VAINCU À GAZA, LE
HAMAS CRIE VICTOIRE AU CAIRE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
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Délégation palestinienne au Caire |
On pourra débattre à longueur d’articles du
résultat réel de l’opération bordure de protection de l’armée israélienne à
Gaza. Mais les faits sont là. 2.000 morts arabes sans que l’on sache la
proportion de combattants ni le nombre exact de victimes civiles. En face, les
Israéliens ont eu à déplorer la perte de 64 officiers et soldats ainsi que la
destruction négligeable de quelques bâtiments civils. Malgré cette victoire,
Israël risque de se trouver face à des problèmes diplomatiques parce que
l’Occident veut ignorer que des terroristes sont prêts à mettre leur région à
feu et à sang pour imposer leur idéologie à un peuple qui paie les dérives
politiques et militaires de ses chefs.
Deux enseignements
Merkava |
Sur
le plan militaire, Tsahal a tiré deux enseignements qu’il devra affiner lorsque
les canons se seront réellement tus. Le système de défense anti missile Dôme de fer a prouvé sa fiabilité à
90% puisque la population civile
israélienne a bénéficié d’une protection à toute épreuve. Les ingénieurs
militaires vont à présent décortiquer les dernières failles de son
fonctionnement pour améliorer ses performances. Par ailleurs et contrairement à
la guerre du Liban de 2006, les tanks Merkava n’ont pas été touchés par les
missiles anti tanks grâce aux modifications techniques et au système Trophy qui les rendent pratiquement
invulnérables. Le Merkava est doté d'un blindage espacé, d'un système
anti-incendie tandis qu’à la différence des autres chars de sa génération, le
moteur est placé à l'avant, offrant à la fois une protection supplémentaire de
face et la possibilité d'évacuer le char par l'arrière. Mais son originalité
tient à son équipement exclusif en système Trophy,
sous forme de cloche virtuelle, une zone électronique hémisphérique autour du
véhicule qui neutralise les tirs de
roquettes et de missiles.
Si
l’aviation a jusqu’à présent «cassé des
pierres» à Gaza, l’arsenal militaire du Hamas a subi des dégâts
irréversibles avec l’éradication des 2/3 des missiles et la quasi destruction
de la majorité des tunnels qui constituaient la stratégie principale de l’aile
militaire du Hamas. Les Iraniens qui ont offert les conseillers techniques et
les moyens financiers pour construire les tunnels n’ont pas apprécié qu’ils aient
été exploités par le Hamas avant l’heure. Ils avaient été planifiés pour être
utilisés sur ordre de l’Iran, soit en cas d’attaque israélienne contre les
mollahs, soit en cas de bombardements iraniens sur Israël. Les combattants par
centaines avaient pour rôle de lancer des attaques simultanées et ciblées
contre les bases militaires israéliennes et sur les civils. L’ordre d’attaque
et d’utilisation devait exclusivement venir de l’Iran. C’est d’ailleurs le cas
des tunnels construits au Liban par le Hezbollah.
En anticipant la découverte
des tunnels avant l’heure, Tsahal a pratiquement désarmé les terroristes et a doublé
sa victoire psychologique en démontrant que le Hamas n’était pas en mesure de
protéger sa population civile tandis que les brigades armées avaient trouvé
refuge dans les blockhaus. Au cours des combats, les dirigeants du Hamas ont
mesuré leur isolement car ils n’ont pu compter sur aucun soutien. L’Égypte
était bien heureuse de voir les alliés des Frères musulmans décliner tandis que
le Hezbollah et l’Iran n’ont pas levé le petit doigt pour desserrer l’étau
militaire sur Gaza. Les Palestiniens de Cisjordanie, quant à eux, se sont
retranchés dans une neutralité intéressée.
Vainqueur politique
Le
Hamas, qui s’est présenté au Caire en vaincu, a cependant réussi à parader en vainqueur
politique. Mais il n’a fait qu’illusion face à l’Égypte qui a refusé toutes ses
doléances et même imposé une négociation qu’après que les armes se soient tues.
Le chef du bureau politique Khaled Mechaal et Ismaël Haniyeh, qui ne détient
théoriquement aucun poste politique officiel à Gaza, ont reçu l’interdiction
d’entrer en Égypte. Les seconds couteaux du Hamas ont été envoyés pour participer
aux réunions, en restant encadrés par l’Autorité palestinienne qui devenait le
représentant officiel. Le maréchal Al-Sissi a par ailleurs tenu bon en refusant
la table des négociations à deux alliés du Hamas, le Qatar et la Turquie, alors
que les Américains avaient suggéré de les recevoir pour faire avancer les
négociations. Ce refus a démontré la baisse de l’influence politique de Barack
Obama dans ce conflit.
Dahlan |
Le
cessez-le-feu a encore été rompu, le 19 août, par le Hamas qui pense ainsi
faire pression sur les politiques pour imposer ses exigences et son programme. Il semble que l’aile militaire ait pris le
dessus sur les dirigeants politiques qui auraient montré leurs limites.
