LE ROI DE JORDANIE PREND DU GALON FACE À L’ISLAMISME
Par Jacques BENILLOUCHE
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La mort du roi d’Arabie place la Jordanie en première ligne face à l’extrémisme islamique. Le roi Abdallah de Jordanie devient l’héritier de droit pour prendre la relève du roi défunt comme fer de lance du monde arabe sunnite mais avec la différence qu’il pourrait favoriser l’émergence d’un islam moins radical et plus moderne. Il reprend le flambeau, jusqu’alors dévolu au roi d’Arabie, pour unir la famille sunnite. Il a décidé de se rapprocher du président égyptien Al-Sissi pour organiser une réunion internationale des dirigeants musulmans au Caire. Il a choisi le lieu le plus symbolique du sunnisme, l’université al-Azhar, pour jeter les bases d’un islam modernisé.
Combat contre Daesh
Il
s’agit pour lui de corriger l’impression néfaste qu’il a donnée en s’alliant
aux Américains dans le combat contre Daesh, constitué de djihadistes sunnites,
alors que la population jordanienne est à 90% sunnite : «Nous ne
comprenons pas pourquoi le roi a rejoint l'alliance contre les sunnites de la
Syrie et contribue à soutenir Bachar al-Assad, qui a beaucoup plus de sang sur
les mains». Il avait été fortement critiqué lorsqu’il avait pris la tête de
la marche à Paris, en solidarité avec les massacres de Charlie Hebdo et de
l’Hyper cacher de Vincennes. D’ailleurs, les Jordaniens ne l’avaient pas suivi dans
sa démarche puisque des manifestations ont eu lieu dans son pays contre les
caricatures de Mahomet.
Manifestation en Jordanie |
Une grande partie de la
population de Jordanie aurait souhaité que soit suivi l’exemple du roi Hussein,
issu d’une dynastie hachémite descendant du prophète, qui avait intégré les islamistes dans son
gouvernement. Le roi Hussein avait jugé
utile de neutraliser les Frères musulmans en 1950, en s’alliant avec eux pour protéger son royaume contre les
nationalistes arabes, à l’époque guidés par Nasser. C’est pourquoi, les
islamistes ont forgé l’Histoire politique jordanienne. Ils ont obtenu un
triomphe électoral en 1989 avec à la clef l’attribution de cinq ministères.
En
fait, le roi Hussein jugeait les Palestiniens du Fatah trop dangereux au point de les expulser en 1971 et de
combler leur vide politique par des militants islamistes du Hamas. Mais s’il avait gardé avec le Hamas des liens
privilégiés, malgré ses bonnes relations avec Israël, il n’acceptait pas la
contestation qui l’a conduit à fermer leur bureau d’Amman en 1999 après les
avoir expulsés.
Solidarité
avec l’Occident
Le roi Abdallah a rejoint la
coalition américaine contre les djihadistes mais, en solidarité avec l’Égypte, il n'a pas admis la contestation des Frères musulmans malgré une longue période d’indulgence vis-à-vis d'eux. Il a ainsi
emprisonné plus de 30 d'entre eux et arrêté en décembre 2014 Zaki Bani Rushaid,
l’adjoint politique du mouvement en Jordanie, qui avait accusé les Emirats
arabes unis de parrainer le terrorisme. Cette arrestation était considérée comme
un avertissement de la part de la monarchie.
Les derniers événements lui
confèrent une puissance qu’il n’avait pas eue jusqu’à présent car le roi
d’Arabie, son aîné, lui faisait de l’ombre. Il veut à présent s’opposer à la
guerre civile qui oppose les extrémistes et les modérés car pour lui il faut «prendre
une position claire et sans ambiguïté par rapport à la modération et
l'extrémisme». Très conscient de la situation, le roi de Jordanie pense que
«la guerre contre le terrorisme ne durera pas un ou deux ans, c'est une
guerre longue de plusieurs années. Si la guerre militaire peut être courte, la
guerre sur le plan de la sécurité et de l'idéologie va prendre du temps,
peut-être 10 à 15 ans. De par sa position géographique la Jordanie ne protège
pas uniquement les musulmans face à ce danger, mais aussi les Chrétiens ; car
ce qu'ils subissent en Syrie et en Irak est une catastrophe».
