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jeudi 16 janvier 2014

BIENHEUREUX LES FRANÇAIS



BIENHEUREUX LES FRANÇAIS

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

                 
          
          La situation économique en France n’arrive pas à décoller. Le chômage connait des sommets historiques : 10,5% contre 6,9% en Israël. La dette nationale explose avec 93,4% du PIB contre 73,4% en Israël. Les impôts augmentent. L’armée française est appelée sur plusieurs fronts à l’étranger, en Afrique notamment, entrainant parfois la mort de jeunes soldats. Mais ces sujets sérieux ne passionnent pas les Français. Dans le flot des mauvaises nouvelles, toute la presse, les radios et les télévisions préfèrent débattre sur deux sujets secondaires qui ont l’avantage de se situer aux antipodes de la politique : Dieudonné et Gayet.



Dieudonné et Gayet


            Dieudonné a fait toutes les unes des médias qui sont tombés dans le piège parce qu'ils n'ont pas vu que c’était son but recherché. La publicité, en bien ou en mal, sert toujours les artistes en baisse de notoriété. Il ne faisait rire que les débiles, les incultes, les revanchards et les marginaux. Il ne méritait pas qu’on le sorte du trou à rat où il était tombé parce que son humour relevait de l'antisémitisme plutôt que du jeu de mots. Alors, tant bien que mal, il s'est tourné vers un public puisé parmi les adhérents du Front national, parmi les maghrébins, parmi les partisans des Palestiniens et parmi les Noirs qui n’ont pas compris qu’ils étaient eux aussi visés. 
          Seuls le mépris et le silence pouvaient pouvaient être la bonne stratégie car ils représentent la pire punition que peut subir un soi-disant artiste, un soi-disant comique. Alors à présent il faut le zapper pour ne plus en parler, pour l’ignorer et pour l'effacer de notre souvenir.

            Le deuxième sujet qui a passionné les Français concerne la prétendue idylle entre le président Hollande et l’actrice Julie Gayet comme si c’était la première fois qu’un homme politique français fait jaser pour ses prouesses sexuelles. L’Histoire est pleine de ces présidents qui ont trouvé des bras accueillants pour se désintoxiquer de la politique et pour atténuer le poids de la charge suprême. On peut même dire que cela représente un sport d’envergure pour les locataires de l’Élysée. 


Séducteurs


Maréchal Pétain


Le général de Gaulle et le maréchal Pétain ont tous deux été d'irrésistibles séducteurs. En 1912, le futur maréchal a enlevé la femme d’un peintre, Eugénie Dehérain dite Ninie, avec laquelle il vivra longtemps en concubinage avant d’en faire son épouse en 1920. Cette situation ne l’empêcha pas de continuer à cultiver un grand éclectisme dans ses succès féminins. Selon le journaliste Michel Tauriac : «Ils seront abondants jusque tard dans sa vie, avec des aléas proportionnels à leur quantité. Ainsi lui arrive-t-il de sortir du quartier Schramm à Arras, en civil et, à toute allure, à bicyclette afin de ne pas être intercepté par quelque dame qui l’attend à la grille. Il a coutume d’habiter place de la Croix-Rouge, à l’hôtel de l’Univers, le meilleur de la ville, où souvent une femme guette sa venue».

De Gaulle à Saint-Cyr en 1912

Sans pour autant être des obsédés sexuels, les hommes de pouvoir ont du succès auprès des femmes comme d’autres l’ont avec l’uniforme et cela remonte aux sources du temps et de la politique. L'historien Suétone avait raconté par le menu les galipettes de César et de ses innombrables maîtresses. Depuis des siècles l’Histoire est pleine de récits et de témoignages sur nos dirigeants incapables de freiner leur pulsion sexuelle. Les révolutionnaires de 1789 n’ont pas suivi à la lettre la vertu prônée par l’incorruptible Robespierre et ont inscrit les relations féminines dans leur programme révolutionnaire. On se souvient aussi de la mort du président Félix Faure dans les bras de sa maîtresse en 1899 à l'Elysée. Enfin l'affaire des «ballets roses» avait mis fin prématurément à la carrière du président de l'Assemblée nationale, André Le Troquer.
André le Troquer

Les rois et les présidents ont su se servir de leur toute-puissance pour charmer la gent féminine. Le premier président de la république, Napoléon III, avait utilisé sa position pour séduire Madame Gordon et Miss Howard qui avaient financé ses coups d’Etat ratés et il ne s’était pas privé des plaisirs fournis par les services de ses nombreuses courtisanes. Il avait entretenu une relation très enflammée avec la Comtesse de Castiglione, Virginia Oldoïni, l’une des plus belles femmes de l’époque, qui avait accepté de devenir sa maitresse, attirée par le plaisir du pouvoir et dans un but de manipulation politique liée à l'unification de l'Italie.
Contessa di Castiglione



Le «bordel» de l’Élysée



La presse s’est lâchée sur les frasques de François Hollande comme s’il s’agissait d’une exception. De tous temps, les artistes et les comédiennes ont été attirées par les tenants du pouvoir.  Les trois présidents de la République qui l’ont précédé ont eu aussi leur vie personnelle et leurs secrets d’alcôve. Si Pompidou et de Gaulle n’ont pas fait parler d’eux dans ce que certains ont qualifié de «bordel de l'Elysée», Giscard et Chirac ont eu une belle collection de conquêtes. Quant à Mitterrand, il les avait surpassés.