L’Autorité palestinienne, avec l’aide de l’Égypte, ne semble pas vouloir envisager
une action violente pour déloger les islamistes de Gaza. La volonté politique manque
pour ne pas déplaire à certains pays arabes. Les Égyptiens ont beaucoup insisté
pour donner carte blanche à leur protégé, Mohamed Dahlan, qui n’attend que cela
pour redevenir l’homme fort de Gaza. En absence d’action militaire, il faut se
rendre à l’évidence que le Hamas restera profondément enraciné à Gaza. Il
continuera à imposer une chape de plomb qui interdit toute velléité de
contestation à une opposition timorée, sous peine d’être accusée de «collaborateur des sionistes» avec à la
clef une exécution sommaire.
Cibler Deif
Mais il
est indéniable que le Hamas a acquis ses galons de négociateur au Caire, au
même rang politique que les Israéliens. Les dernières découvertes des services
de sécurité intérieure israélienne prouvent aussi la présence du Hamas en
Cisjordanie où ses cellules dormantes n’attendent que le grand jour pour y
prendre le pouvoir. Le gouvernement israélien a été tolérant vis-à-vis des
dirigeants du Hamas dont il connait le lieu où ils se cachent. Il résiste aux
demandes de l’armée souhaitant leur élimination parce qu’il est convaincu que l’ennemi
numéro un, Mohamed Deif, tire les ficelles. Il est seul à décider de la
stratégie militaire du Hamas et de la reprise des tirs de missiles.
Seul l'immeuble de DEIF a été ciblé |
Mais il n’est pas facile
à atteindre puisqu’il a survécu à quatre tentatives d’élimination. Il a été grièvement
blessé lors de l’attaque de son véhicule par un missile israélien. Depuis il
vit sous terre comme son ami Nasrallah du Hezbollah mais Israël reconnait en
lui un adversaire puissant et surtout un génie militaire. Les Israéliens le
rendent responsables de toutes les attaques sanglantes menées à travers les
tunnels. Il est seul à décider de la guerre et de la reprise des tirs. Pour se
protéger il n’apparait jamais devant ses troupes et encore moins au grand jour.
Des informations concordantes font de lui un borgne qui se déplace en fauteuil
roulant.
Emad Akel |
Les Israéliens confirment
qu’il joue un rôle essentiel dans la guerre actuelle car il est à l’origine du concept
des tunnels. On ignore peu de choses de son parcours sinon qu’il a la
cinquantaine, qu’il est né dans le camp de réfugiés de Khan Younès, et qu’il a
obtenu un diplôme en sciences de l'Université islamique de Gaza, où il a étudié
la physique, la chimie et la biologie. Il s’était déjà distingué en animant le
comité des étudiants de l’université. Il avait rejoint le Hamas lors de la
première intifada de 1987 pour laquelle il a été emprisonné en Israël en 1989
pendant plus d’un an. Il a succédé à Emad Akel, son prédécesseur à la tête de la
branche armée qui avait a été abattu par les troupes israéliennes en 1993. Il a
appris de l’ingénieur Ayyash, éliminé par Israël en 1996, les principes de la fabrication
de bombes et de pièges d’explosifs.
C'est une aide urgente humanitaire du Qatar pour chaque personne de Gaza ayant eu sa maison détruite |
Deif est l’homme le plus
recherché par Israël depuis des décennies parce qu’il est responsable de la
mort de dizaines de civils dans des attentats-suicides. Les Israéliens ne
mésestiment pas leur adversaire qui cependant n’a aucune ambition politique,
préférant concentrer ses efforts sur les questions militaires. Mais en tant que
chef militaire des brigades Ezzedine Al-Qassam du Hamas, son avis prime sur
tous les dirigeants politiques et il disposerait même d’un droit de veto qui en
fait un dirigeant incontournable et qui le place au-dessus de Khaled Mechaal.
En étant l’instigateur de
l’intransigeance palestinienne dans les négociations du Caire, il pourrait
pousser Israël à «terminer le travail à
Gaza» en éliminant les principaux dirigeants réfugiés sous l’hôpital Shifa,
une décision que seul le gouvernement peut autoriser. C’est ainsi que la maison
de trois étages de Mohamed Deif a été visée le 19 aout par cinq missiles qui l’ont
raté encore en tuant sa femme et l’un de ses enfants. Un contrat a été mis sur la
tête du chef de la branche militaire du Hamas, l’ennemi numéro 1.
2 commentaires:
Bof...on a l'habitude... quel autre pays au monde on donne le nom d'une défaite à un grand pont? L'Egypte...le pont de la guerre d'octobre! Si on écoute les médias arabes, les pays arabes n'ont jamais perdu une seule guerre
C'est dans la mentalité arabe face aux infidèles que d'utiliser le Verbe pour masquer une pitoyable réalité. Le pire c'est qu'ils croient à leurs mensonges ce qui les empêche d'évoluer faute d'oser une sérieuse remise en cause. Trés bon article.
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