ISRAËL FUSTIGE LES INGÉRENCES IRANIENNES AU MOYEN-ORIENT
Par Jacques BENILLOUCHE
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Dans le cadre d’une réunion privée, le numéro-3 à l’État-major militaire israélien, a pointé du doigt toutes les ingérences iraniennes dans plusieurs pays du Moyen-Orient et expliqué les risques d’expansion du pays chiite. Plusieurs points ont été abordés qui donnent un éclairage plus complet de la situation. L’Iran, qui souhaitait le départ des troupes américaines de Syrie, a été surpris par la création à la frontière kurde d’une force militaire constituée avec leurs alliés des Forces démocratiques, dominées par la milice kurde YPD. Il ressort de cet exposé de l’officier israélien que l’implication iranienne s’affiche à présent ouvertement en Syrie.
Cliquer sur la suite pour voir l'intervention du général de division Amir Boulafia
Le général de division Amir Aboulafia
Le
porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Qasemi, a
affirmé que l'annonce américaine était une ingérence flagrante dans les
affaires intérieures de la Syrie. Elle aurait pour conséquence d’aggraver la
crise dans le pays, d’accroître l'instabilité et d’intensifier les combats. Il
a exhorté les États-Unis à retirer leurs forces de la Syrie pour permettre aux
citoyens syriens de décider eux-mêmes de leur sort et de leur avenir. Téhéran
souhaite en fait expulser les Etats-Unis de la région, ou du moins minimiser
son influence en Syrie et en Irak. Les Iraniens interprètent la nouvelle force
militaire comme un plan destiné à établir une présence américaine à long terme
en Syrie afin de contrecarrer les plans iraniens et d’empêcher Bachar Al Assad
de reprendre le contrôle direct de l'ensemble du territoire syrien.
Mais
tout n’est pas rose dans les relations entre les pays qui parrainent le régime
syrien. Les fissures entre l'Iran, la
Turquie et la Russie sur la méthode de règlement du conflit syrien sont de plus
en plus apparentes et les déclarations officielles très critiques. Le ministre
turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, a blâmé l'Iran et la Russie
pour leurs violations du désarmement du gouvernorat d'Idlib. De son côté, le
journal iranien Kayhan du 14 janvier a été sévère dans un éditorial qui
critiquait les plans politiques de la Russie pour l'avenir de la Syrie. Selon
cet article intitulé «La Syrie, il est temps de se réveiller»,
l’Iran et le Hezbollah précisent qu’ils ne peuvent pas accepter des amendements
de la constitution syrienne transformant le régime présidentiel syrien en régime
parlementaire sur fond de fédéralisme car, selon eux, cela pourrait conduire à
une guerre civile sanglante et durable.
Mevlüt Çavuşoğlu |
Le
ministre turc des Affaires étrangères a appelé l'Iran et la Russie à assumer
leurs responsabilités pour éviter les violations de l'accord de désescalade en
Syrie. Il accuse les Iraniens et les Russes de soutenir ces violations. Il a
annoncé que la Turquie avait l'intention d'accueillir un sommet des ministres
des Affaires étrangères sur la question syrienne.
Les
Iraniens sont très actifs dans la région. Ainsi, le 15 janvier, Hassan Rouhani,
a rencontré le président du parlement syrien, Hammouda Sabbagh, invité à Téhéran,
pour renforcer les liens entre les deux pays. Le président du parlement a aussi
rencontré le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien, Ali
Shamkhani, pour insister sur la nécessité de renforcer la souveraineté du
gouvernement syrien et d'étendre son contrôle sur l'ensemble du territoire
syrien. Il a affirmé que l'occupation du territoire syrien par des forces
étrangères est en opposition avec les intérêts syriens.
Soleimani |
Par
ailleurs, l'Iran ne cache pas ses visées de plus en plus marquées sur l'Irak et
noyaute l'arène politique irakienne pour influer sur les élections générales
prévues en mai 2018. Qasem Soleimani, commandant de la Force Al Qods des Gardiens
de la révolution iranienne, s'était rendu à Bagdad le 13 janvier pour
s’entretenir avec le Premier ministre irakien, Haider al-Abadi, et les hauts
dirigeants de la milice irakienne chiite, en vue de planifier un accord commun avant
les élections. Il s’agit de former une coalition conjointe entre eux. Les
Etats-Unis craignent une victoire possible des milices chiites populaires qui
augmenterait la capacité de l'Iran à imposer sa politique en Irak. Ils
s’inquiètent du processus de transformation des milices en force politique qui
s’opposera aux objectifs américains en Irak.
Mais
l’inquiétude provient d’une autre région sensible, du Yémen. L'Iran a envoyé
des missiles et des drones aux rebelles houthis, sans tenir compte de l'embargo
sur les armes décrété par l'ONU. Des experts de l'ONU ont effectué une
inspection au Yémen en novembre et en décembre 2017 et ont examiné des
fragments de missiles tirés par les Houthis au Yémen. Ils ont confirmé que les restes
de missiles et de drones étaient d’origine iranienne.
La
question palestinienne est à présent entrée au programme de l’Iran. Le guide
suprême, Ali Khamenei, à l’occasion d'une conférence de parlementaires de pays
musulmans réunis à Téhéran le 16 janvier, a manifesté ouvertement son intérêt
pour la question palestinienne. Pour lui, la question de Palestine était «de
la plus haute importance» pour le monde musulman. Il a insisté pour
intensifier la lutte contre Israël et pour condamner les pays de la région qui
coopèrent avec Israël, visant ainsi ouvertement l'Arabie Saoudite, accusée de trahison.
Dans
la rivalité entre l'Iran et l’Arabie saoudite, Téhéran dispose d'un avantage
sur Riyad par sa capacité de nuisance. Les Iraniens sont plus organisés sur le
plan militaire grâce à leur expérience et leurs relais sur le terrain. Longtemps
considéré comme un pays dangereux pour la stabilité dans la région, l'Iran a
fait l'objet, pendant des décennies, d'un embargo par la Communauté
internationale. Mais après la conclusion d'un accord sur le nucléaire, en
juillet 2015, la donne a changé. L’Occident, pour des intérêts purement
économiques, minimise le rôle de l'Iran en Irak, en Syrie et au Yémen
notamment. Les Etats-Unis semblent tétanisés.
La
France, en revanche, par la voix de son ministre des Affaires étrangères
Jean-Yves Le Drian a rejeté «tout axe iranien de la Méditerranée à
Téhéran» et exigé le départ des milices iraniennes présentes en
Syrie. Affaire à suivre.
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