Sous la Ve République, les relations extraconjugales des présidents constituaient un mode de vie courant, pour ne pas dire une règle tant ils étaient isolés dans leur château. La seule exception concerna Georges Pompidou qui avait été accusé à tort en 1968, dans l'affaire Markovic, d’avoir participé à des soirées échangistes. 
En revanche  Valéry Giscard d'Estaing s’est toujours vanté de son pouvoir de séduction. Dans l’un de ses livres, il décrit en style imagé les ardeurs d’une de ses conquêtes : «Nathalie, la belle et superbe Nathalie, y mettait la même ardeur et y ajoutait à certains moments, un mystérieux besoin de soumission. Sa peau est tiède, sous la laine, et extraordinairement douce, presque fragile. Nathalie réagit par un frémissement défensif à l'envahissement de mes lèvres». Il ira même jusqu’à prétendre une liaison avec Lady Diana qui ne semblait rien lui refuser. En 1974, il avait occasionné un accident de voiture, au petit matin près de l’Élysée, alors qu’il revenait aux bras d'une actrice célèbre. Enfin des indiscrétions avaient révélé sa relation avec la photographe Marie-Laure de Decker.

La relation de François Mitterrand avec Anne Pingeot a été cachée pendant tout son mandat ainsi que l’existence de sa fille. Mais malgré cette relation permanente et malgré sa femme officielle, il a cumulé les liaisons avec les journalistes et plusieurs artistes attirées par sa culture et son pouvoir. Il n’a jamais caché qu’il avait été très bon ami avec Dalida et qu’ils étaient devenus amants quelques mois avant l’élection de 1981. Sa relation avec la journaliste suédoise Christina Forsne avait été révélée au grand jour. Mais Mitterrand s’était surpassé puisqu’il avait osé prévoir ses funérailles, avec les deux familles, la légitime et l'autre, autour du cercueil. Comme sous l'Ancien Régime, quand les rois partaient en guerre avec la reine et les favorites, en exhibant leur adultère. Mais officialiser une favorite, on n'avait pas vu ça depuis le second empire.
Christina Forsne

Cependant dans les faits et en raison de son physique de play-boy, le véritable Casanova de l'Élysée fut Jacques Chirac dont la réputation de séducteur n’est plus à faire. Sa femme Bernadette avait dit qu’avec lui «les femmes, ça galopait». Son ex-chauffeur, qui l'avait accompagné auprès de nombreuses députées, conseillères et autres politiciennes, s’était libéré de son devoir de réserve en déclarant que l'affaire était toujours pliée en «5 minutes douche comprise». Sa liaison la plus durable fut avec une journaliste de l’AFP et une ancienne ministre de la santé. 
Jacques Chirac

Même Sarkozy ne démérita pas dans ce domaine en acceptant en particulier une liaison avec une journaliste du Figaro.

En fait comme disait Henry Kissinger le conseiller du président Nixon : «Le pouvoir est l'aphrodisiaque suprême». Pas étonnant donc que les frasques des hommes politiques aient souvent passionné les Français mais elles  n'ont eu aucune incidence sur la gestion de l'Etat. De ce point de vue, François Hollande ne déroge pas à la règle mais il vit dans les temps de l'Internet qui a poussé les journalistes à rompre le principe de la vie privée jusqu'alors respectée. Mais il est avant tout un homme qui, en étant élu, n'a pas fait voeu de chasteté ce qui lui donne le droit de vivre ses passions avec intensité pour nous prouver qu'il n'est pas un robot inhumain.
Il n'a pas choisi de s'afficher sur la place publique et sa mésaventure n'est due qu'à l'indiscrétion d'un photographe qui n'a pas respecté les règles déontologiques, jusqu'alors en vigueur, consistant à respecter la vie privée. Il est a craindre que nous ayons dorénavant à assister à l'étalage public de la vie des hommes politiques au détriment de la vraie politique. Ce sera la course à l'image, au faux-pas et au scandale.
Cependant, dans cette stratégie de l'information poubelle, les médias deviennent responsables quand ils détournent l'attention des Français sur les graves problèmes qui touchent le pays. Avec leurs questions de quenelles et de sexe, les médias laissent croire que les Français sont un peuple de bienheureux qui nagent dans le bonheur.  

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…


Cher monsieur Benillouche,

On sent que vous vous êtes beaucoup amusé en écrivant cet article fort distrayant.
Cependant une question me taraude : comment les belles âmes qui nous gouvernent expliqueront aux "débiles, incultes, revanchards et marginaux" qui ont vu un tribunal les priver de leur idole au motif de dérapages antisémites, qu'un autre tribunal ordonne l'euthanasie d'un jeune paraplégique, contre l'avis de ses parents, sans doute au motif qu'"une telle vie ne mérite pas la protection pénale" ainsi que l'écrivaient Binding et Hoche dans un texte célèbre de 1922, qui a largement inspiré Hitler pour sa "solution finale".

Très cordialement.