ISRAËL, LEADER DE
L’ALLIANCE MILITAIRE ISRAÉLO-ARABE
Par Jacques BENILLOUCHE
Tout est
parti de la déclaration de la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jen-Pierre, le 7 juillet
2022, précisant que les responsables américains envisageaient la possibilité de
relier les capacités de défense aérienne arabes et israéliennes dans la région «pour
faire face à la menace iranienne croissante». Bien sûr les Iraniens ont peu
apprécié ce projet. Dans une déclaration le 9 juillet, Nasser Kanani,
porte-parole iranien du Ministère des affaires étrangères, «trouvait l’idée
provocatrice et la considérait comme une menace pour sa sécurité nationale et
régionale. L’entrée d'étrangers dans la région est en soi la principale cause
de tension».
Ali Akbar Velayati et Khamenei |
Ali Akbar Velayati,
conseiller du Guide suprême, et ancien ministre des Affaires étrangères de 1981
à 1997, estime que «l'alliance militaire régionale envisagée est une idée
inappropriée et ceux qui y sont impliqués nuiront à la région. Cette alliance
proposée est calquée sur l’OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), complexe
militaire notoire responsable de nombreux événements destructeurs à travers le
monde». Il a par ailleurs condamné les volontés militaires de la Jordanie
et des Émirats.
En fait, Nour News,
le média du Conseil suprême de sécurité nationale, a prédit le 10 juillet que «si une menace est perçue, la réponse décisive de l'Iran sera dirigée vers les
cibles les plus proches et les plus accessibles». Il visait ainsi le Kurdistan irakien voisin
et les Émirats arabes unis. Il est un fait que durant ces dernières années,
l’Iran ne s’est pas privé d’y organiser diverses opérations qui lui ont été
imputées.
L’IRGC, le Corps
des gardiens de la révolution, s’est montré peu inquiet par cette éventuelle
alliance régionale. L’adjoint aux affaires politiques Yadollah Javani, a
estimé le 11 juillet «qu'une OTAN arabe
serait une coalition faible et inefficace contre l'Iran et le Front de la
résistance (les alliés de l’Iran)».
Réunion Charm el Sheikh mars 2022 |
Si le problème des missiles iraniens avait déjà inquiété ces pays, le programme de drones iraniens devenait plus préoccupant et
cela d’autant plus que le Guide suprême Khamenei avait précisé que ce projet
n’était pas négociable. Israël avait déjà soulevé la question des armes
fournies au Hezbollah du Liban, au Djihad islamique de Gaza et aux Houthis du
Yémen. L’Arabie et les Émirats ont déjà subi le tir de drones et de missiles
tirés par les Houthis. L’ambassade des États-Unis en Irak a aussi été la cible
d’attaques de groupes armés soutenus par l’Iran.
Les États-Unis, qui veulent ménager l’Iran, insistent pour préciser qu’il s’agit
d’une alliance défensive mais le fait que le maitre d’œuvre serait Israël reste
une préoccupation pour l’Iran. Les mollahs ne craignent rien de cette alliance
mais ils perdraient une partie de leurs capacités de nuisance dans la région. Ils pourraient
alors transférer certaines de leurs technologies à des alliés régionaux à des
fins d’incitation supplémentaire. Ils pourraient surtout développer leur
collaboration militaire avec la Russie pour obtenir d’eux un moyen de percer le
bouclier anti-drone israélien.
D’ailleurs les
Israéliens se demandent si les Américains ne les entrainent pas vers une impasse politique dans leurs seuls intérêts ; la question sur leur
stratégie face à l’intervention russe en Ukraine est en cause. Le conflit ne concernait pas Israël, un conflit localisé entre deux «frères»
d’armes. Poussé par les Etats-Unis, Israël avait tout à perdre en prenant une position dans le conflit
russo-ukrainien. Il n’est ni le gendarme et ni même le juge de paix de la
région. Son ingérence et surtout sa condamnation de «l’opération militaire»
ne pouvaient qu’envenimer ses rapports avec les Russes et leur enlever toute
opportunité d’arbitrage. Certes, l’intervention russe en Ukraine était d’une
violence injustifiable mais le seul rôle d’Israël était d’aider le belligérant
le plus faible sur le plan humain d’abord et sur le plan défensif ensuite.
Israël avait de
bonnes relations avec Poutine mais en condamnant l’agression alors que d’autres
pays occidentaux avaient été plus modérés, voire neutres, Israël a gâché un
pacte de non-agression tacite en Syrie qui lui permettait d’agir à sa guise
contre les convois iraniens à destination du Hezbollah. La décision de bloquer l'émigration de Juifs russes vers Israël est dramatique. Par ailleurs des
sanctions économiques avaient déjà été prises contre la Russie avec des
résultats très mitigés parce que la Russie a de bons alliés qui veulent tout
ignorer de la politique. La Chine, l’Inde et l’Iran ont profité de ces
sanctions pour consolider leurs positions dans la région face à la dépendance
énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie. Devenir le chef de file d’une alliance avec
les Arabes est certes gratifiant, à condition qu’il permette à Israël d’être
libre d’agir selon ses intérêts sécuritaires.
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