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samedi 16 avril 2022

Les Franco-israéliens ont boudé les urnes

 

LES FRANCO-ISRAÉLIENS ONT BOUDÉ LES URNES


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

           

Elections au centre de la Wizo à Tel Aviv

          Ce fait se répète à chaque élection, les Français d’Israël se désintéressent totalement des élections françaises puisque sur 59.214 inscrits au Consulat, seuls 5.829 se sont exprimés soit une participation négligeable de 9,84%. Pourtant à Tel-Aviv et dans les autres villes, le Consulat avait bien fait les choses en utilisant les locaux spacieux et centraux de la Wizo. Mais les élections françaises ne passionnent pas les immigrants qui estiment qu’en mettant les pieds au bas de la passerelle, la politique française n’entre plus dans leur préoccupation. La France n’est intéressante que pour délivrer des passeports européens qui permettent la circulation facile à travers l’Europe et le Monde.




            On peut certes trouver une explication à cette désertion. En Israël, les électeurs font l’amalgame entre démocratie et sensibilité politique. La démocratie impose de voter à chaque élection soit pour choisir ou pour éliminer des candidats soit pour marquer sa mauvaise humeur par un bulletin. En revanche, la sensibilité politique pousse à ne pas voter parce qu’on n’apprécie pas la politique française à l’égard d’Israël. Cette fois-ci les soutiens français de Zemmour ont voté en masse pour lui croyant pouvoir l’élire afin qu’il débarrasse la France et Israël des islamistes encombrants. Le résultat est significatif en la matière : Éric Zemmour : 3.124 voix (53,59%), Emmanuel Macron : 1.849 voix (31,72%), Marine Le Pen : 194 voix (3,32%) et Jean-Luc Mélenchon : 95 voix (1,63%). Mais c’est un coup d’épée dans l’eau car il est difficile pour les dirigeants français ou israéliens de neutraliser des citoyens à part entière.



L’ex-premier ministre avait insufflé un mauvais esprit dans les relations franco-israéliennes. Le courant ne passait plus entre deux pays, longtemps alliés, en raison du virage droitiste d’un gouvernement israélien soumis aux diktats de ses extrémistes et de l’entêtement du Quai d’Orsay à ne privilégier que les relations avec les États arabes en ignorant que les Accords d’Abraham étaient passés par là. Alors les Israéliens ont boudé les urnes françaises puisque les relations avec Emmanuel Macron étaient au point mort.  

En 2018, le président Macron avait prévu une visite au printemps, puis l’avait reportée en novembre et enfin l’avait totalement annulée sans fournir de raison. Il n’avait pas tenu sa promesse de 2017 de se rendre au Proche-Orient pour pousser au renouvellement des pourparlers de paix israélo-palestiniens. L'annulation de la visite de Macron était intervenue après que le Premier ministre Edouard Philippe avait reporté lui-aussi sa propre visite en Israël, en invoquant des questions de politique intérieure. Bref, il était évident que les dirigeants français avaient décidé d’éviter Israël. Dans la foulée, le président Réouven Rivlin n’avait pas d’autre choix que d’annuler son voyage en France. Seul, pour tenter de renouer les liens rompus, Benjamin Netanyahou s’était rendu à Paris en juin 2018, dans un climat tendu et détestable.

Aliza Bin-Noun, ambassadrice d’Israël en France, Emmanuel Macron et Patrick Maisonnave, Ambassadeur de France en Israël


           Victime de la politique insufflée par le Quai d’Orsay, dont elle était d’ailleurs issue, l’ambassadrice Hélène le Gall n’avait pas su inverser la lente dégradation des relations franco-israéliennes. Elle manquait de poids dans des combats perdus d’avance alors qu’elle cherchait souvent à défendre l’indéfendable. Ses prédécesseurs Christophe Bigot et Patrick Maisonnave avaient réussi à sauver les apparences. Elle avait subi les votes négatifs à l’Unesco et le vote de la France en faveur de la résolution condamnant la décision américaine de transférer son ambassade à Jérusalem. Les relations entre Israël et la France étaient devenues totalement froides. La France avait fixé unilatéralement sa ligne politique.

