Shimon
Peres avait fait son alyah, à l’âge de 11 ans avec ses parents en 1923, dans la
Palestine sous mandat britannique, ce n’était donc pas un sabra. Il a vécu dans
un kibboutz, en Galilée, fréquenté une école d’agriculture, s’est converti au
socialisme des pionniers juifs, sous l’influence de Berl Katznelson. Il a
adhéré au mouvement de jeunesse, où il a acquis très rapidement d’importantes
responsabilités.
Il
est repéré par Ben Gourion qui, pendant la guerre d’indépendance, l’a chargé
des achats d’armes pour Tsahal qui en manquait cruellement. Assumant cette
mission avec succès, il n’a pas pu servir dans les forces armées. Dans l’Israël
des années 50, ne pas être un sabra pouvait être excusable mais ne pas avoir fait
son service militaire était très mal vu. Ce qui peut expliquer l’antagonisme
dont il souffrit de la part de ses pairs, hauts gradés, pour beaucoup et jaloux
de sa fulgurante ascension.
En
1953 il est nommé directeur général du ministère de la défense. Il est à
l’origine de la création de l’industrie militaire israélienne. Grâce aux
relations qu’il avait tissées avec les responsables politiques français,
socialistes en particulier, il a mené à bien les débuts du programme nucléaire
israélien. Il est à l’origine de nombreuses réalisations dont Israël peut
s’enorgueillir.
Il
va continuer sa carrière politique, il est élu pour la première fois à la Knesset
en 1959 et il y restera jusqu’à ce qu’il soit élu président de l’Etat en 2007.
Il a occupé quasiment toutes les fonctions ministérielles ; il sera dix-huit
fois ministre dont trois fois premier ministre, mais par intérim. Il n’a jamais
gagné une élection législative, ce qui lui
vaudra le titre, en Israël, d’éternel second. Il en a certainement
souffert mais cela ne va pas l’empêcher
de laisser une trace indélébile dans l’Histoire d’Israël.
Un
deuxième moment de la vie politique de Shimon Peres va s’ouvrir après la
victoire, sous la direction d’Yitzhak Rabin, des travaillistes en 1992. Shimon
Peres est nommé ministre des affaires étrangères, il s’est convaincu que la
solution du conflit avec les Palestiniens passe par un compromis, que la paix
est à ce prix, qu’il n’y a pas d’autre solution que la négociation avec l’OLP
d’autant que le roi Hussein de Jordanie a renoncé à ses droits sur la Cisjordanie.
Il en persuade Yitzhak Rabin et engage des négociations secrètes avec Arafat.
Le faucon s’est mué en colombe et le restera jusqu’à la fin de ses jours.
Les
accords d’Oslo sont signés le 13 septembre 1993, Shimon Peres en est
l’instigateur, mais la poignée de main immortalisée sur la pelouse de la Maison
Blanche est celle d’Ytzhak Rabin et de
Yasser Arafat. Shimon Peres n’arrive qu’en second. En 1994, le prix Nobel de la
paix leur est décerné, conjointement, à tous les trois. On peut, alors, croire
à une paix possible mais le 4 novembre 1995 Rabin est assassiné par un
extrémiste juif de droite. Shimon Peres lui succède mais perd les élections qui
ont suivi.
Comment
peut-on expliquer cette défiance de la part des Israéliens à son égard alors
qu’en dehors d’Israël, Shimon Peres a toujours bénéficié d’un important courant
de sympathie ? J’ai toujours pensé
qu’il était, peut être, trop européen, trop cultivé, trop manœuvrier,
trop diplomate, pour les Israéliens. Il ne correspondait pas à l’image que ces
derniers se faisaient du héros, un être d’une seule pièce. Il a fallu attendre qu’il ait
84 ans, qu’il soit président de l’Etat d’Israël pour que se construise autour de sa personne un
large consensus, qu’il devienne «le Sage de la nation».
Shimon Peres nous a
quittés dans la nuit de mardi à mercredi, je dis, nous, parce que c’est une
grande perte, pour les Israéliens bien sûr, mais aussi pour le monde qui voit
disparaître un homme exceptionnel, un
partisan infatigable de la paix avec les Arabes et entre Palestiniens et Israéliens. C’était un
visionnaire : il rêvait d’un Moyen-Orient en paix qui consacrerait toutes
ses ressources à son développement économique et technique. Il rêvait d’un
marché commun moyen-oriental. Il citait, en exemple, l’Europe où la France et
l’Allemagne, après s’être combattues pendant des décennies, avaient participé à
la création d’un marché commun. Jusqu’à ces derniers jours, alors qu’il n’était
plus président de l’Etat, il a continué à œuvrer pour la paix avec un optimisme
que les échecs n’avaient pas découragé parce qu’il était persuadé que seul un
compromis signé entre Palestiniens et Israéliens leur apporterait, à tous deux,
la paix et la sécurité. Par ma voix, toute la radio s’associe au deuil
de la famille et du peuple israélien.
1 commentaire:
Petite erreur de date dans la premiere phrase de l'article .
Si Shimon Peres est bien ne en 1923 et fait son alyah a 11 ans , il a donc fait son alyah en 1934 .
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