Une
menace prévisible
Le roi Abdallah faisait partie
des pays arabes sunnites qui n’avaient pas cessé de mettre en garde
l’Administration américaine sur un «risque chiite» pour la région. Le
Caire avait été effrayé à l’idée que la chute attendue du sunnite Saddam
Hussein, considéré comme l’ultime rempart arabe contre l’ennemi héréditaire
chiite, ne galvanise précisément les ambitions des chiites arabes. L’Histoire a
montré que les Égyptiens ne s’étaient pas trompés. Le roi de Jordanie avait
surpris alors le monde arabe en lançant un avertissement le 8 décembre 2004
face à l’émergence d’un «croissant chiite», allant de l’Iran au Liban, en
passant par l’Irak. Il estimait que «l’Iran a tout intérêt à voir
s’instaurer une République islamique en Irak, pro-iranienne.». Il avait
attiré l’attention des pays arabes sur le financement par l’Iran de nombreuses activités caritatives en Irak
pour s’y implanter durablement et sur l’encouragement donné à plus d’un million
d’Iraniens à traverser la frontière irakienne. Il craignait les conséquences d’un
déséquilibre entre chiites et sunnites qui se traduirait par des problèmes
au-delà du seul Irak.
Le souverain hachémite avait
pris le risque de dire tout haut à Washington, ce que nombre de dirigeants arabes pensaient
tout bas jusque-là, mais il n’a pas été écouté par les Américains. Il n’avait
d’ailleurs pas hésité à récidiver le 22 mars 2005 en lançant une attaque en
règle contre la Syrie et l’Iran, les accusant d’être la principale menace à la
stabilité de la région. Il avait prévenu que la Syrie, l’Iran et le Hezbollah «encouragent
les attaques terroristes contre Israël afin de divertir l’attention du monde
des événements au Liban». Pour Abdallah de Jordanie, le Hezbollah libanais
constituait en quelque sorte le «versant occidental de ce croissant chiite».
Les Occidentaux sont accusés
d’avoir laissé le Hezbollah séduire les Libanais en permettant au chef du
Hezbollah, Hassan Nasrallah, de faire figure de nouveau «héros arabe»,
seul capable d’affronter Israël et les États-Unis. Le souverain jordanien
traduit les craintes d’un revirement soupçonné de l’Administration américaine
en faveur d’un chiisme arabe, entraînant la déstabilisation des régimes
sunnites, ceux du Golfe en particulier. Il s’était déjà inquiété de l’accord de
défense signé le 15 juin 2006 avec la Syrie permettant à l’Iran d’envisager une continuité
territoriale le long d’un arc stratégique incluant, à terme, l’Irak.
Depuis la
fin des hostilités ouvertes entre le Hezbollah et Israël à la mi-août 2006,
circulait d’ailleurs la rumeur d’une alliance régionale secrète contre l’Iran
comprenant Israël, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et l’Égypte. Il s’agissait d’une
alliance régionale du renseignement explicitement destinée à contrer l’Iran, à
la fois dans sa course à l’armement nucléaire et dans sa tentative supposée de
créer un «croissant chiite» de Téhéran à Beyrouth.
L’Arabie saoudite avait eu un rôle décisif dans la mise en œuvre de cet
arc sunnite pour contrer les ambitions iraniennes. Il incombe à présent au roi
de Jordanie de lutter contre l’islam radical et ses dérives chiites.
1 commentaire:
Qu'un jour on dise c'est fini
Au petit roi de Jordanie
Il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Ne m'en veuillez pas, cher monsieur Benillouche, d'avoir cité Brassens. Dieu sait pourquoi, je n'ai pu y résister.
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