Sans remonter trop loin dans les votes négatifs contre Israël devant les instances internationales, la France avait décidé de se distinguer du monde occidental, et de l’Europe en particulier, en mêlant sa voix à des pays qui ne sont pas réputés pour être de véritables démocraties. Bien sûr, elle a sa propre politique internationale, mais en prenant systématiquement une position négative sans jamais s’abstenir, elle a perdu son rôle d’arbitre et a été accusée de s’être rangée du côté des ennemis irréductibles d’Israël. La France a appuyé au Conseil de Sécurité des résolutions qui abordaient sous des angles différents, le conflit entre Israël et la Palestine. Mais elle a soutenu des textes partiaux car ils rejetaient toujours la responsabilité sur Israël en l’absence de toute référence au «groupe terroriste Hamas».  Elle avait même voté contre le projet américain de résolution rendant responsable le Hamas des violences dans la bande de Gaza. Les Etats-Unis avaient été les seuls à voter pour leur texte. Onze pays amis s'étaient abstenus, une moindre mesure, tandis que la France avait voté contre. Le projet américain contenait des injonctions dirigées vers «les organisations terroristes telles que le Hamas» et proposait au Conseil de condamner les tirs de roquettes aveugles, effectués par des milices palestiniennes basées à Gaza en direction de villages israéliens.

Macron à Jérusalem en 2020


            C’est dans cette atmosphère tendue qu’a eu lieu la visite d’Emmanuel Macron les 22 et 23 janvier 2020 en Israël, en compagnie de Donald Trump, pour marquer les 75 ans de la libération d'Auschwitz. L’évènement était organisé par Yad Vashem en présence de dirigeants mondiaux, dont la chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre britannique et le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Il ne s’agissait pas d’une visite d’État. Mais qui plus est, cette visite a été polluée par l’incident de l’église Sainte-Anne, à Jérusalem entre Macron et les policiers. C’est dans cette atmosphère tendue que le nouvel ambassadeur français, Éric Danon, a pris ses fonctions avec un handicap certain.

Eric Danon et son épouse


       Le ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, est bien perçu dans les chancelleries occidentales et le nouveau gouvernement israélien a affiché sa volonté de modifier sa politique sur certains points. Mais le Quai d’Orsay reste toujours présent dans les décisions françaises. Ainsi en mai 2021, la France et plusieurs pays européens ont demandé à Israël de «stopper ses colonies». Dans un communiqué commun publié par leurs ministères des Affaires étrangères, la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont demandé au gouvernement israélien de «mettre un terme à sa politique d'extension des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens occupés». Les Israéliens ont mis sur le dos de la France cette initiative. 

       Le nouveau gouvernement a montré une volonté certaine d'apaiser les relations avec la France qui n’a fait cependant aucun pas positif. Pire, certaines déclarations et des décisions intempestives sont venues polluer les bonnes intentions israéliennes alors que Lapid n'a jamais caché sa proximité avec Macron. Dans cet esprit, les Français d’Israël estiment donc qu’ils ne peuvent pas souscrire à la froideur française. C'est pourquoi, ils ignorent les élections, symboles d’un pays et d’une politique. 

3 commentaires:

Ingrid Israël-Anderhuber a dit…

Jacques, Vous concluez : "Dans cet esprit, les Français d’Israël estiment donc qu’ils ne peuvent pas souscrire à la froideur française. C'est pourquoi, ils ignorent les élections, symboles d’un pays et d’une politique."
Or pourquoi ces Français d'Israël, qui sont quand même des voix précieuses, ne se chaufferaient-ils pas justement en votant CONTRE Macron ?! Et je ne parle pas ici de vote blanc. En effet, ils ont la possibilité le 24 de ce mois d'exprimer leur colère ou plutôt leur froideur par les urnes...

