ISRAËL LIBAN : IL Y A DU GAZ DANS L’EAU
OU ÇA TANGUE À LA FRONTIÈRE
Chronique d’un papy flingueur Albert NACCACHE
Des véhicules de la Finul sur la route côtière de Naqoura, au Liban-Sud. |
Le
Liban s’approche-t-il d’un accord avec Israël sur la délimitation de leur frontière
maritime ? Les nouvelles
propositions de l’émissaire américain, l'envoyé américain aux affaires
énergétiques Amos Hochstein, sur la délimitation de la frontière maritime entre
le Liban et Israël auraient été accueillies positivement par les responsables
politiques libanais afin de sauver ce qui reste des ressources de leur pays en
crise profonde. La ministre israélienne de l’Énergie, Karine el-Harrar, s’est prononcée
quant à elle pour «des solutions créatives» avec le Liban.
Vue de la plateforme de traitement du gaz Leviathan |
Examinons deux cartes pour bien comprendre la question
La zone disputée |
Sur cette carte le triangle orange indique l’étendue de la zone disputée. Entrons dans le détail des lignes :
Détail des lignes |
Ligne 1 : fixée initialement par Israël
Ligne 29 : évoquée pour la première fois en 2011 dans
un rapport de l’entreprise UK Hydrographic Office et reprise dix ans plus tard
par l’armée libanaise. Cette ligne 29 agrandit de 2.210 kilomètres carrés la
zone de litige entre Israël et le Liban entre la ligne 1 et la ligne 29,
Ligne 23 : L’adoption par le Liban de la ligne 23 a pour conséquence que la zone de litige s’étend de la ligne 1 à la ligne 23, soit une superficie de 860 kilomètres carrés. Dans ce cas de figure, le champ Karish, situé au sud de la ligne 23, n’est plus dans la zone de litige.
Ligne Hof, du nom du premier médiateur américain, Frédéric Hof, (2010 à 2012) qui
avait divisé la zone litigieuse de 860 km² entre le Liban et Israël (comprise
entre la ligne 1 et la ligne 23) en deux parties : l’une sous contrôle
libanais, d’une superficie de 490 kilomètres carrés, et la seconde d’une
superficie de 370 kilomètres carrés, sous contrôle israélien.
Les enjeux de la mission d’Amos Hochstein
L’émissaire américain chargé du dossier de la délimitation des frontières
maritimes entre le Liban et Israël, Amos Hochstein, a entamé mercredi 9 février
une nouvelle mission particulièrement difficile, «une mission de la dernière
chance, avec une proposition dans le
style take it or leave it» (c’est à prendre ou à laisser). «Ne vous concentrez pas sur ce que vous pouvez perdre
en cas de compromis, mais à ce que vous gagnerez»
Amos Hochstein, s’est rendu mercredi au Palais de Baabda avec
l’ambassadrice américaine à Beyrouth, Dorothy Shea, pour rencontrer le
président de la République, Michel Aoun, le ministre des Affaires étrangères,
Abdallah Bou Habib, et le ministre de l’Énergie, Walid Fayad.
Dorothy Shea Amos Hochstein Michel Aoun |
Un mutisme absolu accompagne les entretiens à huis clos de M. Hochstein,
qui veille à ce que leur teneur reste confidentielle et loin des médias. Cependant
coup de théâtre, dans une interview au quotidien al-Akhbar, le président
Aoun a lâché une véritable bombe en déclarant qu'il acceptait la 23ème ligne
pour entamer les négociations de démarcation et qu’il abandonnait la 29ème
ligne. Pour les commentateurs, c’est un comportement habituel du personnage qui
à plusieurs reprises, a changé complètement de position sur des sujets de haute
importance.
Cette
volte-face du président pour revenir à la ligne 23 pourrait faciliter la levée
des sanctions américaines contre son gendre, Gibran Bassil, qui est candidat à la
prochaine présidence. Il voudrait aussi que l'accord soit signé avant la fin de
son mandat et enjoliver d'un point positif son bilan catastrophique avec l'effondrement
complet du Liban.
