La France, adepte du tripartisme, doit évoluer

 

LA FRANCE, ADEPTE DU TRIPARTISME DOIT ÉVOLUER 

Par Jacques BENILLOUCHE

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Gouvernement Félix Gouin

        Contrairement aux États-Unis où Les Républicains et les Démocrates se partagent le pouvoir, la France a toujours été adepte du tripartisme. Déjà en 1946, les Communistes, les Socialistes et les Républicains populaires avaient constitué une cohabitation de raison, à égal pouvoir. Aujourd’hui encore, trois sensibilités animent l’espace politique français : l’extrême-droite de Marine Le Pen, l’extrême-gauche de Jean-Luc Mélenchon et le centre diversifié d’Emmanuel Macron. Après le premier tour des élections de 2022, aucun des groupes n’a démérité car les leaders ont réalisé des performances non négligeables : Emmanuel Macron 27,8%, Marine le Pen 23,1% et Jean-Luc Mélenchon 22% ; le pays est coupé en trois.

 Mais le système électoral majoritaire, sans aucune dose de proportionnelle, a tendance à fausser cet équilibre politique. Le RN joue à présent le rôle du méchant dévolu en 1946 aux Communistes. L’anti-RN est vigoureux au sein des deux autres clans. Dans le scrutin majoritaire à deux tours, il est fort probable que le RN sera combattu par les deux autres partis, ne lui laissant que quelques miettes. La France insoumise aura elle-aussi du mal à obtenir autant de sièges que son électorat l’exigerait. Cette disparité dans la répartition des sièges à l’Assemblée fait dire à certains que la démocratie est biaisée parce que le Rassemblement national n’obtiendra pas les 133 sièges et la France Insoumise les 126 sièges qui leur sont dus.

Pourtant Emmanuel Macron avait promis une réforme des élections en réduisant le nombre de députés et en instaurant une dose réaliste de proportionnelle permettant ainsi aux extrêmes d’être représentés, comme en Allemagne. Cela afin d’éviter qu’ils ne s’expriment dans la rue à l’image des Gilets jaunes. Macron n'a rien changé. Certes, le scrutin majoritaire assure l’existence d’une majorité stable pour gouverner mais l’Assemblée nationale n’est plus représentative du peuple comme il se doit. Elle devient alors une chambre d’enregistrement avec des députés godillots sans réel pouvoir.

Gouvernement Bennett 2021

On a toujours critiqué le système à la proportionnelle intégrale d’Israël mais la Knesset est vraiment représentative du pays. Elle impose un dialogue entre les clans avec la nécessité d’un consensus minimum pour résoudre les grands problèmes et choisir les grandes options. Le gouvernement israélien actuel comprend la gauche, l’extrême gauche, le centre et de manière indirecte les partis arabes, condamnés à s’entendre pour gouverner le pays. Il est voué à durer plus longtemps que tous les autres gouvernements monochromes. En 1946, la France avait fait de même avec un gouvernement Félix Gouin comprenant 7 SFIO (gauche), 6 MRP (droite et centre) et 6 PC (communistes). Comme l’a écrit Jean-Pierre Roux : «le tripartisme, c’est la stabilité, le libre contrat, une majorité confortable, des politiques de rechange négociables sans bouleversements électoraux et parlementaires». [1] Bien sûr c'était au lendemain de la guerre, mais le monde est en guerre actuellement.

Gouvernement Jospin 1997

            Bien avant le résultat des élections législatives imprévisibles de 2022, bien qu'il soit probable que le peuple ne se contredira pas et donnera une majorité à son président élu, il est important que la nouvelle gouvernance accepte de partager le pouvoir avec certains de ses opposants, dans une équipe élargie reflétant au mieux l’image de l’opinion publique. Des hommes pas forcément encartés, mais affichant des convictions différentes de celles du président, peuvent appliquer quelques bonnes idées de l’opposition. La meilleure idée serait que la nouvelle assemblée vote le changement de scrutin et soit dissoute immédiatement pour des élections plus représentatives. Ce serait la meilleure solution pour réduire l'abstention. 

          Le 5 mai 1982, Jacques Chirac avait raté le coche en n’intégrant pas tous les démocrates autour de lui, au-delà de son parti, préférant une structure clanique dans son gouvernement. Pourtant, contre Jean-Marie Le Pen (17,8%), Jacques Chirac avait recueilli 82,2% des voix au deuxième tour, rassemblant bien au-delà de son camp mais il avait alors décidé de gouverner avec ses seuls partisans. La sanction a été immédiate, une cohabitation lui a été imposée et l’Histoire a statué que le gouvernement Jospin de 1997 avait réalisé les meilleures réformes et les meilleurs performances qu’un gouvernement godillot. Macron devrait s'inspirer de cette expérience pour gagner totalement la confiance de son peuple.

 

[1] La France de la Quatrième République