Israël élections avril 2019
RÉFLEXIONS APRÈS
LES PRIMAIRES DU LIKOUD
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Quand on compare les résultats des primaires de 2019 avec ceux de 2015, on constate que les inconditionnels de Netanyahou,
comme Tsahi Hanegbi, David Bitan, Dudu Amsalem, Nurit Koren et Anat Berko ont régressé, perdent
du terrain ou sont éliminés face aux rivaux Israël Katz et Gideon Saar, qui se sont installés aux
bonnes places de la liste et qui attendent le moment propice pour devenir
calife à la place du calife. Il faut noter la bonne performance de Guilad Erdan qui se hisse à la quatrième place avant Guideon Sar, malgré les problèmes qu'a connus son ministère. En fait, Netanyahou va connaître au sein du Likoud
une sorte de cohabitation à la française avec des rivalités exprimées au grand
jour.
Israël Katz avait eu un grave
contentieux avec Netanyahou qui l’avait même humilié au point d’envisager une
démission forcée. Le secrétariat du Likoud, l’instance suprême du parti, dirigé
à l'époque par Israël Katz, avait voulu faire bouger les choses en apportant
plus de démocratie au parti. Katz, militant historique du parti et très proche
de Netanyahou, était devenu populaire parmi les militants ce qui n’était pas du
goût du premier ministre. Il montrait trop à la télévision sa volonté de
supplanter Netanyahou et était donc devenu une véritable menace politique.
Malgré les promesses du premier ministre et la victoire électorale de mars
2015, dont il fut l’un des promoteurs, on lui refusa le poste de ministre des
affaires étrangères sous prétexte qu’il était réservé aux Travaillistes. Il
resta aux transports, ce qui aggrava son amertume alors que le poste diplomatique
est encore aujourd’hui vacant. Netanyahou ne voulait pas qu’un concurrent soit
mis à la lumière et surtout qu’il prenne
un ascendant auprès des instances internationales.
Katz et Netanyahou |
Mais Katz avait conçu un plan au
sein du secrétariat du Likoud qui se retourna contre lui. Il avait voulu saper
le pouvoir de Netanyahou en modifiant les règles pour l’empêcher de nommer les
cadres du parti et de décider des budgets internes. Le vote avait été une
victoire que Katz eut le tort de claironner trop vite et trop fort car il
montrait qu’il était devenu l’homme fort du Likoud. La réaction des Netanyahou
à ce putsch fut terrible. Katz a été forcé de faire machine arrière pour ne pas
perdre son poste au gouvernement. Il fallait l'écraser ou le neutraliser, il
l'a été. Katz était trop légaliste, ou peu courageux, pour envisager un putsch
contre le chef suprême. Il avait donc décidé de rentrer dans le rang en
attendant une éventuelle décision judiciaire contre Netanyahou.
Récemment encore le ministre des
transports Israël Katz, qui ne cachait plus ses ambitions, avait annoncé à la
radio militaire le 5 avril qu’il se présentera pour le leadership de son parti
mais seulement si Benjamin Netanyahou n’était pas candidat. Il voulait ainsi prendre
date tout en poussant le premier ministre vers la sortie en cas d’inculpation.
Mais la concurrence devint rude avec le revenant, Gideon Saar, qui avait repris
du service après trente mois sabbatiques. Ce militant doué du parti avait
atteint le sommet pour ensuite décider, en septembre 2014, de se retirer parce
qu'il avait compris que la première place était prise pour longtemps encore.
Guideon et Geoula Saar |
Gideon Saar avait occupé les
postes prestigieux de ministre de l’Éducation et de l’Intérieur puis avait décidé
de mettre fin à son exil politique : «Comme vous le savez, il y a deux ans
et demi j'ai décidé de prendre une pause de la vie politique, après près de 20
années de service public. Je voulais être avec ma famille. J'ai eu une période
très agréable et calme. Ce temps est fini, et je suis venu dire que le hiatus
est terminé, je suis de retour à l'activité publique et politique dans notre
mouvement - le Likoud. Mon objectif est de renforcer le Likoud pour relever les
défis de l'avenir, de faire en sorte que le mouvement du Likoud, qui est le
premier mouvement national en Israël, dirigera le pays dans l'avenir».
Il avait choisi ce moment qui
préfigurait une vacance du pouvoir. Mais il s’était entêté à revenir à son
parti d’origine alors que des rumeurs le voyaient déjà faire cavalier avec
Moshe Yaalon, ancien ministre de la défense, avec qui il se sent proche et qui avait
décidé de créer un nouveau parti. Mais il tenait au Likoud, sa famille, et
attendait le moment propice pour porter l’estocade. L’ère du consensus au parti
était révolue. Jusqu’à présent le premier ministre surfait sur sa notoriété
politique qui faisait de lui un chef irremplaçable face à des successeurs
ternes mais le temps judiciaire risque de prendre le pas sur le temps
politique. Netanyahou avait tout fait
pour empêcher Saar de participer aux primaires, pour des motifs peu glorieux, mais le parti ne l’a pas suivi.