L’émissaire américain s’est aussi réuni avec le Premier ministre, Nagib
Mikati, avec le président de la Chambre, Nabih Berry, avec le directeur général
de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, ainsi qu’avec le commandant en chef de
l’armée libanaise, le général Joseph Aoun, avec qui la réunion aurait été «fructueuse»,
pour reprendre le terme utilisé par l’ambassade américaine sur son compte
Twitter. Sans l’aide fournie par les pays occidentaux, l’armée libanaise n’a
plus les moyens de nourrir ses soldats ou d’entretenir son matériel.
Amos Hochstein général Joseph Aoun |
Le médiateur américain Amos Hochstein, lors de sa visite chez le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun.
Avec le soutien du Hezbollah ?
A la suite de l’article de Yaniv Kubovich «Nasrallah, a donné son approbation au gouvernement libanais pour poursuivre les négociations sur un accord qui pourrait atténuer la crise énergétique au Liban» [1]. Tous les journalistes qui traitent du sujet affirment que le chef du Hezbollah soutient cet accord ! [2] Mais il n’en est rien, si officiellement, le Hezbollah laisse l’État libanais gérer le dossier. «La délimitation des frontières est du ressort du gouvernement», selon Afif Naboulsi, porte-parole du parti chiite, la formation pro-iranienne utilise cette carte pour influer sur l’évolution des négociations sur le nucléaire iranien qui se déroulent actuellement à Vienne.
Nasrallah n’a pas
donné de réelle approbation à ce dossier
Dans un discours du 8 février Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, a lancé une virulente attaque contre les États-Unis, accusant
Washington de s’ingérer dans les affaires intérieures libanaises. «Les
Américains n’ont pas de bases militaires au Liban, mais ils ont des officiers
au sein de l’armée libanaise», a-t-il déclaré lors d’une intervention sur
la chaîne télévisée pro-iranienne al-Alam. «les États-Unis n’occupent
pas le Liban, mais ils y ont une influence politique, financière et militaire».
Miliciens du Hezbollah |
Ses
propos visent le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun qui est
chrétien et candidat officieux à la présidence de la République et son initiative
récente de débloquer des aides américaines à l’armée. Ainsi, les 90.000 soldats
et officiers de l’armée ont commencé à percevoir directement un versement
mensuel de 100 dollars US en espèces, puisés dans des aides américaines d’au
moins 60 millions de dollars reçus il y a plusieurs mois.
Le chef du Hezbollah a surtout affirmé que son parti «ne
se mêle pas» du tracé de ces frontières parce qu’il ne reconnaît pas
l’existence de l’État hébreu. «Le tracé des frontières maritimes relève des
prérogatives de l’État libanais», a-t-il insisté, notant que son parti «se
conforme aux décisions du gouvernement, mais en tant que citoyen j’aimerais que
la superficie (maritime, aux frontières avec Israël) contrôlée par le Liban
soit plus large». «Nous sommes contre toute normalisation, collaboration
ou coordination avec l’ennemi. Il s’agit d’ailleurs de la position officielle
du Liban», a-t-il poursuivi en soulignant qu’il reste attaché à
l’adoption de la ligne 29.
Corvette Saar-5 |
Une corvette de la marine israélienne Saar 5 protège une plateforme
d’extraction de gaz naturel au large des côtes israéliennes (photo armée
israélienne)
Ainsi,
le Liban, dont la survie économique dépend en partie des futures ressources
gazières et pétrolières dans ses eaux territoriales risque d’être le dindon de
la farce. Cependant de nombreux Libanais souhaitent un plan de paix avec le «voisin
du sud». «Nous sommes à la
croisées des chemins : Soit le Liban commence à négocier sérieusement et
clôture sa page d’animosité avec Israël pour sauver ce qui reste des ressources
du pays, soit ils passeront outre et il ne nous restera que des miettes le
moment venu». Pierre Hadjigeorgiou
[1] 17 février 2022 Haaretz
[2] :
Israelvalley, TOFI, radio J, i24NEWS
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