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samedi 26 février 2022

Israël-Liban : Il y a du gaz dans l'eau, ça tangue à la frontière par Albert NACCACHE

 


ISRAËL LIBAN : IL Y A DU GAZ DANS L’EAU OU ÇA TANGUE À LA FRONTIÈRE


Chronique d’un papy flingueur Albert NACCACHE


Des véhicules de la Finul sur la route côtière de Naqoura, au Liban-Sud.

Le Liban s’approche-t-il d’un accord avec Israël sur la délimitation de leur frontière maritime ?  Les nouvelles propositions de l’émissaire américain, l'envoyé américain aux affaires énergétiques Amos Hochstein, sur la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël auraient été accueillies positivement par les responsables politiques libanais afin de sauver ce qui reste des ressources de leur pays en crise profonde. La ministre israélienne de l’Énergie, Karine el-Harrar, s’est prononcée quant à elle pour «des solutions créatives» avec le Liban.




Vue de la plateforme de traitement du gaz Leviathan 

Examinons deux cartes pour bien comprendre la question

La zone disputée

       Sur cette carte le triangle orange indique l’étendue de la zone disputée. Entrons dans le détail des lignes :

Détail des lignes

Ligne 1 : fixée initialement par Israël

Ligne 29 : évoquée pour la première fois en 2011 dans un rapport de l’entreprise UK Hydrographic Office et reprise dix ans plus tard par l’armée libanaise. Cette ligne 29 agrandit de 2.210 kilomètres carrés la zone de litige entre Israël et le Liban entre la ligne 1 et la ligne 29,

Ligne 23 : L’adoption par le Liban de la ligne 23 a pour conséquence que la zone de litige s’étend de la ligne 1 à la ligne 23, soit une superficie de 860 kilomètres carrés. Dans ce cas de figure, le champ Karish, situé au sud de la ligne 23, n’est plus dans la zone de litige.

Ligne Hof, du nom du premier médiateur américain, Frédéric Hof, (2010 à 2012) qui avait divisé la zone litigieuse de 860 km² entre le Liban et Israël (comprise entre la ligne 1 et la ligne 23) en deux parties : l’une sous contrôle libanais, d’une superficie de 490 kilomètres carrés, et la seconde d’une superficie de 370 kilomètres carrés, sous contrôle israélien.

Les enjeux de la mission d’Amos Hochstein

L’émissaire américain chargé du dossier de la délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël, Amos Hochstein, a entamé mercredi 9 février une nouvelle mission particulièrement difficile, «une mission de la dernière chance, avec une proposition dans le style take it or leave it»  (c’est à prendre ou à laisser). «Ne vous concentrez pas sur ce que vous pouvez perdre en cas de compromis, mais à ce que vous gagnerez»

Amos Hochstein, s’est rendu mercredi au Palais de Baabda avec l’ambassadrice américaine à Beyrouth, Dorothy Shea, pour rencontrer le président de la République, Michel Aoun, le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, et le ministre de l’Énergie, Walid Fayad.

Dorothy Shea Amos Hochstein Michel Aoun

        Sur cette photo publiée par le gouvernement libanais, le président libanais Michel Aoun, à droite, rencontre l'envoyé américain aux affaires énergétiques Amos Hochstein, au centre, et l'ambassadrice américaine au Liban Dorothy Shea, à gauche, au palais présidentiel de Baabda, à l'est de Beyrouth, Liban, 9 février 2022.

Un mutisme absolu accompagne les entretiens à huis clos de M. Hochstein, qui veille à ce que leur teneur reste confidentielle et loin des médias. Cependant coup de théâtre, dans une interview au quotidien al-Akhbar, le président Aoun a lâché une véritable bombe en déclarant qu'il acceptait la 23ème ligne pour entamer les négociations de démarcation et qu’il abandonnait la 29ème ligne. Pour les commentateurs, c’est un comportement habituel du personnage qui à plusieurs reprises, a changé complètement de position sur des sujets de haute importance.

