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mercredi 22 mai 2013

PALESTINIENS : NÉGOCIATIONS ET LÉGITIMITÉ



LE REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR  TRIBUNEJUIVE.INFO

PALESTINIENS : NÉGOCIATIONS ET LÉGITIMITÉ



Kerry_Abbas

Depuis l’arrivée de John Jerry au département d’État, deux questions taraudent l’esprit des israéliens : pourquoi tient-il tant à raviver le processus de paix et peut-il considérer Mahmoud Abbas suffisamment légitime pour négocier au nom des palestiniens ?




Qatar omniprésent


La démarche du secrétaire d’État n’étonne pas puisque Barack Obama avait annoncé qu’il consacrerait une partie de son deuxième mandat à la résolution du conflit israélo-palestinien. Il a donc mandaté John Kerry pour lancer les invitations à Washington aussi bien aux deux protagonistes mais aussi aux leaders de la Ligue arabe. Les pays arabes avaient tenu une réunion préliminaire à Doha pour aborder ce sujet mais le 24ème sommet de la Ligue arabe avait été raccourci et s'était terminé, le mardi 26 mars, après des discussions axées uniquement sur le problème syrien. 
Kerry recoit la Ligue arabe

Ce sommet a mis en évidence l’activisme du Qatar qui joue un rôle majeur auprès des grandes puissances qui le considèrent comme un arbitre sérieux dans le conflit palestinien. Les américains se sont fait une raison que des discussions directes entre palestiniens et israéliens sont pour l’instant hors du calendrier politique. Ils préfèrent donc dialoguer par Qatar interposé puisque ce minuscule État entretient des relations étroites aussi bien avec Israël qu’avec les Frères musulmans d’Égypte et leur allié du Hamas à Gaza. Les millions de dollars qu’il distribue sans compter lui donne une assise politique qu’aucun autre pays arabe dispose.

Les israéliens et les palestiniens sont réticents à engager de telles négociations bien que la délégation de la Ligue arabe comprenne quelques représentants palestiniens chargés de diffuser plus tard la bonne parole. Israël ne croit pas à un dialogue sérieux et encore moins à une volonté palestinienne de proposer une offre acceptable et pragmatique. Par ailleurs, les palestiniens n’approuvent pas la base de discussions, fondée sur l’initiative de paix de la Ligue arabe de 2002,  car leur projet immuable consiste à récupérer la totalité de la Palestine et une partie de Jérusalem.



Propositions innovantes



Pourtant la Ligue Arabe a fait preuve d’innovation politique en proposant un échange de territoires entre Israël, les palestiniens et même l’Égypte qui pourrait faire un effort pour agrandir la bande de Gaza. Certes, les égyptiens rechignent à sacrifier quelques arpents de leurs terres au profit de leurs frères idéologiques du Hamas mais ils pourraient se laisser convaincre par les dollars du Qatar. 
Deux leaders du Hamas Khaled Meshaal et Mohammad Nazzal
Cependant, le blocage viendrait du Hamas qui n’est toujours pas d’accord à engager des négociations avec Israël. Dans une interview à Al-Monitor en date du 13 mai 2013, le responsable du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, a estimé que les efforts déployés par le secrétaire d’État, John Kerry, «aspirant à relancer des pourparlers de paix, manquaient clairement d’une vision sérieuse et solide pour parvenir à une solution juste et équitable de la question israélo-palestinienne».

De toute façon, il n’y a aucun consensus entre les deux clans Hamas-Fatah pour définir un projet précis de pourparlers. Le statu quo convient aux deux parties car il leur évite d’aborder les sujets qui fâchent. Pourtant, les américains persistent à croire qu’ils pourront convaincre israéliens et palestiniens à s’asseoir à la table des négociations. Méthode Coué ou vœu pieu ? Ils s’appuient en fait sur leurs entretiens optimistes avec certains pays arabes mais ils oublient que des propositions très attractives avaient déjà été faites par Ehud Olmert en 2008 et refusées à l’époque. 
Livni, Olmert et Abbas
L’ancien premier ministre était prêt alors à offrir 93 % de la Cisjordanie et l'intégralité de la bande de Gaza en échange d’un traité de paix. Les palestiniens à l’instar de l’ancien ministre palestinien Hassan Asfour, qui avait fait partie des négociateurs d’Oslo,  estiment que «Il y a une différence entre des échanges territoriaux et des modifications des frontières. Il ne s'agit que d'illusion.»



