Par Jacques BENILLOUCHE
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Après plusieurs jours d’hésitation, le président du parti travailliste, Avi
Gabbaï, a décidé de se retirer de la vie politique, affirmant qu'il ne se
présenterait pas à la prochaine Knesset. Il avait été désigné président du parti il
y a deux ans alors qu’il n’était pas député. Le 9 avril 2019, il avait été
élu à la Knesset après avoir choisi comme second de liste l’ancien général Tal
Russo. Il avait défrayé la chronique en envisageant en secret sa participation à
un nouveau gouvernement de Netanyahou afin de lui apporter les voix manquantes
pour une coalition majoritaire. Devant les remous au sein du parti travailliste,
il avait fini par renoncer à être ministre ce qui entraîna la décision de premier
ministre de dissoudre la Knesset.
Leaders Avoda |
La décision de Gabbaï de quitter le parti était justifiée par
l’opposition de ses principaux leaders : «L'une des raisons du problème
culturel réside dans les anciens présidents qui restent sur la liste. Au-dessous
de moi se trouvaient quatre anciens présidents. Ce phénomène entraîne
naturellement des problèmes personnels et je ne veux pas continuer dans la même
voie. Je crois qu'un parti qui ne peut pas s'unir et aller de l'avant ne peut
pas se présenter devant le public et lui suggérer de diriger le pays. En fin de
compte, il s'agit de la vie et de la qualité de vie des citoyens du pays, et
pas seulement d'un jeu entre partis politiques».
En
fait Avi Gabbaï était une erreur de casting car il n’avait pas la carrure d’un
dirigeant politique charismatique. Il n’a jamais réussi à insuffler un vent
nouveau au parti qui était déjà atone du temps d’Itzhak Herzog et qui l’est resté tout
au long de son mandat de président. Le renvoi maladroit en public de Tsipi
Livni avait été mal accepté et avait été interprété comme une volonté déplacée d'affirmer son autorité. Il avait gardé ses méthodes de
gestion d’entreprise qui ne cadraient pas avec les usages politiques.
On ne
gère pas Bezeq comme on gère une structure politique. Le rejet de la greffe était prévisible car il a toujours été considéré comme un corps étranger au monde
politique. Par ailleurs, les rivalités entre les dirigeants historiques et les
jeunes révoltés issus de la révolution des tentes de 2011 avaient créé
une scission irréversible qui avaient éloigné les militants vers d’autres
cieux.
Une
autre greffe n’a pas pris. L’absence d’un général sur la liste travailliste,
indispensable pour rassurer, était effectivement une lacune pour un pays en
guerre. Avi Gabbaï avait donc imposé comme second de liste un ancien général de
division, Tal Russo, qui était peu crédible sur le plan politique. Le général vient
d’annoncer lui-aussi son
départ de la vie politique après avoir été élu le 9 avril 2019. L’ancien chef de
la région Sud a indiqué qu’il s’était lancé en politique avec de «grands
projets de changement , à la fois pour le parti et pour Israël. La situation
dans laquelle nous nous sommes retrouvés – des élections anticipées et une
primaire pour la direction du parti dans un laps de temps aussi court – n’a pas
permis de faire les choses comme je l’avais espéré. Je quitte la liste
électorale pour la 22e Knesset».
Si le parti travailliste ne trouve pas un dirigeant de talent, alors irrémédiablement il sera renvoyé dans les archives historiques du pays car les militants ne pardonnent jamais.
Enfin
pour terminer les gesticulations à gauche, Meretz qui craint pour sa réélection
et qui veut confirmer ses relations excellentes avec les minorités, envisage
une alliance avec l’une des listes arabes ce qui permettrait leur insertion
dans la réalité politique israélienne. Mahmoud Abbas serait très favorable à une telle union qui rehausserait son prestige.
A
droite les exclusives vont bon train, avec le risque de mener à un suicide
politique. Netanyahou a décidé de refuser de placer Ayelet Shaked sur la liste des candidats du Likoud. Certains au sein du parti ne lui ont pas pardonné de
l’avoir quitté pour créer une structure concurrente. D’autres ne voient pas de
raison de céder leur place de ministre alors qu’ils sont sur les rangs depuis
plusieurs années. Le Likoud se prive donc d’un élément moteur qui aurait pu
booster sa liste.
A l’extrême-droite
des noms d’oiseaux sont échangés entre Naftali Bennet, accusé de trahison par
Moti Yogev, et les dirigeants de son ancien parti, Habayit Hayehudi : «Bennett
n’a pas été loyal envers le sionisme religieux et les membres de son mouvement.
Il a abandonné le parti endetté à hauteur de millions de shekels». Il
l’accuse aussi de ne pas lutter contre le recrutement des filles dans l'armée
et contre les droits LGBT. Les sionistes religieux ont rejoint l’extrémisme des
orthodoxes dans ce domaine. En écho, Naftali Bennett lui a répondu : «Vous
avez transformé Habayit Hayehudi en un endroit qui n’est dorénavant plus un
foyer naturel, et qui est très éloigné des valeurs du public sioniste religieux
ainsi que de celles du public sioniste». La rupture est donc actée.
Bennett Yogev |
Naftali Bennet et Ayelet Shaked, qui
avaient fondé la Nouvelle droite, pensaient réintégrer leur ancien parti
mais ont donc renoncé à leur projet, en clamant que «cette intolérance ne
représentait pas la communauté nationaliste-religieuse» qu’ils entendent
incarner. Il avaient par ailleurs axé leur campagne sur les questions
sécuritaires et sur un «partenariat laïc-religieux». Habayit Hayehudi et
la Nouvelle droite sont donc en danger car, séparément, ils risquent de ne pas
dépasser le seuil électoral de 3,25%. L’Union des partis de droite – qui
regroupe Habayit Hayehudi, l’Union nationale et Otzma Yehudit — pourrait elle-aussi
pâtir de ces querelles intestines.
Moshé Feiglin |
Le parti Zehut de Moshé Feiglin
avait obtenu 2,74% en avril 2019 tandis que Gesher de Orly Levy-Abecassis n’a eu que
1,73%. Leur entrée à la Knesset est
conditionnée par une fusion avec une autre liste. Mais Feiglin, malgré ses
difficultés, insiste sur ses exclusives. Il veut bien d’Ayelet Shaked mais
rejette tout lien avec l’Union des partis de droite en précisant que «Zehut
ne se voit pas comme faisant partie du sionisme religieux ou de tout autre
secteur. La synergie nécessaire a déjà été créée dans une large mesure. Les
concepts de laïc et de religieux et, dans une certaine mesure, la division
dichotomique de droite et de gauche, ne sont plus pertinents dans la sphère de
Zehut». La nouvelle droite s’est, pour lui, ouverte au public laïc. Contrairement
aux Hardalim (Haredi National Religieux), elle a abandonné son sectarisme et
s’adresse à la nation tout entière.
Une liste pleinement unifiée est dans l’intérêt de Benjamin
Netanyahou qui peut alors s’assurer d’un soutien pour un gouvernement de droite mais
encore faut-il que les leaders s’entendent pour exister et surtout pour entrer
à la Knesset. Les questions personnelles polluent l’atmosphère politique.
Certes, il reste quelques semaines avant le dépôt définitif des listes et des
surprises pourraient être au bout du chemin. Mais certains leaders politiques ne voient jamais plus loin que leur petit cercle privé. L'intérêt personnel prime sur l'intérêt national et les querelles de clocher régentent la vie politique.
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