LE
REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR TRIBUNEJUIVE.INFO
PALESTINIENS : NÉGOCIATIONS ET LÉGITIMITÉ
Kerry_Abbas |
Depuis l’arrivée de John Jerry au département d’État, deux questions taraudent l’esprit des israéliens : pourquoi tient-il tant à raviver le processus de paix et peut-il considérer Mahmoud Abbas suffisamment légitime pour négocier au nom des palestiniens ?
Qatar omniprésent
La démarche du
secrétaire d’État n’étonne pas puisque Barack Obama avait annoncé qu’il consacrerait
une partie de son deuxième mandat à la résolution du conflit israélo-palestinien.
Il a donc mandaté John Kerry pour lancer les invitations à Washington aussi
bien aux deux protagonistes mais aussi aux leaders de la Ligue arabe. Les pays arabes avaient tenu une réunion
préliminaire à Doha pour aborder ce sujet mais le 24ème sommet de la Ligue
arabe avait été raccourci et s'était terminé, le mardi 26 mars, après des
discussions axées uniquement sur le problème syrien.
Kerry recoit la Ligue arabe |
Ce sommet a mis
en évidence l’activisme du Qatar qui joue un rôle majeur auprès des grandes
puissances qui le considèrent comme un arbitre sérieux dans le conflit
palestinien. Les américains se sont fait une raison que des discussions
directes entre palestiniens et israéliens sont pour l’instant hors du
calendrier politique. Ils préfèrent donc dialoguer par Qatar interposé puisque
ce minuscule État entretient des relations étroites aussi bien avec Israël
qu’avec les Frères musulmans d’Égypte et leur allié du Hamas à Gaza. Les
millions de dollars qu’il distribue sans compter lui donne une assise politique
qu’aucun autre pays arabe dispose.
Les israéliens
et les palestiniens sont réticents à engager de telles négociations bien que la
délégation de la Ligue arabe comprenne quelques représentants palestiniens
chargés de diffuser plus tard la bonne parole. Israël ne croit pas à un
dialogue sérieux et encore moins à une volonté palestinienne de proposer une
offre acceptable et pragmatique. Par ailleurs, les palestiniens n’approuvent
pas la base de discussions, fondée sur l’initiative de paix de la Ligue arabe
de 2002, car leur projet immuable consiste à récupérer la
totalité de la Palestine et une partie de Jérusalem.
Propositions
innovantes
Pourtant la
Ligue Arabe a fait preuve d’innovation politique en proposant un échange de territoires
entre Israël, les palestiniens et même l’Égypte qui pourrait faire un effort
pour agrandir la bande de Gaza. Certes, les égyptiens rechignent à sacrifier
quelques arpents de leurs terres au profit de leurs frères idéologiques du
Hamas mais ils pourraient se laisser convaincre par les dollars du Qatar.
Cependant,
le blocage viendrait du Hamas qui n’est toujours pas d’accord à engager des
négociations avec Israël. Dans une interview à Al-Monitor en date du 13 mai
2013, le responsable
du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, a estimé que les efforts déployés
par le secrétaire d’État, John Kerry, «aspirant à relancer des pourparlers
de paix, manquaient clairement d’une vision sérieuse et solide pour parvenir à
une solution juste et équitable de la question israélo-palestinienne».
Deux leaders du Hamas Khaled Meshaal et Mohammad Nazzal |
De toute façon,
il n’y a aucun consensus entre les deux clans Hamas-Fatah pour définir un projet
précis de pourparlers. Le statu quo convient aux deux parties car il leur évite
d’aborder les sujets qui fâchent. Pourtant, les américains persistent à croire
qu’ils pourront convaincre israéliens et palestiniens à s’asseoir à la table
des négociations. Méthode Coué ou vœu pieu ? Ils s’appuient en fait sur leurs
entretiens optimistes avec certains pays arabes mais ils oublient que des
propositions très attractives avaient déjà été faites par Ehud Olmert en 2008 et
refusées à l’époque.
L’ancien premier
ministre était prêt alors à offrir 93 % de la Cisjordanie et l'intégralité de
la bande de Gaza en échange d’un traité de paix. Les palestiniens à l’instar de
l’ancien ministre palestinien Hassan Asfour, qui avait fait partie des
négociateurs d’Oslo, estiment que «Il
y a une différence entre des échanges territoriaux et des modifications des
frontières. Il ne s'agit que d'illusion.»
Livni, Olmert et Abbas |
Pas
de volonté palestinienne
Les
palestiniens craignent d’avoir à payer pour l’ensemble du monde arabe en étant
les seuls sacrifiés sur l’autel d’une paix imposée par les États-Unis et le
Qatar. Ils persistent dans une attitude consistant à exiger le retrait d’Israël
de toute la Cisjordanie, c’est-à-dire jusqu’aux frontières du 5 juin 1967. John
Kerry a donné deux mois aux parties pour réfléchir à une position pragmatique
laissant entendre que les américains ont évolué sur le conflit syrien et le
nucléaire iranien. Ils ne semblent plus opposés à intervenir militairement dans
les deux cas. En s’inspirant de ce changement de doctrine, ils font comprendre
qu’ils pourraient aussi évoluer sur le conflit israélo-palestinien en étant
plus directifs.
