LA RUSSIE LORGNE L’AFRIQUE, ISRAËL OBSERVE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Al-Sissi et Poutine à Sotchi |
L’Afrique a longtemps été une chasse gardée de la France et de la Grande-Bretagne puis des États-Unis. Le désengagement des grandes puissances a poussé la Russie à reprendre pied dans un continent d’où elle était écartée. Mais la politique a peur du vide, suffisamment pour que les Russes mettent en œuvre une stratégie d’influence sur l’échiquier africain pour bousculer l’ordre établi en Afrique. Le premier sommet russe avec l’Afrique met certes en avant la coopération militaire mais il a pour but de sacraliser la Russie comme le pays qui défend la stabilité du continent, traversé par des mouvements de contestation et a surtout par le terrorisme.
Sotchi le 24 octobre 2019 |
Ce qui était d’ordinaire l’apanage
de la France, la Russie a réuni du 22 au 24 octobre 2019 une quarantaine de
chefs d’État africains dans la station balnéaire russe de Sotchi pour le premier
sommet Russie-Afrique. Sans préjuger du résultat réel de cette réunion, Vladimir
Poutine a remporté un difficile pari qui marque le retour en force de la Russie,
depuis le départ de l’Union soviétique d’un continent entièrement abandonné aux
Occidentaux puis ensuite à la Chine. La tenue de cette réunion, avec autant de
chefs d’État et de gouvernement, est en elle-même une réussite.
Vladimir Poutine s’est engagé à
doubler dans les cinq années à venir le volume des échanges commerciaux avec l’Afrique
qui ont été faibles en 2018 avec un montant de 17 milliards de dollars, bien
loin des 275 milliards de l’Europe ou des 200 milliards de la Chine. Pour cela, il
veut s’appuyer sur les anciens régimes communistes comme l’Angola et l’Éthiopie
mais aussi sur ses deux partenaires, l’Algérie et l’Égypte, qui représentent la
moitié des échanges commerciaux avec l’Afrique. Ces deux pays de la
Méditerranée permettent surtout une porte d’entrée vers l’Afrique. D’ailleurs
l’égyptien Abdel Fattah al-Sissi, président en exercice de l’Union africaine, a
coprésidé le sommet avec Vladimir Poutine. Pour le président russe, l’Afrique
s’impose comme une zone de nouveaux débouchés.
Force conjointe G5 |
Mais au sommet de Sotchi la Russie a
surtout mis en avant son expertise militaire et ses possibilités de contrats d’armement.
Certains pays comme le Mali, sont en proie à une menace terroriste que la Force
conjointe du G5 Sahel a du mal à juguler. Par ailleurs, la Russie cherche à
placer son industrie nucléaire. C’est ainsi que l’Éthiopie a signé avec Rosatom
un accord pour la création d’un réacteur expérimental pour combler son déficit
énergétique. Le Rwanda, a déjà lui aussi fait part de sa volonté d’entrer dans
la recherche nucléaire. Poutine a déjà signé des accords de prospection avec le
Soudan du Sud et la Guinée équatoriale, pour la recherche de pétrole par l’intermédiaire
des géants russes Gazprom et Rosneft.
Valery Zakharov (à gauche) |
La Russie n’hésite pas à piétiner les
plate bandes françaises puisqu’elle a renforcé sa présence en Centrafrique, pays
riche en minerais, dont le diamant, et a profité de la guerre civile qui y
sévit pour mettre la main sur l’appareil sécuritaire et sur les services de
renseignement, dirigés par Valery Zakharov, conseiller à la sécurité du
président Faustin-Archange Touadéra. Paris pour l’instant ne réagit pas, du
moins officiellement.
Au sommet de Sotchi, les chefs d’État
ont été séduits par la volonté russe de garantir la stabilité des régimes,
mêmes autoritaires. Les Africains ont été séduits par le refus de la Russie d’imposer
ses conditions à l’usage de l’armement vendu. Personne ne critiquera l'usage de canons Caesar au Yemen, de Mirage F1 au Sahel ou de missiles en Libye.
