020, le péché originel de la France.
Monsieur le Président, «c’est la France qui a
grandement participé à l’élaboration de notre système politique, depuis que le
comte Robert de Caix de Saint-Aymour a usé de son scalpel pour tailler dans la
géographie levantine cette très belle carte de l’entité libanaise républicaine.
Pour plus de clarté, permettez que je vous rappelle une vérité de l’époque en
citant, mot pour mot, un extrait du rapport intitulé «L’IMBROGLIO SYRIEN» et
rédigé par le diplomate et écrivain français Paul Bonardi, assistant de Robert
de Caix, émissaire français au Levant dans l’entre-deux-guerres, délégué à la
Commission permanente des Mandats de la SDN et Secrétaire général du général
Henri Gouraud, le Haut-Commissaire de la France au Levant de 1919 à 1923 :
«Robert de Caix, esprit subtil et délié mais trop enclin à faire des
expériences sur les corps sociaux, conçut une organisation qui parut d’abord,
et paraît encore à certains Français et aux maronites, assez adroite. Il bâtit
le long de la Méditerranée un rempart inébranlable, ou prétendu tel, aux
assauts du Panarabisme. Mais il donna au Liban des terres qui appartenaient à
l’État de Damas. Dans l’État Libanais chrétien, il enferma des musulmans, des
ennemis, et il en enferma tant que leur chiffre faillit passer en importance
celui des Maronites. Il suscita ainsi un irrédentisme propice à toutes les
effervescences.
Après la lune de miel apparaissait au ciel des épousailles la lune rousse…
Les Libanais du moins étaient satisfaits. Ils offrirent à Robert de Caix de
donner son nom à une rue de Beyrouth.
– Mon nom à une rue,
dit Robert de Caix. Donnez-le plutôt à une impasse !»
La conférence économique pour le développement du Liban ou CEDRE 2018
Les visites du président Macron à Beyrouth, ont été faites dans le cadre de
la conférence d’aide au Liban d’avril 2018. Les efforts du président Macron en faveur
du Liban remontent à cette date, lorsqu’il avait réuni la «conférence
économique pour le développement du Liban par les réformes et avec les
entreprises» (la CEDRE).
Macron à Beyrouth le 6 août 2020 |
La conférence s’était tenue en présence de responsables officiels de 50
États et organisations internationales, du chef du gouvernement libanais de
l’époque Saad Hariri, d’une délégation ministérielle libanaise et de
représentants du secteur privé et de la société civile libanaise. Un plan
global de réformes et d’investissements pour le développement des
infrastructures de base, préparé par les autorités libanaises, avait été
présenté lors de cette conférence. La mise en application de ce plan (de 11
milliards de dollars) avait toutefois été conditionnée par l’adoption d’une
série de réformes qui n’ont jamais vu le jour.
Le 1er septembre 2020,
le chef de l’État français était retourné à Beyrouth et avait établi une feuille
de route avec le président libanais et les chefs de file des principales
formations politiques du pays, y compris un représentant haut placé du Hezbollah.
La feuille de route soumise aux leaders présents, était axée sur les points
suivants : formation d’un gouvernement de mission regroupant des ministres
totalement indépendants des partis politiques ; mise en application par ce
gouvernement d’une série de réformes structurelles qui permettraient de
débloquer l’aide économique de 11 milliards de dollars.
Aucun chef de parti ne s’oppose à cette proposition. Le Hezbollah soutient l’initiative française mais souligne qu’il refuse trois points qui ne figurent pas dans la feuille de route :
- Toute éventuelle discussion autour de son arsenal militaire.
- Toute enquête internationale sur
l’explosion du 4 août.
- L’organisation d’élections
législatives anticipées.
France Hezbollah |
Shraga
Blum rappelle que la France veut «ménager le Hezbollah». «En clair,
ne pas trop chatouiller l’organisation terroriste chiite qui verrouille le pays
ni son suzerain iranien. Malheureusement, il apparait que pour Paris comme pour
d’autres capitales, le Hezbollah fait toujours partie de la solution au Liban
alors qu’il en est le principal problème».
Pour
Rosana Boumonsef d’annahar.com.lb aussi «la ligne ouverte
entre Paris et le Hezbollah est
évidente, c’est ce qui a jusqu'à présent empêché le parti d'être unanimement
classé au niveau de l'Union européenne comme organisation terroriste, avec ses
aspects politiques et militaires, ainsi que la modération et le manque de
sérieux des menaces françaises».
drapeaux hezb sud liban |
2 commentaires:
Je me demande si l’explosion du port de Beyrouth ne pourrait pas être considéré comme le dernier acte subi par le Liban qui depuis longtemps est le théâtre d’interventions extérieures sur son territoire :
https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-guerre-du-Liban-1975-1990-entre-fragmentation-interne-et-interventions
…
C’est très clair, en lisant dans le dernier paragraphe, Mr Hajji Georgiou qui résume tout. Le problème principal du Liban c’est l’Etat dans l’Etat (mais ce dernier est en voie de désintégration ) que représente le Hezbollah, c’est à dire l’Iran.
Nous approchons de l’heure de vérité. L'Etat Libanais va très bientôt s’effondrer pour de bon. Le Hezbollah va devoir sortir du bois et l’on verra si le pays plonge dans une seconde guerre civile, laquelle ne m’étonnerait pas, tant l’horizon sera bouché pour le peuple libanais.
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