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mardi 18 juin 2019

Séisme à gauche, décomposition à l'extrême-droite



Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Ashkenazi Russo Galant Barak

      Après plusieurs jours d’hésitation, le président du parti travailliste, Avi Gabbaï, a décidé de se retirer de la vie politique, affirmant qu'il ne se présenterait pas à la prochaine Knesset. Il avait été désigné président du parti il ​​y a deux ans alors qu’il n’était pas député. Le 9 avril 2019, il avait été élu à la Knesset après avoir choisi comme second de liste l’ancien général Tal Russo. Il avait défrayé la chronique en envisageant en secret sa participation à un nouveau gouvernement de Netanyahou afin de lui apporter les voix manquantes pour une coalition majoritaire. Devant les remous au sein du parti travailliste, il avait fini par renoncer à être ministre ce qui entraîna la décision de premier ministre de dissoudre la Knesset.


Leaders Avoda

La décision de Gabbaï de quitter le parti était justifiée par l’opposition de ses principaux leaders : «L'une des raisons du problème culturel réside dans les anciens présidents qui restent sur la liste. Au-dessous de moi se trouvaient quatre anciens présidents. Ce phénomène entraîne naturellement des problèmes personnels et je ne veux pas continuer dans la même voie. Je crois qu'un parti qui ne peut pas s'unir et aller de l'avant ne peut pas se présenter devant le public et lui suggérer de diriger le pays. En fin de compte, il s'agit de la vie et de la qualité de vie des citoyens du pays, et pas seulement d'un jeu entre partis politiques».
            En fait Avi Gabbaï était une erreur de casting car il n’avait pas la carrure d’un dirigeant politique charismatique. Il n’a jamais réussi à insuffler un vent nouveau au parti qui était déjà atone du temps d’Itzhak Herzog et qui l’est resté tout au long de son mandat de président. Le renvoi maladroit en public de Tsipi Livni avait été mal accepté et avait été interprété comme une volonté déplacée d'affirmer son autorité. Il avait gardé ses méthodes de gestion d’entreprise qui ne cadraient pas avec les usages politiques. 
          On ne gère pas Bezeq comme on gère une structure politique. Le rejet de la greffe était prévisible car il a toujours été considéré comme un corps étranger au monde politique. Par ailleurs, les rivalités entre les dirigeants historiques et les jeunes révoltés issus de la révolution des tentes de 2011 avaient créé une scission irréversible qui avaient éloigné les militants vers d’autres cieux.
            Une autre greffe n’a pas pris. L’absence d’un général sur la liste travailliste, indispensable pour rassurer, était effectivement une lacune pour un pays en guerre. Avi Gabbaï avait donc imposé comme second de liste un ancien général de division, Tal Russo, qui était peu crédible sur le plan politique. Le général vient d’annoncer lui-aussi son départ de la vie politique après avoir été élu le 9 avril 2019. L’ancien chef de la région Sud a indiqué qu’il s’était lancé en politique avec de «grands projets de changement , à la fois pour le parti et pour Israël. La situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés – des élections anticipées et une primaire pour la direction du parti dans un laps de temps aussi court – n’a pas permis de faire les choses comme je l’avais espéré. Je quitte la liste électorale pour la 22e Knesset».
           Si le parti travailliste ne trouve pas un dirigeant de talent, alors irrémédiablement il sera renvoyé dans les archives historiques du pays car les militants ne pardonnent jamais.


            Enfin pour terminer les gesticulations à gauche, Meretz qui craint pour sa réélection et qui veut confirmer ses relations excellentes avec les minorités, envisage une alliance avec l’une des listes arabes ce qui permettrait leur insertion dans la réalité politique israélienne. Mahmoud Abbas serait très favorable à une telle union qui rehausserait son prestige.   
            A droite les exclusives vont bon train, avec le risque de mener à un suicide politique. Netanyahou a décidé de refuser de placer Ayelet Shaked sur la liste des candidats du Likoud. Certains au sein du parti ne lui ont pas pardonné de l’avoir quitté pour créer une structure concurrente. D’autres ne voient pas de raison de céder leur place de ministre alors qu’ils sont sur les rangs depuis plusieurs années. Le Likoud se prive donc d’un élément moteur qui aurait pu booster sa liste.
            A l’extrême-droite des noms d’oiseaux sont échangés entre Naftali Bennet, accusé de trahison par Moti Yogev, et les dirigeants de son ancien parti, Habayit Hayehudi : «Bennett n’a pas été loyal envers le sionisme religieux et les membres de son mouvement. Il a abandonné le parti endetté à hauteur de millions de shekels». Il l’accuse aussi de ne pas lutter contre le recrutement des filles dans l'armée et contre les droits LGBT. Les sionistes religieux ont rejoint l’extrémisme des orthodoxes dans ce domaine. En écho, Naftali Bennett lui a répondu : «Vous avez transformé Habayit Hayehudi en un endroit qui n’est dorénavant plus un foyer naturel, et qui est très éloigné des valeurs du public sioniste religieux ainsi que de celles du public sioniste». La rupture est donc actée.
Bennett Yogev
Naftali Bennet et Ayelet Shaked, qui avaient fondé la Nouvelle droite, pensaient réintégrer leur ancien parti mais ont donc renoncé à leur projet, en clamant que «cette intolérance ne représentait pas la communauté nationaliste-religieuse» qu’ils entendent incarner. Il avaient par ailleurs axé leur campagne sur les questions sécuritaires et sur un «partenariat laïc-religieux». Habayit Hayehudi et la Nouvelle droite sont donc en danger car, séparément, ils risquent de ne pas dépasser le seuil électoral de 3,25%. L’Union des partis de droite – qui regroupe Habayit Hayehudi, l’Union nationale et Otzma Yehudit — pourrait elle-aussi pâtir de ces querelles intestines.

Moshé Feiglin

Le parti Zehut de Moshé Feiglin avait obtenu 2,74% en avril 2019 tandis que Gesher de Orly Levy-Abecassis n’a eu que 1,73%.  Leur entrée à la Knesset est conditionnée par une fusion avec une autre liste. Mais Feiglin, malgré ses difficultés, insiste sur ses exclusives. Il veut bien d’Ayelet Shaked mais rejette tout lien avec l’Union des partis de droite en précisant que «Zehut ne se voit pas comme faisant partie du sionisme religieux ou de tout autre secteur. La synergie nécessaire a déjà été créée dans une large mesure. Les concepts de laïc et de religieux et, dans une certaine mesure, la division dichotomique de droite et de gauche, ne sont plus pertinents dans la sphère de Zehut». La nouvelle droite s’est, pour lui, ouverte au public laïc. Contrairement aux Hardalim (Haredi National Religieux), elle a abandonné son sectarisme et s’adresse à la nation tout entière.
Une liste pleinement unifiée est dans l’intérêt de Benjamin Netanyahou qui peut alors s’assurer d’un soutien pour un gouvernement de droite mais encore faut-il que les leaders s’entendent pour exister et surtout pour entrer à la Knesset. Les questions personnelles polluent l’atmosphère politique. Certes, il reste quelques semaines avant le dépôt définitif des listes et des surprises pourraient être au bout du chemin. Mais certains leaders politiques ne voient jamais plus loin que leur petit cercle privé. L'intérêt personnel prime sur l'intérêt national et les querelles de clocher régentent la vie politique.


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