D’ailleurs, Vladimir Poutine s’est posé en rempart contre les tentatives de renversement des régimes africains : «Plusieurs pays sont confrontés aux conséquences des Printemps arabes. Résultat : toute l’Afrique du Nord est déstabilisée… Dans cette région, mais aussi dans les zones du Sahara et du Sahel, dans la région du lac Tchad, on trouve de nombreuses organisations terroristes, notamment Daech, Al-Qaïda, Boko Haram et Al-Shebab. C’est pourquoi il nous semble important d’accroître les efforts conjoints de la Russie et de l’Afrique dans le domaine de la lutte antiterroriste». Il n’est pas certain que la jeunesse africaine, éprise de changement et de valeurs démocratiques, puisse cautionner un tel conservatisme. Mais il est vrai qu’on s’éloigne du néo-colonialisme incarné par la France mais réincarné aujourd’hui par la Russie sur le plan militaire et par la Chine sur le plan économique.
D’ailleurs, Vladimir Poutine s’est posé en rempart contre les tentatives de renversement des régimes africains : «Plusieurs pays sont confrontés aux conséquences des Printemps arabes. Résultat : toute l’Afrique du Nord est déstabilisée… Dans cette région, mais aussi dans les zones du Sahara et du Sahel, dans la région du lac Tchad, on trouve de nombreuses organisations terroristes, notamment Daech, Al-Qaïda, Boko Haram et Al-Shebab. C’est pourquoi il nous semble important d’accroître les efforts conjoints de la Russie et de l’Afrique dans le domaine de la lutte antiterroriste». Il n’est pas certain que la jeunesse africaine, éprise de changement et de valeurs démocratiques, puisse cautionner un tel conservatisme. Mais il est vrai qu’on s’éloigne du néo-colonialisme incarné par la France mais réincarné aujourd’hui par la Russie sur le plan militaire et par la Chine sur le plan économique.
Rafinerie russe au Maroc |
À Sotchi, la Banque russe de
développement VEB a signé un accord avec l’entreprise maghrébine Mya Energy
pour construire une raffinerie de pétrole de 2 milliards d’euros au Maroc
avec une capacité de traitement de 200.000 barils par jour. Le Maroc deviendra
ainsi autosuffisant en énergie alors qu’il importe la plupart de ses besoins.
On comprend les raisons qui poussent Poutine à s’introduire en puissance en
Afrique. La Russie ne manque pas de matière première, mais l’Afrique dispose de
diamants, d’or et d’uranium. Grâce à son instrument militaire, doublé d’un instrument
économique, la Russie poursuit son intégration en Afrique. Les Russes avaient
véritablement décroché du continent en investissant peu.
Mais la Russie, considérée comme une
menace par l’Otan, cherche aussi à rompre son encerclement grâce à de nouvelles
opportunités en Afrique, concurrençant directement la France bien sûr mais la
Chine en particulier, un peu moins les Etats-Unis. Avec le sommet de Sotchi, la
Russie veut montrer qu’elle est redevenue une puissance d’influence mondiale.
De son côté, Israël reprend pied
progressivement en Afrique. Dans le sillage de la Guerre de Kippour en 1973 et
de la crise pétrolière mondiale qui s'ensuivit, la plupart des pays
sub-sahariens décidèrent de rompre leurs relations diplomatiques avec Israël,
pour deux raisons principales : les promesses de pétrole à bon marché et d'aide
financière, ainsi que l'alignement sur une résolution de l'OUA (Organisation de
l'unité africaine) adoptée sous l'égide de l'Égypte et appelant à la rupture
des relations avec Israël.
Depuis les années 1980, les
relations diplomatiques ont progressivement été renouées avec les pays
sub-sahariens (Cote d'Ivoire et Cameroun en 1980, Zaïre en 1982, Liberia en
1983, Togo en 1987) mouvement qui s'est accéléré avec les négociations de paix
engagées entre Israël et ses voisins arabes. À la fin des années 1990, des
relations officielles étaient rétablies avec 39 pays sub-sahariens.
Israël et les pays sub-sahariens
sont actuellement engagés dans un dialogue politique se traduisant par des
visites réciproques de chefs d'État et de ministres. Entre autres activités,
citons les relations économiques et commerciales, les contacts culturels et
universitaires, divers projets conjoints dans les domaines de l'agriculture et
de l'assistance médicale, des programmes de formation professionnelle et, en
cas de besoin, de l'aide humanitaire.
Israël suit avec intérêt le
processus d'intégration économique et politique en Afrique, et la création de
l'Union africaine. En témoignage d'amitié et de solidarité, Israël a renouvelé
son engagement à œuvrer de concert avec les nouvelles institutions et organisations
africaines, ajoutant un autre chapitre aux relations uniques en leur genre
entretenues avec ce continent. La Russie est devenu pour Israël un concurrent sérieux.
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