Pas de volonté palestinienne



Les palestiniens craignent d’avoir à payer pour l’ensemble du monde arabe en étant les seuls sacrifiés sur l’autel d’une paix imposée par les États-Unis et le Qatar. Ils persistent dans une attitude consistant à exiger le retrait d’Israël de toute la Cisjordanie, c’est-à-dire jusqu’aux frontières du 5 juin 1967. John Kerry a donné deux mois aux parties pour réfléchir à une position pragmatique laissant entendre que les américains ont évolué sur le conflit syrien et le nucléaire iranien. Ils ne semblent plus opposés à intervenir militairement dans les deux cas. En s’inspirant de ce changement de doctrine, ils font comprendre qu’ils pourraient aussi évoluer sur le conflit israélo-palestinien en étant plus directifs. 
Obama au Kotel

Israël élude le projet de négociations car les partis politiques israéliens sont divisés sur la question palestinienne et toute initiative pourrait faire éclater la coalition hétéroclite. Alors il choisit de faire diversion en faisant état de la promesse d’Obama, lors de son dernier voyage. Le président américain avait en effet accepté le préalable de la reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif par les pays arabes pour contresigner une paix éventuelle. 
Israël tient à cette reconnaissance, d’une part pour gagner du temps car les pays arabes n’y sont pas favorables, mais surtout parce qu’elle reconnait le droit d’Israël sur sa terre bien avant sa création en 1948. D’ailleurs John Kerry a appelé, à nouveau le 8 mai, la Ligue arabe à reconnaître la judaïté de l’État d’Israël. Cette exigence complique le débat jugé non actuel à la Knesset. En effet il y a un consensus de tous les partis politiques pour considérer que le problème palestinien est secondaire et que seules les questions liées à la Syrie et à l’Iran sont sensibles et prioritaires.


Légitimité


La victoire de Mahmoud Abbas en 2005

Les adversaires israéliens des négociations avec les palestiniens soulèvent à présent le  principe de la légitimité de Mahmoud Abbas, élu le 9 janvier 2005,  dont le mandat a expiré en 2009 et qui n’est pas passé devant les électeurs. Les israéliens se posent la question de la validité juridique d’un accord qui n’aurait pas été cautionné par le parlement palestinien. Mahmoud Abbas annonce certes périodiquement la tenue d’élections mais le Hamas s’y oppose totalement. Le parlement n’est plus, lui aussi, légitime puisque les nouvelles élections n’ont pas eu lieu. En janvier 2006, un parlement palestinien avait été élu, mais il avait été dissous par le président de l’Autorité lorsque le Hamas avait remporté les élections. 
Moussa Abou Marzouk


Selon un haut responsable du Hamas, Moussa Abou Marzouk, le Fatah et le Hamas ont convenu le 15 mai 2013  de former un gouvernement d'union nationale dans les trois mois. En fait ils avaient déjà signé au Caire en 2011 un accord s'engageant à mettre en place un gouvernement intérimaire d'indépendants afin de préparer le terrain pour les élections législatives et présidentielles. Mais cet accord n’a jamais été suivi d’effet.

Alors, pour tenter de reporter l’instant de décisions douloureuses liées à des concessions politiques, les israéliens exigent la tenue d’élections législatives avant toute signature d’un accord définitif. Ils cherchent donc à exploiter la faille juridique puisqu’ils contestent aussi la légitimité du premier ministre démissionnaire Salam Fayyad et de son gouvernement car leurs nominations  n'ont jamais été approuvées par le Parlement. Ce vide juridique est soulevé par tous les clans qui refusent le dialogue avec les palestiniens et qui peuvent compter sur le soutien de 40 députés à la Knesset qui en compte 120.

Les opposants aux négociations avec les palestiniens posent aussi la question de la représentativité de Mahmoud Abbas. Ils persistent à affirmer qu’il ne représente que lui-même et certainement pas les islamistes de Gaza.  Il ne représente pas la population de Gaza car les leaders islamistes du Hamas sont ses ennemis les plus acharnés. Il n’a aucune autorité sur les militants du Hamas résidents en Cisjordanie. D’ailleurs les mots d’ordre du Hamas poussant à l’abstention aux dernières élections locales de Cisjordanie ont bien été suivis dans certaines grandes villes. Les salafistes et les djihadistes le considèrent comme une marionnette aux mains des occidentaux. Selon certains de ses proches, les militants du Fatah, en perdition,  prennent leur distance avec un président qui n’a créé selon eux que du désenchantement. Il est donc président d’une petite minorité au pouvoir en Cisjordanie.

Une partie de la classe politique israélienne, arrivée au pouvoir avec les dernières élections législatives de janvier 2013, développe une nouvelle stratégie tendant à s’opposer aux négociations. Elle ne veut négocier qu’après des élections palestiniennes générales pour la présidence et le parlement ; seule condition pour que la négociation soit légitime et juridiquement valide. Elle craint en effet qu’un accord signé aujourd’hui soit remis en question par de nouveaux responsables, issus d’éventuelles nouvelles élections, qui ne s’estimeraient pas liés par les décisions d’un président Abbas illégitime. John Kerry n’est pas au bout de ses peines.

http://www.tribunejuive.info/politique/palestiniens-negociations-et-legitimite

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