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lundi 5 février 2018

Rencontre privée avec Avigdor Lieberman


RENCONTRE PRIVÉE AVEC AVIGDOR LIEBERMAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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          A l’initiative de Claude Grundman-Brightman, le ministre de la défense a bien voulu s’adresser à un petit groupe d’invités pour parler des problèmes sécuritaires du pays, avec beaucoup de simplicité. II ne fallait pas s’attendre à un scoop concernant son ministère, ni à une révélation de ce qui se dit au Cabinet de sécurité. Avigdor Lieberman a réitéré ses thèses habituelles sur l’avenir du pays avec l'arrière pensée de se préparer pour les élections.




            Lieberman a abordé le sujet de l'Iran qui cherche à étouffer Israël de toutes les manières, en particulier en l'encerclant au moyen de milices chiites inféodées mais le ministre est déterminé «à empêcher l’Iran de s’établir en Syrie». Il a précisé que les Iraniens continuent à accroître leur présence militaire en Syrie et à prendre pied à Gaza pour soutenir le Hamas. La menace viendrait donc à la fois du nord et du sud.
            Il n’est pas question pour lui de déclencher une troisième guerre au Liban mais de nouveaux éléments inquiétants ont été révélés par les services de renseignements. D’une part l’Iran construit de nouvelles bases militaires en Syrie et d’autre part, des usines de production de missiles commencent à voir le jour au Liban, ce qui pose le problème de l’implication du gouvernement libanais dans les efforts de guerre contre Israël. Le Liban sort ainsi de sa position relative de neutralité. Mais dans l'immédiat le danger vient de Syrie : «Je peux clarifier de notre côté que nous sommes déterminés à empêcher l'Iran de s'établir en Syrie. Nous connaissons les sites de construction de missiles et nous savons qui sont les personnes impliquées dans la fabrication de ces missiles. Nous sommes également déterminés à éliminer tous les tunnels de terreur». Il est clair que la menace n’est pas voilée.
Usine de missiles iarniens en Syrie

            Le Liban prend une voie dangereuse car il couvre les actions du Hezbollah qui a stocké des dizaines de milliers de roquettes pointées sur Israël.  Avigdor Lieberman a menacé le Liban de représailles radicales si une guerre était provoquée par les milices islamistes. Le Liban sera tenu pour responsable pour avoir laissé le Hezbollah sacrifier ses intérêts nationaux en se soumettant totalement à l'Iran : «L'armée libanaise et le Hezbollah sont les mêmes, ils payeront le prix fort dans l'éventualité d'une escalade des tensions entre le Liban et Israël. Si un conflit éclate au nord, l'envoi de troupes sur le terrain reste une option. Nous ne permettrons pas que des scènes comme en 2006 se reproduisent, lorsque nous avons vu des citoyens de Beyrouth à la plage alors que des Israéliens à Tel Aviv se réfugiaient dans des abris. Le front nord d'Israël s'étend jusqu'en Syrie, il ne s'agit pas seulement du Liban. Je ne suis pas convaincu que le gouvernement syrien puisse résister aux tentatives du Hezbollah de l'entraîner dans une guerre contre Israël».

            Sur le problème du processus de paix, il ne voit aucune solution immédiate car selon lui «les Palestiniens ne sont pas disponibles pour négocier». Ils ont obtenu dans le passé beaucoup plus qu’ils n’attendaient mais ils n’ont pas voulu sauter le pas. Il a réitéré son projet «d’échanges de terres» sous-entendant ainsi l’acceptation d’un État palestinien. Il avait pris dans le passé des positions nationalistes, voire extrémistes, à la limite du racisme anti-arabe, mais il a pour lui d’être le seul dirigeant israélien à avoir rédigé, noir sur blanc, un programme précis à opposer aux Palestiniens. Il est en effet prêt à offrir toute une bande de terres le long de la ligne verte, englobant plusieurs villages arabes israéliens qui reviendraient sous juridiction palestinienne. Mais aucun écho ne lui est parvenu de leur part.

            Il a abordé le problème français en justifiant les positions françaises sous l’angle islamiste et en donnant un chiffre contestable. La politique de la France est liée au fait que «19% de la population est musulmane» soit plus de 12 millions. Or les chiffres généralement admis oscillent entre 4 et 8 millions mais il a cherché à marquer les esprits.
            Sur le plan de politique intérieure, il ne voit aucune amélioration à la Knesset car le système électoral est biaisé ; d’ailleurs en boutade, il a confié qu’il ignorait «le nombre de partis qui y siègent». Il trouve par ailleurs anormal que la Suisse ait 7 ministres, les Etats-Unis 15, et Israël 27. Il estime qu’un gouvernement resserré pourrait mieux fonctionner. Il pense que son parti Israël Beitenou se présentera seul aux prochaines élections et obtiendra entre 11 et 12 sièges. Il ne croit pas à des élections anticipées en 2018. Il a fustigé les religieux qui veulent imposer leur diktat à toute la population : «nous représentons une droite laïque, traditionnelle ; ce n'est pas un hasard si la question des supermarchés a surgi. Je suis pour la tradition et contre la coercition religieuse, pas seulement en ce qui concerne les supermarchés, mais sur la nature du judaïsme qui doit être accueillant et flexible». D’ailleurs il s’était volontairement affiché à la terrasse d’un café d’Ashdod, un jour de shabbat, pour bien montrer qu’il était pour la liberté de commerce tous les jours. Pour lui, «plus on se rapproche des synagogues et plus on s’éloigne du judaïsme».
Aviv Kohavi et Gadi Eizenkot

            La seule révélation qu’il ait faite en aparté était le nom du prochain chef d’État-major qui entrera en fonction au début de 2019 ou en 2020. Il a choisi le général de division Aviv Kohavi, ancien parachutiste, pour son expérience dans les services de renseignements de l’armée et sur le terrain, en tant que chef de la région militaire du nord. Il est, depuis le 11 mai 2017, l’adjoint de Gadi Eizenkot.


            Avigdor Lieberman est persuadé qu’il a un grand avenir politique et qu’il est un responsable politique avec lequel il faudra compter. Il prétend au fond de lui-même être le prochain premier ministre si Netanyahou est empêché par ses affaires judiciaires. En devenant plus pragmatique, en rejetant le dogme du Grand Israël, ses chances s’améliorent car il peut rallier à lui les militants du Likoud qui trouvent que le parti a pris un virage extrémiste. 
         Il a terminé en décrivant une situation idylique avec l'Arabie saoudite qui songe à se préparer à l'après pétrole en investissant sur le high-tech. Il est persuadé qu'une collaboration serait bénéfique pour les deux pays qui envisagent déjà d'ouvrir une route pour permettre la création de zones de haute technologie et les échanges.

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