Zeev Sternhell |
Le journal Le Monde a publié,
dans son édition du 20 février, une tribune de Zeev Sternhell, l’historien
spécialiste du fascisme, sous le titre extrait du texte : «En Israël pousse un racisme proche du
nazisme à ses débuts». Le Monde a pris la précaution de préciser
à l’attention de ses lecteurs, sans doute pour ne pas être taxé d’israélophobie,
qu’une tribune sur le même thème, du même auteur avait paru dans le journal
Haaretz.
Yaïr Golan |
Zeev Sternhell, n’est pas le premier
Israélien de renom à s’inquiéter des atteintes aux valeurs démocratiques sous
les gouvernements dirigés par Benyamin Netanyahou. Le 5 mai 2016 le chef d’État-major
adjoint de Tsahal, Yair Golan avait déclaré que «la Shoah devait nous pousser à réfléchir sur la nature de l’homme,
même quand cet homme est nous-même. S’il y a quelque chose qui m’inquiète dans
les commémorations de la Shoah, c’est de voir les processus nauséabonds qui se
sont déroulés en Europe en général et plus particulièrement en Allemagne, il y
a 70, 80, 90ans, de voir des signes de cela parmi nous en cette année 2016».
Le 21 juin 2017, l’ancien premier Ministre Ehud Barak déclarait à la télévision
allemande à propos de la situation en Israël : «Ce n’est pas encore l’apartheid mais nous sommes sur une pente
dangereuse».
Zeev Sternhell veut tirer la
sonnette d’alarme mais ce n’est pas en comparant le sort des Juifs sous les nazis
avant la deuxième guerre mondiale et celui des Palestiniens en Israël
aujourd’hui, qu’il y arrivera. Comparaison n’est pas raison. Les Juifs
allemands étaient fiers d’être des citoyens allemands ; ils furent privés
de tous leurs droits civiques ; ils furent chassés de leurs emplois,
maltraités, enfermés dans des camps pour certains, obligés d’émigrer sans
trouver de pays pour les accueillir, sans soutien international. Zeev Sternhell déclare dans sa tribune : «il est possible que sans la Seconde Guerre
mondiale «le problème juif» se serait soldé par une émigration «volontaire» des
Juifs des territoires, sous contrôle allemand».
Comment peut-il supposer cela, ce
sont les Allemands qui ont déclenché la guerre ! Le nazisme, dès ses débuts et dans ses textes
fondateurs eux-mêmes, avait pour intention ultime de vider l’Allemagne de ses Juifs
en les excluant, puis en les internant, enfin en les exterminant. Je ne peux
imaginer que de telles idées aient pu germer dans l’esprit de dirigeants
israéliens même les plus extrémistes. Les Palestiniens sont soit des citoyens arabes
israéliens avec, en principe, tous les droits de leurs concitoyens juifs à l’exception
du service militaire, dont ils sont exemptés, soit les habitants de territoires
occupés avec toutes les contraintes, que cela implique, et qui n’ont que trop
duré.
L’occupation persistante des
territoires, l’impossibilité d’aboutir à un accord avec les Palestiniens qui
n’est pas du seul fait des Israéliens, même s’ils pensent, à tort, que le statu
quo leur est profitable, la tentation d’annexer une grande partie des
territoires occupés, encouragent la montée de mouvements ultra nationalistes,
ultra religieux qui considèrent que les droits de l’Homme les seuls valables
sont ceux des Juifs.
Netanyahou n’est pas un ennemi de la démocratie, mais il
est prisonnier de ses alliances avec des partis au nationalisme exacerbé qui,
comme le dit Zeev Sternhell dans sa tribune, considèrent que : «la démocratie libérale n’est rien
qu’un infantilisme, (..) qu’une victoire électorale justifie la mainmise sur
l’Etat et la vie sociale et que la force prime sur le droit des autres».
Ayelet Shaked |
C’est du fascisme, ce n’est pas du
nazisme ; Ayelet Shaked ministre de la justice et numéro deux du parti
sioniste religieux le Foyer Juif, veut faire voter une nouvelle loi qui a pour
objectif de soumettre les valeurs universelles des droits de l’homme aux
valeurs particularistes du nationalisme juif. Elle veut ainsi affaiblir la Cour
Suprême dont les décisions sont le plus souvent prises dans un sens libéral.
Adepte de l’annexion des territoires occupés, elle n’hésite pas à déclarer :
«les droits de l’Homme devront
s’incliner devant la nécessité d’assurer une majorité juive dans le territoire
israélien élargi».
Il en découle par conséquent que les
Palestiniens des territoires annexés n’auront ni nationalité israélienne ni
droit de vote. La raison en est simple, pour les plus extrémistes au sein de la
majorité au pouvoir : les Arabes ne sont pas juifs, ils n’ont donc pas le droit
de prétendre à la propriété d’une partie quelconque de la terre promise au
peuple juif. Comme le dit, dans une interview au Haaretz, citée par Zeev
Sternhell, le député Likoud Miki Zohar, «je veux le Palestinien comme résident et ceci du fait de mon honnêteté, il est
né ici, il vit ici, je ne lui dirais pas de s’en aller. Les Palestiniens souffrent d’une lacune
majeure : ils ne sont pas nés juifs».
Israël s’enorgueillit encore et à juste titre, d’être la seule démocratie de la région, mais si la citoyenneté devait être définie par la religion, il deviendrait un pays d’apartheid. Pour conclure, je dirai que si cette tribune de Zeev Sternhell peut servir en Israël d’argumentaire pour les partisans de deux États séparés, en France elle ne peut, pour des lecteurs mal intentionnés ou peu avertis, qu’alimenter l’hostilité envers Israël et les Juifs.
3 commentaires:
Certaines personnes clairvoyantes sont boufinalement aveuglées par les projecteurs puissants qu'elles utilisent pour voir la réalité, et la loupe qu'ils utilisent finit par déformer leur objet d'étude en monstres.
Ceci dit, ce qui est triste, c'est qu'en réalité, personne ici ne sait jusqu'où iront précisément ces "jusqu’au-boutistes" prêts à tous les coups bas pour faire avancer leur programme.
Nous espérons qu'il existe des garde-fou, mais dans notre cas, serait-il question de gardes fous?
Et si, pendant qu'on amuse la galerie, en comparant les Israéliens juifs, tantôt aux fascistes, tantôt aux racistes - et pourquoi pas ? allons-y, même aux nazis - on occultait le vrai problème crucial des Israéliens juifs ?
Car il est à craindre que le vrai problème que les Israéliens juifs auront à affronter - et celui-ci n'aura rien d'un fantasme - ne soit un problème identitaire.
En effet, à cause du grave problème démographique qu'ils subissent et dont on ne voit pas comment ils vont pouvoir y remédier, ils sont appelés à être minoritaires dans leur propre pays.
Pour certains juifs, le juif ideal n'aurait rien de juif, ni terre, ni religion, ni existence. Les juifs sont a nouveau agresses publiquement, refoules des universités malgré leur contribution, des quartiers ou les nouvelles generations ont grandi, d'une protection discutable par les sociétés, considérés comme des pleurnicheurs. Israel doit continuer a exister,avec des menaces intérieures par les divisions et extérieures par des fanatiques sanguinaires. Un peintre recule pour évaluer l'image qu'il a crée au lieu de coller son nez.
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