LES FANFARONNADES DE NASRALLAH
Par Jacques BENILLOUCHE
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Hassan
Nasrallah est certes un homme dangereux car il dispose d’un arsenal pouvant
déstabiliser tout le Proche-Orient mais ses fanfaronnades répétées le décrédibilisent,
à moins qu’il ne s’agisse d’inconscience. Il sait que Tsahal a le doigt sur la gâchette
et qu’il ne permettra aucun écart pouvant mettre la sécurité du pays en danger.
Vidéo depuis un bunker
A l’occasion
du 25ème anniversaire de la station de radio du Hezbollah, Al-Nour, Nasrallah
a prononcé un discours vidéo depuis son bunker où il se terre à l’abri de la
main d’Israël. Depuis longtemps, il ne connait plus la couleur du soleil. Il
avait besoin de remonter à la fois le moral de ses troupes et celui de l’armée
syrienne après la destruction par l’aviation israélienne de convois d’armes
sophistiquées qui lui étaient destinées, en particulier les missiles Fateh-110.
Il a cependant annoncé la livraison de nouveaux types d’armement en provenance
de Syrie sans donner de calendrier précis : «La résistance contre Israël est
prête à accepter des armes sophistiquées, même si elles devaient briser
l'équilibre dans la région. Nous sommes dignes d'avoir de telles armes et nous
aimerions les utiliser pour défendre notre peuple et notre pays et nos lieux
saints.»
Ambassadeurs syrien et iranien à l'écoute du discours |
Dans
une salle à Beyrouth où était retransmis son discours, les ambassadeurs de
Syrie et d’Iran, assis côte à côte, apportaient la caution de leur pays au
Hezbollah. À leur intention, Nasrallah a confirmé que ses combattants
apportaient une aide pour la sauvegarde du régime de Bassar Al-Assad, en
particulier autour de la ville de Qusayr tenue par les rebelles, ville
stratégique située à proximité de la troisième ville de Syrie, Homs. Cette
ville, tombée depuis un an entre les
mains des rebelles, fait l’objet de bombardements incessants et quotidiens de l’armée
syrienne qui tente de la reconquérir.
Pour
l’instant, Israël est rassuré car les dizaines de milliers de roquettes dont
dispose le Hezbollah sont de vieille génération, non guidées et d’un rayon d’action
faible. Elles peuvent certes créer des dégâts, mais de manière désordonnée et moins efficace, et ne peuvent être tirées que depuis le Sud-Liban où la Finul veille. Les satellites de surveillance, et certains commandos israéliens sur place, empêchent
pour l’instant tout nouvel approvisionnement. Israël sait que Nasrallah est à la
recherche de missiles à guidage précis qui lui avaient été livrés mais qui ont
été détruits par l’aviation israélienne. Le gouvernement israélien n’a jamais
reconnu la paternité de ces frappes ce qui semble avoir donné à la Syrie un alibi
pour ne pas exercer de représailles pour éviter d'impliquer Israël dans
le conflit syrien.
Nasrallah
a poussé ses fanfaronnades jusqu’à menacer Israël d’intervenir au Golan : «Comme
la Syrie s’est tenue aux côtés des résistances libanaise et palestinienne, nous
nous tenons aujourd’hui aux côtés de la résistance syrienne dans le Golan». Il feint d’ignorer que l’armée syrienne n’a tiré, jusqu’à présent, aucun coup
de feu contre Tsahal parce que son intérêt est d’avoir les mains libres en
Syrie pour éradiquer sa rébellion. Alors, il cherche à mobiliser les
consciences arabes en montrant du doigt leurs ennemis en utilisant le
sacrosaint conflit palestinien fédérateur : «empêcher la Syrie de
basculer entre les mains des États-Unis, d’Israël ou des takfiristes fait
désormais partie de la bataille pour la Palestine.»
Menaces ou
inconscience
Alors
que le gouvernement libanais est en cours de constitution, il lance des
menaces voilées contre le nouveau premier ministre désigné, Tammam Salam, en
exigeant une représentation forte de son mouvement parmi les nouveaux
ministres. Il ne cherche pas à attiser le feu au sein de cette future coalition
sachant que certains éléments libanais lui sont hostiles. Alors il réutilise la
dialectique éculée faisant référence aux palestiniens puisqu’ils représentent
le seul consensus entre les pays arabes : «la menace ne porte plus
seulement sur la terre et le peuple, mais sur l’identité et les symboles sacrés.
L’ennemi israélien sait saisir le bon moment pour soutirer de nouvelles
concessions aux arabes, avec une Syrie neutralisée, une situation interne au
Liban confuse, et un Iran encerclé. Alors que beaucoup misaient sur le
printemps arabe, certains pays, en plus de pays du Golfe, sont au contraire
prêts à plus de concessions». Il faisait ainsi référence au projet de
certains pays arabes d’envisager une paix avec Israël sur la base d’échanges de
territoires.
L’action
israélienne en Syrie représente pour Nasrallah son point de fixation car elle
symbolise une certaine preuve de faiblesse arabe. Il interprète les frappes
israéliennes, non pas comme une atteinte au potentiel du Hezbollah, mais comme
une volonté de faire plier le commandement de l’armée syrienne. Et dans une
pirouette, dont il est seul à avoir le secret, il annonce déjà la riposte terrible
syrienne. Mais il ne s’agit pas pour l’armée syrienne d'envisager des attaques
militaires contre Israël, mais de procéder à des fournitures plus intenses d’armes
nouvelles pour remettre en question l’équilibre actuel.
Réservistes au Golan |
Il laisse aussi entendre que la Syrie est
prête à l’ouverture d’un front au Golan, avec l’installation de nouvelles
batteries de missiles. De ce point de vue, il semble s’avancer un peu car il
néglige les mises en garde israéliennes concrétisées, quand il était nécessaire, par une mobilisation à la
frontière nord de 20.000 réservistes, avec tanks et aviation, dont une petite partie est restée sur place. Il feint aussi d’ignorer
que la Syrie a plutôt donné des signes d’apaisement face à
la détermination du gouvernement israélien.
Encore une
fois, les fanfaronnades de Nasrallah sont à usage interne pour ses combattants
qui subissent des revers de la part d’une rébellion syrienne déterminée.
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