Israël élections avril 2019
VOTE UTILE OU VOTE
SELON SES CONVICTIONS
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Les électeurs israéliens vont
faire face à un dilemme. Ils peuvent voter selon leurs convictions et mettre un
bulletin de vote d’une «petite» liste ou bien suivre le mouvement et
voter «utile». La question est ouverte car des personnalités, qui n’ont
pas démérité et qui ont décidé de faire seules leur chemin politique, risquent
de se trouver pénalisées en étant exclues des élus. L’objectif unique est à présent d’empêcher l’une
ou l’autre des "grandes" listes d’être en tête. Et pourtant le système à la
proportionnelle a été conçu pour que toutes les sensibilités soient
représentées à la Knesset dès lors où quatre députés sont élus. Plusieurs
exemples existent de candidats qui risquent d’être éliminés sur le principe du
vote utile.
Liste Gesher |
Orly
Levy-Abecassis du parti Gesher est une forte personnalité qui se situe dans le camp de la droite sociale. Sa liste remplit tous les critères : parité homme-femme
respectée, place importante donnée aux séfarades, candidats compétents dans
leur domaine et enfin programme social développé. La Knesset perdrait beaucoup
à ne pas la voir siéger dans ses rangs.
Liste Zehut |
Moshé
Feiglin et son parti Zehut d’extrême-droite sans que cette qualification
soit péjorative mais purement géographique. Ancien du Likoud il a quitté un
parti qui n’est pas suffisamment à droite à ses yeux parce que Feiglin exige la
souveraineté juive sur toutes les parties de la Terre d'Israël ce qui implique
une annexion de la Cisjordanie. Il a placé en seconde position un transfuge du
Shass, l’orthodoxe Haïm Amsalem, qui a des idées iconoclastes en prônant qu’une
élite seulement d’étudiants talmudique ne travaille pas et que les autres fassent
l’armée et s’intègrent dans la vie civile.
Elie Yshaï |
Elie
Yshaï de Yahad, orthodoxe séfarade ancien de Shass, a subi la vindicte de
son concurrent Arie Dehry qui lui voue une haine féroce. Mais il s’est
radicalisé au fur et à mesure qu’il était rejeté par plusieurs partis.
D’autres
listes mineures se présentent à l’instar de : Betah-Social Security, Brit
Olam, Daam Workers Party, Justice for All, Ketz, Magen de l’ex-général Gal Hirsch,
Pashut Ahava, Pirate Party et Yashar Party. Certes, certaines listes sont farfelues
et feront de la figuration mais leurs voix seront perdues et ensuite réparties entre les
partis qualifiés.
Quand
on constate que des orthodoxes religieux anachroniques, parfois antisionistes,
arrivent à se faire une place à la Knesset, on ne peut que se confondre en
regrets et en tristesse quand des personnalités politiques méritantes sont exclues du système.
Pour
des raisons de panels, ces «petits» dirigeants sont ignorés des sondeurs
et même pas proposés au choix des électeurs. Ils obtiennent donc rarement de
voix et pour cause. Ils auraient pu certes s’insérer dans des listes existantes
mais ils n’étaient pas prêts à se plier à leurs exigences politiques. Ils tenaient
à faire preuve d’originalité dans leur programme et à choisir leurs partenaires
électoraux. Pour eux, être député n’est pas une finalité en soit, encore moins
une opportunité de portefeuille
ministériel. Innover et se distinguer politiquement restent leur credo.
Voter «utile», c’est voter pour une
liste parce qu’on pense qu’elle peut gagner ou bien devancer une autre liste,
sans forcément partager ses idées politiques. Cette théorie existe depuis
longtemps mais chacun a sa propre définition du vote «utile» qui fait le
bien de tous plutôt que le bien pour
vous. On pourrait presque le qualifier de vote tactique.
Pour
la première fois le vote utile débarque fort en Israël. Il s’agit soit de
consolider la position de Benjamin Netanyahou, soit de le battre. En fait le
vote utile consacre les sondages qui font ou défont les candidats. La loi des
sondages, pour ne pas dire la dictature des sondages, s’applique plus que jamais. Et pourtant on les croyait plus
discrédités que jamais tant ils se sont toujours trompés. Le sens du vote est
dénaturé. Cela conduit de fait à une
bipolarisation de la vie politique, la droite contre les autres, les partis
arabes et leurs douze députés restant à l’écart du spectre politique national
ce qui fait que la Knesset n’aligne concrètement que 108 sièges, avec une
difficulté de réunir une majorité de 61 députés.
Les partis de gauche ou l'action judiciaire contre Netanyahou |
En éliminant des candidats sérieux
inscrits dans des «petites» listes, on dénature le débat qui se rétrécit
à la notion faussée de concept politique de droite et de gauche. Le Likoud considère de
gauche, voire d’extrême-gauche ceux qui ne votent pas pour lui. Comment un
électeur censé peut-il s’y retrouver ? La campagne électorale est réduite à
sa plus simple expression.
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