Liste définitive des candidats |
Un branle-bas de combat gagne
toute la droite qui songe à préparer la relève mais il faut se rendre à
l’évidence que Netanyahou n’a pas organisé sa succession. Aujourd’hui, les
rivaux se sont invités au bal pour être prêts en cas de démission forcée du
premier ministre à fortiori lorsque sa garde rapprochée a subi des coups. La
droite garde l’espoir car elle sait que la gauche est laminée avec un leader
qui était une erreur de casting et qui s’accroche à son fauteuil. Par ailleurs,
la radicalisation à l’extrême-droite de l’opinion tend à prouver que le pouvoir
ne peut pas échapper à la droite.
Alors, tout le monde veut aller
à la soupe sauf l’extrême-droite qui se neutralise en partant en ordre divisé. Mais à l’extérieur
du parti, la situation a changé. Les prétendants fourbissent leurs armes. Les
anciens chefs d’État-major ont décidé de croiser le fer au moment où Gidéon Sar
organise son retour après sa période de purgatoire imposée par Netanyahou. D’ailleurs
sa femme journaliste, Géoula Even, a
quitté son poste à la télévision pour lui prêter main forte.
Il est certain que la lassitude
gagne dans le camp de Netanyahou qui est à la tête du gouvernement depuis 2009,
après un premier mandat entre 1996 et 1999. Dix ans de pouvoir gênent les
ambitions de ceux qui trouvent le temps long. Les événements nouveaux leur donnent
une occasion à ne pas rater. La guerre des droites est déclarée. Une révolution de palais se prépare dans les antichambres.
Katz, Saar et Erdan |
Saar
a qualifié les élections primaires de grande réussite pour lui après une si
longue absence politique qui aurait pu le marginaliser : «C'est ma plus
grande réussite politique. Après des élections primaires difficiles et
stimulantes, je tiens à remercier les membres du parti Likoud de leur confiance
en moi. Après quatre ans d'absence de la politique, ils m'ont à nouveau choisi
pour la direction du Likoud (entre autres). Je vous remercie pour votre soutien
et votre amour et pour votre loyauté, car je suis resté fidèle au Likoud même
pendant ses jours difficiles». Il se
place déjà en position de leader : «Le Likoud a prouvé la force de sa
démocratie et ses membres ont démontré leur sagesse et leur responsabilité
nationales et collectives en choisissant une équipe d'élite riche en expérience
et en talent. C’est une équipe digne de diriger l’État d’Israël dans les années
à venir. Nous allons maintenant unir nos efforts et œuvrer pour la victoire du
Likoud aux élections législatives du 9 avril». Il faut cependant relativiser sa victoire car, n'étant pas arrivé en tête, il ne pourrait pas être choisi par le président pour constituer un gouvernement à la place de Netanyahou.
Israël
Katz, fidèle à son attitude prudente, voire peu courageuse, ne s’engage pas du
tout dans le combat interne : «Benjamin Netanyahou est le Premier
ministre et chef du Likoud. Il est le candidat du Likoud pour former une
coalition et nous nous embarquons ensemble pour les élections afin qu’il forme
le prochain gouvernement».
Ayoub Kara et Netanyahou |
La
liste sortie des primaires du Likoud comporte cependant plusieurs lacunes. Les
femmes y sont pratiquement absentes ainsi que les minorités après l’élimination
du ministre druze Ayoub Kara. Le parti rejoint le Liban comme l'un des plus mauvais élèves au monde sur le plan de la participation des femmes dans la vie politique. Gantz, qui a fait une courte déclaration de
candidature, peaufine son programme et choisit les membres de sa liste. Il est
fort probable qu’il tirera profit des carences de la liste Likoud. Il fera
certainement appel à la communauté druze ou arabe pour montrer qu’il est
entièrement dévoué aux minorités et à des femmes, certainement aidé en cela par
sa femme Revital ergothérapeute de
profession.
Son silence stratégique a pour but de laisser ses adversaires dans le
flou car ils ne trouvent pas encore l’angle d’attaque adéquat sauf à user de critiques personnelles stériles. Les résultats des primaires, qui entérinent la dichotomie
au sein du Likoud, ne peuvent que l’encourager dans sa voie. Ces remous au sein
du parti dominant lui permettent d'envisager, le cas échéant, de débaucher certaines
pointures rancunières s’il arrivait en tête des élections législatives. Ce serait la vengeance de ceux qui ont été
brimés pendant le règne de Netanyahou.
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