LES FAILLES DE LA
DIPLOMATIE IRANIENNE
Par Jacques
BENILLOUCHE
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La démission de Mohammed Jawad Zarif, qui a été refusée, révèle
les nombreuses failles de la diplomatie iranienne, en particulier en Syrie. Certes
Israël peut se réjouir des difficultés intérieures en Iran, mais Zarif n’est
pas encore parti malgré le tweet en persan de Netanyahou : «Zarif s'en est allé. Nous sommes débarrassés de lui. Tant que je
serai ici, le régime iranien n'acquerra pas d'armes nucléaires». Zarif garde le ministère des affaires étrangères parce que les dirigeants
iraniens savent qu’il est indispensable auprès des chancelleries européennes qui l'ont adoubé. La
réjouissance a été de courte durée.
Cependant il est difficile de cacher
les échecs iraniens en Syrie et les rivalités au sein des Mollahs. Zarif n’a
pas été invité à assister à la réunion du président Hassan Rouhani, le 25
février, avec le président Bachar Al Assad, lors de sa visite inopinée en Iran,
pour la première fois depuis huit ans. Cette mise à l’écart volontaire a été l'une des causes de sa démission. En accueillant Assad, l’Iran cherche à renforcer
son rôle en Syrie en réaffirmant son alliance avec Damas à un moment où Assad
subit une pression croissante pour éloigner la Syrie de l’Iran et réduire les
tensions avec les pays voisins. Il s’agit pour l’Iran d’adresser un message aux
États-Unis et à la Turquie que Téhéran fera face aux nouveaux développements en
Syrie.
En fait, Zarif subit les conséquences
de l’échec de la quatrième réunion trilatérale des chefs d'État russe, turc et
iranien, consacrée au règlement de la crise syrienne qui s’est tenue le 14
février 2019 à Sotchi. Le président russe Vladimir Poutine, le président turc Recep
Tayyip Erdogan et le président iranien Hassan Rohani, garants du cessez-le-feu
en Syrie, ont discuté d’un règlement sur le long terme du conflit syrien. Le
sommet s'est concentré sur les régions d'Idlib et de Manbij, dont le sort reste
controversé entre les dirigeants des trois pays. Mais ce sommet n'a abouti à aucun
accord concret. La déclaration finale du sommet a uniquement mis l'accent sur la nécessité
de préserver l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
Syrie.
Sotchi 14 février 2019 |
Or de hauts
responsables iraniens ne cessent pas de lancer des avertissements au sujet des
frappes israéliennes contre les éléments iraniens en Syrie. Le président Rohani
a appelé la communauté internationale à mettre fin à «l'intervention
illégale» d'Israël en Syrie. Le gratin de la politique internationale, une
trentaine de chefs d'État et de gouvernement et plusieurs de dizaines de
ministres du monde entier, s’étaient réunis à Munich le 14 février pour
une conférence sur la sécurité. Lors de
cette conférence, le ministre Zarif, a averti que les activités permanentes
d'Israël pourraient entraîner le déclenchement d'une guerre et compromettraient
la possibilité de rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. Il a
effectué une visite de deux jours au Liban, au cours de laquelle il a rencontré
de hauts responsables du gouvernement libanais, le secrétaire général du
Hezbollah et des représentants d'organisations palestiniennes au Liban. Il
s'agit de la première visite de Zarif au Liban depuis la formation du nouveau
gouvernement à Beyrouth.
Mais dans la
déclaration finale du sommet, les participants ont seulement salué la décision des États-Unis de retirer leurs troupes de Syrie. Les trois
pays ont aussi insisté sur les objectifs communs de la Russie, de l'Iran et de
la Turquie à savoir lutter contre le terrorisme, rétablir la stabilité et la
sécurité en Syrie. L’Iran n’a rien obtenu de la Russie alors qu’il estime que
Netanyahou continue à frapper les forces iraniennes en Syrie.
Gholam-Hossein Karbaschi |
La démission de Zarif
met en évidence l’impopularité auprès du peuple iranien de la politique de Téhéran
en Syrie mais aussi auprès d’anciens responsables. L’ancien maire de Téhéran, Gholam-Hossein Karbaschi, a été condamné à un
an de prison pour s’être opposé à l’implication de l’Iran dans la guerre de
Syrie. Aucune critique contre les actions du régime à l’étranger n’est tolérée.
Même la presse iranienne évite d’engager ce débat impopulaire. On peut tout
débattre à Téhéran sauf la politique iranienne en Syrie. Les journalistes
risquent la prison et pour certains la vie avec le risque de fermeture
définitive de leurs publications. Le quotidien Ghanoon a été interdit en raison d'un titre sur le
voyage de Bachar al Assad qualifié d’invité
non invité.
Ataollah Salehi |
Même le général
Ataollah Salehi, commandant de l'armée, avait pris ses distances quant à l'implication
de l'Iran en Syrie. Son attitude était justifiée par la mort de quatre
membres des forces spéciales, appartenant à la mythique 65e brigade aéroportée,
à peine arrivés en Syrie. Il avait déclaré que cette force militaire n’avait
aucun rôle à jouer en Syrie et que l’envoi des troupes en Syrie avait été fait
sans son consentement : «L'armée n'est pas chargée de fournir des
secours à la Syrie et il n'y a qu'une seule organisation dans le pays qui s'en
charge». Il faisait allusion bien sûr au Gardiens de la révolution
islamique. Par ailleurs, il n’avait pas apprécié que des membres des forces armées iraniennes
en Syrie se soient portés volontaires pour fuir la Syrie.
Le peuple iranien ne
comprend pas l’intérêt de l'investissement par leur pays de plusieurs milliards
de dollars pour sauver le régime d'Assad alors que les Syriens refusent de
consommer des produits iraniens. Selon le chef adjoint de la Chambre de
commerce iranienne, Hossein Selahvarzi, malgré l'attribution par l'Iran d'un
crédit d'un milliard de dollars à des entreprises syriennes pour acheter des
produits iraniens, et malgré l’accord commercial préférentiel syro-iranien, les
Syriens «créent des limitations empêchant l'exportation de nos produits»
alors que le marché syrien est «inondé» de produits de contrebande en
provenance de Turquie.
Hossein Selahvarzi |
Les Russes ne se
gênent pas pour limiter la participation de l’Iran dans des contrats en Syrie.
Selon le quotidien Ghanoon : «Même dans les consortiums entre Russes
et Syriens, si l'Iran veut jouer un rôle dans le processus de reconstruction de
la Syrie, il doit négocier avec les Russes». En fait les Iraniens sont
amers car, malgré leurs milliards de dollars investis en Syrie, ils ne sont pas
impliqués dans la reconstruction de certaines régions de Syrie parce le dernier
mot revient à Poutine.
Enfin le soutien au
Hezbollah est contesté. La milice libanaise était censée défendre l’Iran contre
Israël. Or certains dirigeants iraniens estiment qu’elle ne répond pas à sa
fonction dissuasive. Plus de 2.000
bombes ont été larguées par Israël sur les forces iraniennes en Syrie et leurs
alliées, alors que le Hezbollah hésite à utiliser une partie de ses 100.000
missiles. La dissuasion du Hezbollah contre Israël est totalement stérile. Ils
critiquent aussi la passivité des défenses anti-aériennes russes en Syrie qui
laissent Israël agir librement.
Le ministre Zarif,
après sa démission spectaculaire, est à présent conscient que l’Iran doive
remettre sur la table la question du soutien politique, matériel et humain à la
Syrie, pour essayer de ramener à lui l'opinion publique iranienne.
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