Daphna Poznanski a dit…

Cher Jacques, je vais une fois de plus prendre la défense des Français d'Israël car tes propos ne me semblent pas refléter la réalité du terrain, une réalité bien plus complexe fondée sur des données objectives. Les votes aux élections françaises se déroulent le dimanche, premier jour de travail de la semaine israélienne, un jour à la circulation particulièrement chargée sur les routes israéliennes. Le vote par internet n'existe pas pour les élections présidentielles. Certes,il y a la possibilité de donner procuration. Mais pour ce faire, il faut encore impérieusement passer par les Consulats, aux horaires 8h00-16h00, du lundi au jeudi, à 12h00, le vendredi, soit toujours des horaires durant lesquels les potentiels électeurs travaillent eux aussi. La poste israélienne fonctionnant mal, la plupart des électeurs n'ont pas reçu les professions de foi des candidats avant le vote. Il n'y a pas eu de vraie campagne cette fois, le covid et la guerre en Ukraine focalisant toute l'attention. Enfin, n'oublions pas que, parmi les inscrits, près de 60 000 pour la circonscription de Tel Aviv-Haïfa + 18 000 environ pour la circonscription de Jérusalem, 49% d'entre eux ne parlent plus le français. Sur les 51% restant, beaucoup habitent loin de tous les bureaux de vote car les Français d'Israël résident du Nord au Sud et d'Est en Ouest. J'ajouterai que les Français de l'étranger ne sont pas allés voter à près de 65%. Des données objectives donc qui pèsent plus lourd dans le quotidien qu'une volonté de se démarquer de la politique française au Proche-Orient. J'évalue à moins de 20% les potentiels électeurs qui se trouveraient dans ce cas de figure-là. Les autres savent bien que ce n'est pas en s'abstenant ou en votant qu'ils modifieront la politique de la France.

Georges Kabi a dit…

Je vis en Israel depuis bientot 46 ans, dans une petite ville qui avait une population francophone d'environ 50% de la population totale. Aujpurd'hui. ce pourcentage ne doit ps depasser les 10%. Et comme dans tout Israel, la France est un des pays les plus gais.
Je n'ai jamais participe a aucunee consultation electroale francaise depuis mon installation en Israel. Je ne m'en ressentais pas le droit. Je vivais en Israel, pas en France. Mes preoccupations etaient israeliennes, pas frncaises et mon interet pour les affaires politiques francaises diminuerent puis disparurent le temps passant. Grace au concours genereux du Consulat francais, je ne parvins jamais a me faire renouveler mes papiers d'identite francaise. Et mes enfants ne voulaient pas enytendre parler ni de citoyennete francaise, ni encore moins europeenne.
En verite, meme si je suis ne a Paris, j'etais apatride car le droit du sang prevalait au droit du sol. Je fus naturalise francais a l'age de 5 ou 6 ans. Mes parents durent attendre 20 ans pour etre naturalise. Je ne cache pas mon adminration et meme mon amour de la culture francaise, mais j'ai un dedain profond envers ses institutions. J'ai travaille en France 8 ans, J'ai donc droit a une retraite, probablement et naturellement assez basse, mais meme cela ne me fut pas accorde! De guerre lasse, j'ai abandonne.
Meme mon nom a ete change par un employe de la Prefecture de Paris, et recemment, le consulat m'araye de ses listes.
Il faut avouer que j'etais fiche a la DST a cause de mes activites politiques en France, mais cela fait 46 ans que je ne suis plus mele a tout cela. L'Administration Francaise a la dent longue. J'ai ete en France plusieurs fois. A l'aeroort Ben Gourion, j'ai ete traite avec courtoisie. A Orly, puis a Charles de Gaulle et dans d'autres aeroports francais, j'ai ete traite comme un deteneur de la fiche S. Je n'ai pas proteste, je ne voulais pas etre ennuye, meme me retrouver au commissariat ou envoye en detention.
Je suis chanceux. Depuis 9 ans deja, je n'ai plus aucune attache familiale en France, ni dans ses possessions, je n'ai meme plus d'attaches parentales en Europe toute entiere. Les Francais, les Allemands, les Hongrois, les Polonais et les Ukrainiens s'en sont charges.
Que MLP ou Macron soit elu ne me chaut pas, si neanmoins je pense aux Juifs vivant en France (il n'y a pas de Juifs francais car ils sont francais que pour une periode plus ou moins longue) et je leur souhaite de n'etre pas oblige de faire leurs valises sous la contraite des nervis du RN ex-FN.