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dimanche 8 août 2021

En Israël, le vote du budget est le test de la pérennité du gouvernement

EN ISRAËL, LE VOTE DU BUDGET EST LE TEST DE LA PÉRÉNNITÉ DU GOUVERNEMENT

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Lieberman ministre des finances


Le gouvernement israélien n’a eu, jusqu’à présent, qu’à voter des lois d’importance secondaire, ne mettant pas en danger son existence. Certes, il n’a pas réussi, le 6 juillet, à faire passer une mesure controversée interdisant l'octroi de la citoyenneté aux conjoints palestiniens d'Arabes israéliens. Le refus de la droite ouvre la porte à l’immigration depuis la Cisjordanie. Mais le vote du budget sera véritablement le test de la solidité et de l’avenir du gouvernement hétéroclite. Le budget doit être approuvé avant le 4 novembre ce qui est très court, compte tenu de la période de vacances civiles et des fêtes juives. 



Amichai Chikli

Si le budget est rejeté, alors la Knesset sera automatiquement dissoute et de nouvelles élections seront organisées dans les trois mois, concrétisant ainsi la fin de l’alternance. Le Likoud et Netanyahou comptent sur l’échec de la coalition pour se remettre en selle et revenir au pouvoir en vainqueurs inespérés. Le gouvernement ne dispose que d’une voix de majorité, voire moins si le député de Yamina, Amichai Chikli, confirme son refus de respecter la discipline de son parti. Il sait qu’une place éligible lui est déjà garantie par le Likoud. Netanyahou ne cesse d'essayer de convaincre d’autres députés à rejoindre l’opposition en leur faisant miroiter des postes ministériels. Pour l’instant aucun transfuge n’a sauté le pas.

En cas de nouvelles élections, les membres de la coalition savent qu’ils subiront une défaite cuisante car les électeurs ne leur pardonneront pas d’avoir gâché une occasion d’assurer la relève. Yamina et Bennett disparaitront du paysage politique tandis que seule Ayelet Shaked, par sa position ambiguë ménageant le retour de Netanyahou, sauvera peut-être sa place sur la liste Likoud et peut-être son ministère.  L’éventuelle intransigeance de Meretz serait mortelle pour le parti qui entrera alors dans les rebus de l’Histoire. Ces questions et leurs conséquences sont bien ancrées dans l’esprit des députés qui savent qu’ils jouent gros à l’occasion du vote du budget déterminant pour leur avenir politique.

Alex Kuchnir

Certes le débat restera ouvert au sein des formations politiques et chaque ministre défendra ses positions avec acharnement. C’est de bonne guerre et ils tireront sur la corde en évitant qu’elle ne se brise. Mais finalement, il se rangeront derrière une solution commune. Le gouvernement statuera en premier après tous les marchandages et chantages de rigueur, puis la commission des Finances prendra le relais. Les choses sont bien engagées car le président de la commission n’est autre que l’ex-ukrainien Alex Kushnir, l’un des bras droits d’Avigdor Lieberman, concepteur du budget. La Knesset ne reprendra la discussion qu’en octobre pour approuver le budget en trois lectures. Lieberman est «presque pleinement confiant» sur le vote du budget d'ici novembre car «Personne, même parmi les partis d'opposition, ne veut aller à une cinquième élection».

Les partis au pouvoir sont condamnés à faire des compromis sur les arrangements économiques s’ils veulent rester au pouvoir. Le budget, dont nous avons donné quelques lignes importantes dans un précédent article (*), est très ambitieux, voire révolutionnaire sur certains points. Après un déficit budgétaire de 7% en 2021, le nouveau budget prévoit de le ramener à 4,1 % en 2022. Selon le budget prévisionnel, les dépenses en shekels s’élèveront à 450,1 milliards (139 milliards$) en 2022, à 473,2 milliards (146 milliards$) en 2023, à 489,8 milliards (151 milliards$) en 2024 et à 504,3 milliards (155 milliards$) en 2025. Le gouvernement semble optimiste puisque psychologiquement il a déjà fait des planifications pour toute sa mandature.

