APRÈS LES
PALESTINIENS, LES ARMÉNIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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La Syrie inquiète ses minorités au
point de les voir fuir le pays après des dizaines d’années ou des siècles de
séjour. Comme les palestiniens, les arméniens sont sous la pression des clans
qui se battent en Syrie. Il existe d’ailleurs une communauté de destin et de
malheur entre le peuple juif et le peuple arménien. Ils ont souffert dans leur
chair le drame des minorités persécutées et celui d’un génocide que certains nient
encore. Parce que ces minorités n’avaient pas de patrie, elles
ont subi l’horreur dans toute sa définition.
Minorité
protégée
Les arméniens sont restés neutres
dans la crise du régime de Damas mais, comme les autres chrétiens, ils étaient
protégés par les dirigeants de Syrie. La famille Assad, issue de la minorité chiite
alaouite, s’est appuyée sur les minorités pour gouverner. Mais les arméniens
redoutent aujourd’hui de devoir subir le
sort des chrétiens d’Irak, qui ont fui massivement le pays après la chute du
régime de Saddam Hussein.
Alep à feu et à sang |
Ils sont soumis à une pression
croissante qui ne peut plus leur permettre la neutralité. Les jeunes sont
inquiets de la conscription dans une armée syrienne qui tire sur la population.
Ils craignent d’être les boucs émissaires, en
cas de victoire des rebelles majoritairement musulmans sunnites, qui leur
feront payer leur allégeance au régime Assad.
Les persécutions endurées par les
arméniens ne semblent pas émouvoir le premier ministre turc, Recep Tayyip
Erdogan qui, après ses fantaisies de rejoindre l’axe du mal personnifié par
l’Iran et la Syrie, a menacé d’expulser les arméniens de son pays parce qu’il
n’était pas d’accord avec la sémantique qualifiant le crime abominable turc. Le
message a été entendu et les arméniens de Syrie n’ont pas choisi de traverser
la frontière turque.
Influence
des parrains
Avec
la révolution en Syrie, les lignes ont bougé et les régimes ont subi
l’influence imposée par leurs parrains. Les russes ont choisi de soutenir les
arméniens tandis que les américains soutiennent la Turquie car ils ont leur
regard fixé sur les ressources en gaz et en pétrole de la région. Mais la
Turquie a décidé de geler les échanges avec l’Arménie et de fermer sa frontière
parce qu’Erevan exige la reconnaissance officielle du génocide arménien de 1915.
Les troubles de Syrie ont poussé les
turcs à refuser, par une rancune tenace, l’entrée en Turquie des arméniens qui sont
contraints de fuir en masse par autocars vers Erevan, la capitale d’Arménie. Par
milliers, ils fuient le chaos et les massacres dans un pays qui les a vus
naitre. L’Arménie se trouve donc confrontée à un afflux de réfugiés qu’elle a
décidé d’intégrer malgré le «besoin d’aide de l’État, d’assistance sur les
questions économiques, sociales et financières, et des questions d’organisation
liées à la citoyenneté».
Leur intégration reste très
difficile car ils parlent un dialecte anachronique qui rend impossible la recherche
de travail. Les réfugiés ne parlent pas la langue d’un pays dans lequel ils ne
sont pas nés et se sentent étrangers
dans ce qui devrait être leur patrie. La plupart des arméniens ont quitté en
catastrophe la Syrie en abandonnant leurs biens.
Fuite
nécessaire
Le départ des arméniens, qui ont toujours été
bien traités, a été rendu nécessaire car, en Syrie, les autorités arméniennes
sont dans le collimateur. La pression à la fois des islamistes et de
l’opposition syrienne éloigne toute possibilité d’avenir dans un pays qu’ils
ont rejoint au lendemain du génocide de leur peuple. Un joaillier arménien a
été tué à Damas dans des circonstances non encore élucidées. Alors les
fréquences de la compagnie aérienne nationale de l’Arménie, Armavia, ont été
augmentées pour faire face à la demande.
Mais les problèmes ont contaminé le
Liban au point que les autorités d’Arménie ont été poussés à prendre des
mesures qui s’apparente à la «Loi du retour» israélienne. Les syriens et libanais
d’origine arménienne peuvent obtenir la nationalité arménienne sur simple
demande dans les représentations diplomatiques arméniennes à Beyrouth, Damas et
Alep afin de faciliter leur rapatriement.
Arrivée de syriens à Erevan |
Selon les services d’immigration à
Erevan, 6.000 Arméniens de Syrie ont demandé la citoyenneté arménienne depuis mars
2011, date de la révolution. 80.000 arméniens vivent en Syrie, notamment à
Alep, Damas et Kamichli. La plus importante communauté du Moyen-Orient, 140.000,
est installée au Liban. Bien que les jeunes de Syrie se sentent étrangers en
Arménie, ils préfèrent garantir leur sécurité en obtenant un passeport arménien
pour jouir de la double nationalité.
Intégration
difficile
Mais une grande déception attend les
réfugiés syriens car ils constatent qu’il est difficile de vivre et de travailler
dans leur pays ancestral. Des hommes d’affaires arméniens avaient fait le choix
de déménager leur entreprise en Arménie mais ils ont vite déchanté. Ils ont été
effrayés par les lois et l’iniquité qui y règnent. Les impôts sont très élevés
par rapport à la Syrie et les pots de vin sont monnaie courante. Ils ne
retrouvent pas l’atmosphère des affaires qu'ils ont connue en Syrie.
Mais ils risquent de ne pas avoir le
choix tant l'avenir en Syrie devient précaire pour eux. La situation à Alep
où vit la majorité des arméniens devient intenable car la ville est sous un feu
constant qui ne permet pas aux habitants de sortir de leurs habitations.
Cependant l’État et les organismes
publics arméniens font tout pour résoudre les problèmes d’intégration et d’emploi
des réfugiés qui représentent une manne exceptionnelle pour le pays qui les
encourage à investir dans la patrie historique. Le président
d’Arménie, Serge Sarkissian a lancé un
appel pressant aux arméniens de la diaspora pour qu’ils prennent la citoyenneté
arménienne et investissent dans l’économie du pays, ce qui contribuera à
accroître «la force et la prospérité de la patrie».
Une page est en train de se tourner pour
les arméniens de Syrie et pour tous les chrétiens du Moyen-Orient qui sont condamnés à priver
les pays arabes de leur présence.
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