RENCONTRE PRIVÉE
AVEC AVIGDOR LIEBERMAN
Par Jacques
BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
A l’initiative de Claude Grundman-Brightman, le
ministre de la défense a bien voulu s’adresser à un petit groupe d’invités pour
parler des problèmes sécuritaires du pays, avec beaucoup de simplicité. II ne
fallait pas s’attendre à un scoop concernant son ministère, ni à une révélation
de ce qui se dit au Cabinet de sécurité. Avigdor Lieberman a réitéré ses thèses
habituelles sur l’avenir du pays avec l'arrière pensée de se préparer pour les élections.
Lieberman a abordé le sujet de l'Iran qui cherche à étouffer Israël de toutes les manières, en particulier en l'encerclant au moyen de milices chiites inféodées mais le ministre est
déterminé «à empêcher l’Iran de s’établir en Syrie». Il a
précisé que les Iraniens continuent à accroître leur présence militaire en
Syrie et à prendre pied à Gaza pour soutenir le Hamas. La
menace viendrait donc à la fois du nord et du sud.
Il
n’est pas question pour lui de déclencher une troisième guerre au Liban mais de
nouveaux éléments inquiétants ont été révélés par les services de
renseignements. D’une part l’Iran construit de nouvelles bases militaires en
Syrie et d’autre part, des usines de production de missiles commencent à voir le
jour au Liban, ce qui pose le problème de l’implication du gouvernement
libanais dans les efforts de guerre contre Israël. Le Liban sort ainsi de sa
position relative de neutralité. Mais dans l'immédiat le danger vient de
Syrie : «Je peux clarifier de notre côté que nous sommes déterminés à
empêcher l'Iran de s'établir en Syrie. Nous connaissons les sites de
construction de missiles et nous savons qui sont les personnes impliquées dans
la fabrication de ces missiles. Nous sommes également déterminés à éliminer
tous les tunnels de terreur». Il est clair que la menace n’est pas
voilée.
Usine de missiles iarniens en Syrie |
Le Liban prend
une voie dangereuse car il couvre les actions du Hezbollah qui a stocké des
dizaines de milliers de roquettes pointées sur Israël. Avigdor Lieberman a menacé le Liban de représailles radicales si une guerre était provoquée par les milices islamistes. Le Liban sera tenu pour responsable pour avoir
laissé le Hezbollah sacrifier ses intérêts nationaux en se soumettant
totalement à l'Iran : «L'armée libanaise et le Hezbollah sont les
mêmes, ils payeront le prix fort dans l'éventualité d'une escalade des tensions
entre le Liban et Israël. Si un conflit éclate au nord, l'envoi de troupes sur
le terrain reste une option. Nous ne permettrons pas que des scènes comme en
2006 se reproduisent, lorsque nous avons vu des citoyens de Beyrouth à la plage
alors que des Israéliens à Tel Aviv se réfugiaient dans des abris. Le front
nord d'Israël s'étend jusqu'en Syrie, il ne s'agit pas seulement du Liban. Je
ne suis pas convaincu que le gouvernement syrien puisse résister aux tentatives
du Hezbollah de l'entraîner dans une guerre contre Israël».
Sur le problème du processus de paix, il ne voit
aucune solution immédiate car selon lui «les Palestiniens ne sont pas
disponibles pour négocier». Ils ont obtenu dans le passé beaucoup
plus qu’ils n’attendaient mais ils n’ont pas voulu sauter le pas. Il a réitéré
son projet «d’échanges de terres» sous-entendant ainsi
l’acceptation d’un État palestinien. Il avait pris dans le passé des positions nationalistes, voire
extrémistes, à la limite du racisme anti-arabe, mais il a pour lui d’être le
seul dirigeant israélien à avoir rédigé, noir sur blanc, un programme précis à
opposer aux Palestiniens. Il est en effet prêt à offrir toute une
bande de terres le long de la ligne verte, englobant plusieurs villages arabes
israéliens qui reviendraient sous juridiction palestinienne. Mais aucun
écho ne lui est parvenu de leur part.
Il a abordé le
problème français en justifiant les positions françaises sous l’angle islamiste
et en donnant un chiffre contestable. La politique de la France est liée au
fait que «19% de la population est musulmane» soit plus de
12 millions. Or les chiffres généralement admis oscillent entre 4 et 8 millions mais il a cherché à marquer les esprits.
Sur le plan de
politique intérieure, il ne voit aucune amélioration à la Knesset car le
système électoral est biaisé ; d’ailleurs en boutade, il a confié qu’il ignorait
«le nombre de partis qui y siègent». Il trouve par ailleurs anormal
que la Suisse ait 7 ministres, les Etats-Unis 15, et Israël 27. Il estime qu’un
gouvernement resserré pourrait mieux fonctionner. Il pense que son parti Israël
Beitenou se présentera seul aux prochaines élections et obtiendra entre 11 et
12 sièges. Il ne croit pas à des élections anticipées en 2018. Il a fustigé les
religieux qui veulent imposer leur diktat à toute la population : «nous
représentons une droite laïque, traditionnelle ; ce n'est pas un hasard si
la question des supermarchés a surgi. Je suis pour la tradition et contre la
coercition religieuse, pas seulement en ce qui concerne les supermarchés, mais
sur la nature du judaïsme qui doit être accueillant et flexible».
D’ailleurs il s’était volontairement affiché à la terrasse d’un café d’Ashdod,
un jour de shabbat, pour bien montrer qu’il était pour la liberté de commerce
tous les jours. Pour lui, «plus on se rapproche des synagogues et plus
on s’éloigne du judaïsme».
Aviv Kohavi et Gadi Eizenkot |
La seule révélation qu’il ait faite en aparté était le nom du
prochain chef d’État-major qui entrera en fonction au début de 2019 ou en 2020.
Il a choisi le général de division Aviv Kohavi, ancien parachutiste, pour son
expérience dans les services de renseignements de l’armée et sur le terrain, en
tant que chef de la région militaire du nord. Il est, depuis le 11 mai 2017, l’adjoint
de Gadi Eizenkot.
Avigdor Lieberman
est persuadé qu’il a un grand avenir politique et qu’il est un responsable
politique avec lequel il faudra compter. Il prétend au fond de lui-même être le prochain premier
ministre si Netanyahou est empêché par ses affaires judiciaires. En devenant
plus pragmatique, en rejetant le dogme du Grand Israël, ses chances s’améliorent car il peut rallier à lui les militants du Likoud qui trouvent que le parti a pris un virage extrémiste.
Il a terminé en décrivant une situation idylique avec l'Arabie saoudite qui songe à se préparer à l'après pétrole en investissant sur le high-tech. Il est persuadé qu'une collaboration serait bénéfique pour les deux pays qui envisagent déjà d'ouvrir une route pour permettre la création de zones de haute technologie et les échanges.
Il a terminé en décrivant une situation idylique avec l'Arabie saoudite qui songe à se préparer à l'après pétrole en investissant sur le high-tech. Il est persuadé qu'une collaboration serait bénéfique pour les deux pays qui envisagent déjà d'ouvrir une route pour permettre la création de zones de haute technologie et les échanges.
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