Nitzan Horowitz


On n’évitera pas les guerres politiques de tranchées et les chantages, seules armes disponibles pour les ministres pour obtenir satisfaction vis-à-vis de leurs électeurs. Ainsi, le ministre de la Santé de Meretz, Nitzan Horowitz, exige un financement supplémentaire pour faire face au Covid. La ministre travailliste des Transports, Merav Michaeli, veut décongestionner Tel-Aviv en imposant une taxe à l’entrée de la ville. La ministre de la Protection de l'environnement, Tamar Zandberg, refuse la réduction des pouvoirs de son ministère à travers la réforme des licences commerciales. Ils rentreront tous dans le rang car ils font partie de partis minoritaires qui ont eu déjà la chance d’entrer au gouvernement.



Le budget de l’armée, poste très sensible dans un pays en guerre, a déjà reçu l’approbation de Lieberman et de Gantz et a été contresigné par Bennett. Tsahal recevra 58 milliards de shekels (17,7 milliards$) en 2022, en augmentation de 7 milliards sur le précédent budget. C’est une décision symbolique pour les deux piliers du gouvernement qui veulent donner l’exemple de l’entente gouvernementale aux autres ministres : «Le Premier ministre, le ministre des Finances et le ministre de la Défense saluent l'accord et appellent tous les ministres et ministères à s'entendre dans les plus brefs délais afin d'approuver le budget de l'État de manière ordonnée au sein du gouvernement et de la Knesset». D’ordinaire, Tsahal était le point d’achoppement du budget.

Les réformes agricoles sont pratiquement adoptées car le ministre de l’Agriculture, Oded Forer, est le bras droit de Lieberman. Il s’agit surtout de s’attaquer aux monopoles alimentaires pour faire baisser les prix des fruits, des légumes et des œufs en favorisant les importations pour stimuler la concurrence dans l’intérêt des consommateurs. Le gouvernement approuve ces mesures qui sont cependant contestées par les agriculteurs qui craignent pour leurs revenus alors que les prédateurs sont plutôt les grands monopoles qui devront baisser leurs énormes marges pour s’aligner sur les prix européens. Les agriculteurs manifestent déjà et l’opposition trouve là une occasion de les soutenir. Mais les Israéliens seront les gagnants et à prix égal ils joueront la carte nationale si le choix leur est donné.

Notre précédent article (*) détaille les mesures envisagées par le gouvernement comme le passage en quelques années de l’âge de la retraite des femmes de 62 à 65 ans, la conversion de nombreux bureaux vides dans les zones commerciales en logements sociaux, et les plans pour dépénaliser le cannabis médical. Par ailleurs, Lieberman, qui n’est pas un grand ami des orthodoxes veut réduire leur pouvoir et leurs sources de revenus en supprimant le monopole de la cacherout, actuellement entre les mains du Grand Rabbinat.      

Toutes ces questions occuperont le débat au sein du gouvernement et de la Knesset. L’opposition souhaite l’explosion de la coalition pour revenir en force à la tête du pays. Cela est possible et même imaginable ; tout dépendra du comportement des leaders des partis de la coalition qui choisiront le consensus ou le recours à de nouvelles élections destructrices.

 

(*) https://benillouche.blogspot.com/2021/07/lieberman-expose-son-plan-economique.html

  

1 commentaire:

Abensour a dit…

Le budget sera évidemment approuvé. Il y a autant de suspense que dans l'attente qu'il y a eu au sujet de la décision de Bennett et Shaked de rejoindre le gouvernement Lapid. Du cinéma, tout est déjà plié. Ces petits partis qui détiennent enfin le pouvoir ne le lâcheront pas, meme au prix de quelques milliards à rançonner afin de faire passer le vote