LE HAMAS DÉSESPÈRE SA JEUNESSE À GAZA
Par Jacques BENILLOUCHE
Forces de sécurité du Hamas |
L’exaspération a atteint son paroxysme et elle donne du courage à des jeunes qui mettent leur vie en danger pour avoir affiché ouvertement leur opposition aux islamistes : « Nous vivons dans la peur. Ici, à Gaza, nous avons peur d’être incarcérés, interrogés, battus, torturés, bombardés, tués ».
La charia en application stricte
La mainmise des islamistes devient contraignante. Une femme qui se promenait avec son ami sur une plage de Gaza a échappé à une tentative d’arrestation par les milices car son comportement a été jugé choquant et indécent.
Une caméra tenue par des journalistes français avait déjà réussi à se montrer indiscrète, il y a quelques mois, en filmant le quotidien de la bande de Gaza dans un reportage intitulé : « Plus de son, plus d’images ». Pas de commentaires inutiles sur des scènes qui parlaient d’elles-mêmes. Des regards qui trahissaient la peur de parler. Des témoins qui osaient se montrer. Des militants barbus qui se justifiaient. Un micro qui insistait. Un journaliste qui apportait un éclairage étonnant sur la conception de la liberté telle qu’elle est appliquée au « Hamas land ». Bien que très révélateur, ce reportage a manifestement eu peu d’écho auprès des médias occidentaux, certainement par lassitude à diffuser des informations redondantes qui n’ajoutent rien au débat. Les organisations internationales, d’habitude promptes à réagir à la moindre atteinte aux droits de l’homme, n’ont pas estimé utile de commenter ces images, laissant la chape de silence s’abattre sur un territoire voué à l’ombre.
Les témoins ne s’attardaient pas sur les « exactions » commises par les israéliens mais sur les souffrances infligées par les dirigeants de Gaza à leur peuple et volontairement tues. La caméra de télévision démontrait comment l’intolérance et le fanatisme ont enchainé dans le désespoir une partie du peuple palestinien jadis considéré comme le plus évolué et le plus démocratique parmi les pays arabes.
Les régimes dictatoriaux ont la propension à s’attaquer aux racines de ce qu’ils considèrent comme le mal, les jeunes contestataires. Gaza s’est alors inspiré des méthodes de Téhéran. Les groupes de rap sont définitivement interdits de concert parce qu’ils ne véhiculent pas les préceptes édictées par le Coran. Les scènes, qui voyaient les adolescents se défouler au son d’une musique « barbare » occidentale tout en scandant pourtant des paroles nationalistes s’en prenant à « l’occupant israélien», sont remisées dans les souvenirs. Les jeunes, ne trouvant plus les moyens de s’exprimer, finissent par tromper leur oisiveté dans les arrières salles des cafés où ils chantent leurs textes en acceptant les risques encourus. Ils n’ont plus le droit de se produire en public et la sanction tombe immédiatement s’ils poussent les gamines, jadis en jeans, à s’écarter du droit chemin défini par les islamistes. La tristesse des regards trahissait l’émotion de ceux qui égrenaient les souvenirs des jours heureux.
La peur et la terreur
Ces jeunes, qui ont perdu jusqu’au goût de vivre, osaient se plaindre devant la caméra et avouaient considérer le Hamas comme le nouvel ennemi de l’intérieur : « c’était notre vie et quand on parle ils nous condamnent. Ils disent du mal de nous mais ils ont un cœur de pierre et leur mode de pensée est archaïque ». Il ne restait plus qu’à jouer avec leur vie à défaut de jouer avec les mots et les notes : « la peur et la terreur sont partout ». Ismaël Radwane, porte-parole du Hamas, s’efforçait de justifier une pression qui mène au mal-être des jeunes de Gaza : « nous sommes modérés et nous respectons les libertés mais nous voulons préserver la culture palestinienne et nous voulons que nos jeunes soient de bons patriotes. C’est pourquoi on les guide sur ce qui est conforme ou non à la religion ». Et tandis qu’il s’imagine convaincant, les jeunes filles, qui se trémoussaient quelques mois auparavant dans les salles de concert, se plaignent qu’à présent elles doivent revêtir le voile et s’éloigner des garçons. L’influence du grand frère iranien est tenace.
Les boutiques vendant des cassettes, des vidéos et des CD-Rom sont régulièrement saccagées par des pseudos talibans dont les chefs justifiaient ouvertement, devant la caméra, le bien fondé de leurs actes. Les commerçants n’ont plus d’autre choix que de se payer l’assistance de gardes armés de Kalachnikov pour protéger leurs biens en permettant ainsi aux milices privées de prospérer dans l’anarchie. La libanisation des années 1970 est en cours. Enfin les cybercafés subissent le même vandalisme car internet, le « diable » occidental, représente une ouverture vers les puissances du mal. La liberté de penser est étroitement surveillée tandis que les milices islamiques s’acharnent à interdire ces lieux qui permettaient autrefois aux jeunes de se rencontrer par écran interposé afin de trouver l’âme sœur puisque les rencontres mixtes sont rigoureusement interdites sur la place publique. Les jeunes s’enfoncent alors dans le désespoir et n’ont plus que le choix du célibat, du renoncement, de l’extrémisme ou, cas plus révoltant, de l’action kamikaze.
La répression s’abat systématiquement en empruntant les chemins iraniens. Ainsi les dirigeants du Hamas viennent de décider de réintroduire une loi datant de l'époque de l'occupation égyptienne qui permet de condamner à mort les dealers. Le procureur général du Hamas, Mohamed Abed, a annoncé que « Le gouvernement a approuvé cette décision qui annule la loi israélienne ». On risque ainsi de voir le spectacle de corps pendus en pleine ville.
Étouffer le cerveau
Toutes les dictatures assimilent la culture à leur ennemi primordial. Elles cherchent donc à limiter la réflexion et le développement des loisirs afin de rendre le cerveau imperméable aux idées modernes. Les jeunes, les amoureux de la musique et les adeptes d’internet regrettent ouvertement leur mauvais bulletin de vote inséré dans l’urne et ils prennent aujourd’hui le courage de l’exprimer. Les libraires ont reçu la mission de n’exposer que les exemplaires du Coran ou les recueils de discours des dirigeants du Hamas. Quant aux salles de cinéma, elles sont encouragées à choisir uniquement parmi les productions iraniennes. Le voile pour les femmes est devenu une obligation dans la rue alors que cette tenue n’entrait pas dans la tradition palestinienne telle qu’elle s’affiche actuellement à Ramallah.
L’asphyxie culturelle d’une population vivant sous la contrainte est en marche tandis qu’on brise les velléités et qu’on enchaine les pensées. Les islamistes s’attaquent d’abord à la culture pour ensuite bafouer les Droits de l’Homme. Le silence des pays bien pensants permet au Hamas de « couper le son et l’image » dans une région soumise dorénavant à l’arbitraire des intégristes de Gaza.
La situation dramatique qui perdure dans la bande de Gaza explique ainsi le cri angoissé du collectif de jeunes artistes de Gaza : « Nous en avons assez de la douleur, des larmes, de la souffrance, des contrôles, des limites, des justifications injustifiées, de la terreur, de la torture, des fausses excuses, des bombes, des nuits sans sommeil, des civils tués aveuglément, des souvenirs amers, d’un avenir bouché, d’un présent désespérant, des politiques insensées, des politiciens fanatiques, du baratin religieux, de l’emprisonnement. Nous disons : ASSEZ ! » Mais Gaza n’a pas de pétrole !
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