Obama au Kotel |
Israël élude le projet de négociations car les partis politiques israéliens
sont divisés sur la question palestinienne et toute initiative pourrait faire
éclater la coalition hétéroclite. Alors il choisit de faire diversion en
faisant état de la promesse d’Obama, lors de son dernier voyage. Le président
américain avait en effet accepté le préalable de la reconnaissance d’Israël en
tant qu’État juif par les pays arabes pour contresigner une paix éventuelle.
Israël tient à cette reconnaissance, d’une part pour gagner du temps car les pays arabes n’y sont pas favorables, mais surtout parce qu’elle reconnait le droit d’Israël sur sa terre bien avant sa création en 1948. D’ailleurs John Kerry a appelé, à nouveau le 8 mai, la Ligue arabe à reconnaître la judaïté de l’État d’Israël. Cette exigence complique le débat jugé non actuel à la Knesset. En effet il y a un consensus de tous les partis politiques pour considérer que le problème palestinien est secondaire et que seules les questions liées à la Syrie et à l’Iran sont sensibles et prioritaires.
Israël tient à cette reconnaissance, d’une part pour gagner du temps car les pays arabes n’y sont pas favorables, mais surtout parce qu’elle reconnait le droit d’Israël sur sa terre bien avant sa création en 1948. D’ailleurs John Kerry a appelé, à nouveau le 8 mai, la Ligue arabe à reconnaître la judaïté de l’État d’Israël. Cette exigence complique le débat jugé non actuel à la Knesset. En effet il y a un consensus de tous les partis politiques pour considérer que le problème palestinien est secondaire et que seules les questions liées à la Syrie et à l’Iran sont sensibles et prioritaires.
Légitimité
La victoire de Mahmoud Abbas en 2005 |
Les adversaires
israéliens des négociations avec les palestiniens soulèvent à présent le principe de la légitimité de Mahmoud Abbas,
élu le 9 janvier 2005, dont le mandat a
expiré en 2009 et qui n’est pas passé devant les électeurs. Les israéliens se
posent la question de la validité juridique d’un accord qui n’aurait pas été
cautionné par le parlement palestinien. Mahmoud Abbas annonce certes
périodiquement la tenue d’élections mais le
Hamas s’y oppose totalement. Le parlement n’est plus, lui aussi, légitime
puisque les nouvelles élections n’ont pas eu lieu. En janvier 2006, un
parlement palestinien avait été élu, mais il avait été dissous par le président
de l’Autorité lorsque le Hamas avait remporté les élections.
Moussa Abou Marzouk |
Selon
un haut responsable du Hamas, Moussa Abou Marzouk, le Fatah et le Hamas ont convenu le 15 mai 2013 de former un gouvernement
d'union nationale dans les trois mois.
En fait ils avaient déjà signé au Caire en 2011 un accord s'engageant à mettre
en place un gouvernement intérimaire d'indépendants afin de préparer le terrain
pour les élections législatives et présidentielles. Mais cet accord n’a jamais été
suivi d’effet.
Alors, pour
tenter de reporter l’instant de décisions douloureuses liées à des concessions
politiques, les israéliens exigent la tenue d’élections législatives avant
toute signature d’un accord définitif. Ils cherchent donc à exploiter la faille
juridique puisqu’ils contestent aussi la légitimité du premier ministre démissionnaire
Salam Fayyad et de son gouvernement car leurs nominations n'ont jamais été approuvées par le Parlement. Ce
vide juridique est soulevé par tous les clans qui refusent le dialogue avec les
palestiniens et qui peuvent compter sur le soutien de 40 députés à la Knesset
qui en compte 120.
Les opposants
aux négociations avec les palestiniens posent aussi la question de la
représentativité de Mahmoud Abbas. Ils persistent à affirmer qu’il ne
représente que lui-même et certainement pas les islamistes de Gaza. Il ne représente pas la population de Gaza
car les leaders islamistes du Hamas sont ses ennemis les plus acharnés. Il n’a
aucune autorité sur les militants du Hamas résidents en Cisjordanie. D’ailleurs
les mots d’ordre du Hamas poussant à l’abstention aux dernières élections
locales de Cisjordanie ont bien été suivis dans certaines grandes villes. Les
salafistes et les djihadistes le considèrent comme une marionnette aux mains
des occidentaux. Selon certains de ses proches, les militants du Fatah, en
perdition, prennent leur distance avec
un président qui n’a créé selon eux que du désenchantement. Il est donc
président d’une petite minorité au pouvoir en Cisjordanie.
Une partie de la classe politique israélienne, arrivée au pouvoir
avec les dernières élections législatives de janvier 2013, développe une
nouvelle stratégie tendant à s’opposer aux négociations. Elle ne veut négocier qu’après
des élections palestiniennes générales pour la présidence et le parlement ;
seule condition pour que la négociation soit légitime et juridiquement valide. Elle
craint en effet qu’un accord signé aujourd’hui soit remis en question par de
nouveaux responsables, issus d’éventuelles nouvelles élections, qui ne s’estimeraient
pas liés par les décisions d’un président Abbas illégitime. John Kerry n’est
pas au bout de ses peines.
http://www.tribunejuive.info/politique/palestiniens-negociations-et-legitimite
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