Cette volte-face du président pour revenir à la ligne 23 pourrait faciliter la levée des sanctions américaines contre son gendre, Gibran Bassil, qui est candidat à la prochaine présidence. Il voudrait aussi que l'accord soit signé avant la fin de son mandat et enjoliver d'un point positif son bilan catastrophique avec l'effondrement complet du Liban.

L’émissaire américain s’est aussi réuni avec le Premier ministre, Nagib Mikati, avec le président de la Chambre, Nabih Berry, avec le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, ainsi qu’avec le commandant en chef de l’armée libanaise, le général Joseph Aoun, avec qui la réunion aurait été «fructueuse», pour reprendre le terme utilisé par l’ambassade américaine sur son compte Twitter. Sans l’aide fournie par les pays occidentaux, l’armée libanaise n’a plus les moyens de nourrir ses soldats ou d’entretenir son matériel.

Amos Hochstein général Joseph Aoun

Le médiateur américain Amos Hochstein, lors de sa visite chez le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun

Avec le soutien du Hezbollah ?

A la suite de l’article de Yaniv Kubovich «Nasrallah, a donné son approbation au gouvernement libanais pour poursuivre les négociations sur un accord qui pourrait atténuer la crise énergétique au Liban» [1]. Tous les journalistes qui traitent du sujet affirment que le chef du Hezbollah soutient cet accord ! [2] Mais il n’en est rien, si officiellement, le Hezbollah laisse l’État libanais gérer le dossier. «La délimitation des frontières est du ressort du gouvernement», selon Afif Naboulsi, porte-parole du parti chiite, la formation pro-iranienne utilise cette carte pour influer sur l’évolution des négociations sur le nucléaire iranien qui se déroulent actuellement à Vienne. 

Nasrallah n’a pas donné de réelle approbation à ce dossier 

Dans un discours du 8 février Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a lancé une virulente attaque contre les États-Unis, accusant Washington de s’ingérer dans les affaires intérieures libanaises. «Les Américains n’ont pas de bases militaires au Liban, mais ils ont des officiers au sein de l’armée libanaise», a-t-il déclaré lors d’une intervention sur la chaîne télévisée pro-iranienne al-Alam. «les États-Unis n’occupent pas le Liban, mais ils y ont une influence politique, financière et militaire».

Miliciens du Hezbollah

Ses propos visent le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun qui est chrétien et candidat officieux à la présidence de la République et son initiative récente de débloquer des aides américaines à l’armée. Ainsi, les 90.000 soldats et officiers de l’armée ont commencé à percevoir directement un versement mensuel de 100 dollars US en espèces, puisés dans des aides américaines d’au moins 60 millions de dollars reçus il y a plusieurs mois.

Le chef du Hezbollah a surtout affirmé que son parti «ne se mêle pas» du tracé de ces frontières parce qu’il ne reconnaît pas l’existence de l’État hébreu. «Le tracé des frontières maritimes relève des prérogatives de l’État libanais», a-t-il insisté, notant que son parti «se conforme aux décisions du gouvernement, mais en tant que citoyen j’aimerais que la superficie (maritime, aux frontières avec Israël) contrôlée par le Liban soit plus large». «Nous sommes contre toute normalisation, collaboration ou coordination avec l’ennemi. Il s’agit d’ailleurs de la position officielle du Liban», a-t-il poursuivi en soulignant qu’il reste attaché à l’adoption de la ligne 29.

Corvette Saar-5

Une corvette de la marine israélienne Saar 5 protège une plateforme d’extraction de gaz naturel au large des côtes israéliennes (photo armée israélienne)

Ainsi, le Liban, dont la survie économique dépend en partie des futures ressources gazières et pétrolières dans ses eaux territoriales risque d’être le dindon de la farce. Cependant de nombreux Libanais souhaitent un plan de paix avec le «voisin du sud».  «Nous sommes à la croisées des chemins : Soit le Liban commence à négocier sérieusement et clôture sa page d’animosité avec Israël pour sauver ce qui reste des ressources du pays, soit ils passeront outre et il ne nous restera que des miettes le moment venu». Pierre Hadjigeorgiou

 

[1] 17 février 2022 Haaretz

[2]  : Israelvalley, TOFI, radio J, i24NEWS

 

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