LES DRONES DOMINENT LES OPÉRATIONS DE TSAHAL
Par
Jacques BENILLOUCHE
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L’accident entre deux
hélicoptères français, un Cougar et un Tigre, transportant 13 militaires lors
d’une opération de combat contre des djihadistes au Mali, justifie que les
drones dominent désormais les opérations aériennes israéliennes. Selon Tsahal,
80% des vols opérationnels de l’aviation sont effectués par les drones. Le
Heron-TP a effectué de nombreuses missions, d’ordinaire de la responsabilité
des avions pilotés, avec autant d’efficacité, moins de risques humains et
surtout plus d’endurance. Conçu
pour des missions tactiques et stratégiques, il peut emporter une charge de 470
kg, rester dans les airs pendant plus de 45 heures, monter à une altitude de 45.000
pieds (13.700 mètres), et parcourir jusqu'à 350 km.
Heron TP Male UAV |
Israel Aerospace Industries (IAI) a augmenté la masse
maximale au décollage de 400 kg pour permettre d'ajouter des capteurs plus
raffinés et pour augmenter le temps de vol puisqu'il peut transporter plus de
carburant. Les altitudes opérationnelles maximales autorisent de très longues
missions ininterrompues, parfois dans des conditions très complexes. Le secret
est bien gardé sur les «boites» contenues dans l’énorme compartiment
dans le fuselage.
Les drones israéliens sont déployés dans de nombreuses
missions, notamment la surveillance persistante de la Syrie où les Iraniens
modernisent les roquettes à utiliser par le Hezbollah au Liban et dans le
désert du Sinaï. De récents reportages de médias arabes, décrivant les attaques
israéliennes sur des cibles iraniennes loin d’Israël, incluaient des détails
sur des drones non identifiés. Israël n'a jamais confirmé ces attaques à longue
distance.
Le Heron-TP utilise un système de décollage et d'atterrissage
automatique, qui fonctionne également par mauvais temps. Mais si ces procédures
sont automatisées, le matériel est pris en charge par un commandant de mission
et un opérateur de charge utile qui gèrent le drone depuis un écran après le
décollage.
Salle guidage drone |
L’industrie des drones est devenue une force mondiale. Si
la Chine et les États-Unis se battent pour dominer le marché, les Israéliens
ont une longueur d’avance et surtout l’expérience militaire. Les drones sont utilisés de manière quotidienne par Tsahal, à
l'intérieur et autour de ses frontières, pour surveiller les manifestants
palestiniens à Gaza, pour espionner les positions du Hezbollah au Liban ou pour cibler les bases du djihad islamique.
La réussite des industries des drones est due à la présence
à leur tête de responsables de Tsahal et des renseignements de l’armée qui ont
créé des startups locales. C’est le cas de Ronen Nadir, commandant militaire,
qui a créé sa société BlueBird Aero Systems. Il a vendu des centaines de
drones de combat à travers le monde, en particulier le WanderB VTol qui décolle
et atterrit verticalement comme un hélicoptère, et qui possède des ailes pour
améliorer sa vitesse. Grâce à la technicité des anciens soldats, experts
sur le terrain, les cycles de
développement ont d’une part été réduits mais ont garanti à Israël d’être à la
pointe de l'industrie. Les drones peuvent
atterrir sur toutes sortes de terrain.
Ronen Nadir |
L’ancêtre du drone date de 1969 quand un avion téléguidé,
équipé d’une caméra, espionnait l’Égypte. L’amélioration technique, qui a rendu
le drone plus avancé, est liée à la guerre au Liban de 1978. C’est en 2013
qu’Israël est devenu le premier exportateur de drones au monde dans un marché
mondial qui se chiffre à 12 milliards de dollars en 2019. Cela explique en partie la
force du shekel dans le monde puisqu’Israël se place second dans ce marché.
Israël est devenu aujourd’hui une force mondiale dans
l’industrie des drones, jouant dans la cour des grands, et générant des revenus
de plusieurs milliards de dollars. Mais les sociétés israéliennes restent très
secrètes sur l’identité de leurs clients. La compagnie Israel
Aerospace Industries (IAI) a cependant révélé avoir signé un accord avec le
ministère indien de la Défense pour la vente de 50 drones aériens Heron, d'une
valeur totale de 500 millions. Les États-Unis,
pourtant alliés, voient d’un mauvais œil cette concurrence. Ils vendent plus
cher leur Global Hawk et leur Predator, en particulier sur les marchés européens.
La Chine, qui dispose de drones à moindre coût et de qualité inférieure, vend
son matériel aux pays qui n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël.
Global Hawk |
Mais les utilisateurs de drones ne sont pas uniquement
militaires. La société Gold drone est
spécialisée dans les drones qui ont révolutionné les pratiques agricoles, qu’il
s’agisse de la pulvérisation, de la récolte ou de la pollinisation.
La
France ne dispose pas de drone militaire et a refusé de se servir auprès des
Israéliens. L’utilisation de drones israéliens aurait pu permettre à 13
militaires d’échapper à la mort. Il est vrai que c'est pas de chance. En revanche, l'Allemagne a loué cinq drones Male israéliens pendant neuf ans pour plus de 1 milliard
d'euros. Une première pour l'armée allemande
qui va avoir une implantation permanente en Israël pendant la période de
leasing. Cinq drones, dont trois pouvant être armés en permanence, seront
cantonnés à la base de Tel Nof. L’armée allemande a acquis les Hérons pour ses opérations
au Mali et en Afghanistan sachant que la version allemande peut transporter des
missiles air-sol ; mais le secret est bien gardé sur la réelle utilisation
de ces drones.
Base de Tel Nof |
La
diplomatie a parfois un triste privilège car la collaboration industrielle et militaire
franco-israélienne depuis l’époque du Mirage est entrée en hibernation. Le
drame qui vient d’avoir lieu pourrait enfin placer les impératifs sécuritaires
avant les exigences diplomatiques. Il est vrai qu’un marché de 200 millions d’Arabes
est plus attractif que celui de 9 millions d'Israéliens. Mais que représentent les dollars face à la vie de la fine fleur de l'armée.
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