VLADIMIR POUTINE A EU TOUT FAUX
Par Jacques BENILLOUCHE
De jeunes habitants de la ville venus s’enrôler dans le cadre de la mobilisation civile à Kiev |
Poutine
a toujours gouverné avec l’ambiguïté et la surprise mais, cette fois, aucune
des deux n’a fonctionné. On a découvert une Russie plus faible qu’elle n’en
donnait l’impression et un Poutine dictateur qui avait donné l’impression
jusqu’ici d’être un libéral. De pragmatique il est devenu criminel de guerre
alors que du temps de Bush, il avait exprimé sa volonté de rejoindre l’Otan.
Mais depuis son discours de 2007 à la Conférence de Munich sur la sécurité, un
manifeste considéré comme le plus dur depuis l'ère de la guerre froide, il
s’est transformé en nationaliste intransigeant, voire sanguinaire. Personne
n’avait prêté une oreille attentive à ses avertissements et à ses prophéties
sur l'expansion de l'OTAN, sur le monde unipolaire, sur les problèmes de
désarmement, sur l'érosion de l'OSCE en tant qu'institution, sur le problème
nucléaire iranien et sur la sécurité énergétique de l'Europe.
Résistance de civils |
Non
seulement il n’a pas défié ses oligarques mais il est devenu l’un d’entre eux
en ne touchant pas à leurs biens tant qu’il était bien arrosé. Rien ne le
distingue d’un Milosevic ou d’un Karadzic aux mains tâchées de sang. En deux jours il a gâché toutes les avancées qu’il
avait obtenues en deux décennies et cela sans être ému par l'effusion de sang
ou la souffrance humaine.
L’armée
russe a du mal à avancer,
par manque de carburant et face à la résistance des populations. Pourtant elle
a été reconstruite et modernisée depuis
2008. Les lacunes constatées dans la première phase de son opération ont surpris
les observateurs. Alors dans la difficulté non planifiée, elle a choisi la
solution extrême en bombardant avec des armes thermo bariques déjà utilisées à Grozny
en 1994 et en 2000. Comme son nom l’indique, ce type d’arme réunit deux
objectifs : la chaleur et la pression (thermos et baros). Ainsi, au moment où
le missile approche de son objectif, il diffuse autour de lui du combustible,
lequel va alors s’enflammer à des températures largement supérieures à un
explosif conventionnel. Voilà pour la chaleur. Ce faisant, l’arme crée alors un
effet de surpression, qui va conduire à une explosion beaucoup plus
dévastatrice que pour une arme traditionnelle, grâce à une onde de choc se
propageant largement. Et pour justifier l’horreur, Poutine ose traiter de nazis
les Ukrainiens qui défendent leur peau. Il réédite en fait son exploit laissé sans
suite en Syrie, à Alep ou à Idlib mais avec une différence notable, l’Ukraine est au cœur
de l’Europe.
Poutine
n’avait aucun obstacle devant lui puisque 5.000 à 8.000 civils ont été
assassinés dans la bataille de Grozny sans que le monde bouge. Il veut
aujourd’hui rééditer son lâche exploit en Ukraine en utilisant la même
technique de 1999 : après avoir recouvert Grozny de Grads BM-21, de Scuds,
de bombes à fragmentation et de bombes thermo bariques, ses troupes sont entrées
dans la ville avec des petits commandos entraînés à la guerre urbaine. Les
journalistes étaient absents à l’époque mais Poutine ne peut se croire aujourd’hui
dans une terre lointaine du Caucase alors que l’Ukraine est entourée de voisins
bien armés. Il n’a pas anticipé les réactions de l’Europe, certes molles et non
agressives pour l’instant, mais le réveil européen risque d’être brutal avec
l’envoi en Ukraine d’autre chose que des pansements et des seringues.
L'Europe envoie des armes en Ukraine |
Si
Poutine poursuit son objectif de détruire complètement l’Ukraine et
d’assassiner ses dirigeants, alors, sans être pessimiste, il existe un risque
avéré que les forces de l’Otan soient contraintes d’affronter au combat les
troupes Russes qui dépassent la limite tolérable. Poutine ne peut
pas compter sur la Chine qui l’avait d’ailleurs ignoré dans son combat contre
l’Afghanistan et qui avait refusé de cueillir dans son escarcelle un pays
libéré par le départ des Américains. La Chine s’est souvent montrée
égoïste pour sa tranquilité ; elle avait promis aux talibans à peine 31 millions de dollars en
nourriture, médicaments et vaccins Covid-19 mais aucune intervention militaire.
La
puissance eurasienne n’est encore qu’un rêve inachevé. Les Chinois sont des
commerçants qui ne pratiquent pas de politique de destruction à l’étranger et qui
n’ont pas approuvé la transformation des villes ukrainiennes en ruines parce que cela atteint leur économie. La Chine n'est pas encore prête à une rupture
totale avec les États-Unis ; c’est pourquoi elle a offert sa médiation pour négocier
une trêve.
Armée allemande |
Poutine avait certainement pensé que les Allemands, pacifistes,
allaient garder un profil bas parce qu’ils ont un besoin pressant de gaz et de
pétrole. Erreur, puisqu’ils sont entrés dans le conflit et ont même été plus
loin en abandonnant leur lointaine décision prise au lendemain de la guerre de rester
neutres. Ils sont prêts à envisager d’utiliser leur armée pour le combat.
L’Allemagne est une grande puissance à laquelle Poutine comptait pour raisons
politiques et surtout économiques mais à présent toute la frontière occidentale
de la Russie vient de fermer.
La théorie selon laquelle Poutine
veut recréer l’Union soviétique ne tient pas. Il n'a tout simplement pas les
ressources dont disposait Khrouchtchev lorsque les chars sont entrés pour
écraser la Hongrie en 1956 ou que Brejnev lorsqu’il a occupé la Tchécoslovaquie
en 1968. Les moyens économiques de la Russie se sont
effondrés parce qu’ils n’étaient pas diversifiés, totalement axés sur le gaz. Elle n’est qu’au 49ème rang pour le
revenu et le pouvoir d’achat. Sans la vente de ses combustibles, elle retombera
en dessous du niveau de la Turquie. Déjà le désinvestissement massif a lieu et, si la trêve
n’est pas engagée, alors la Russie n’existera plus sur le plan économique avec
des risques évidents de soulèvement intérieur et pourquoi de coup d’État.
Poutine a eu tout faux lorsqu’il croyait prendre Kiev en
quelques jours. Il réussira bien sûr à prendre la Capitale mais à quel prix
humain et économique. Un signe qui ne trompe pas, les Russes des enclaves
d’Ukraine n’ont pas manifesté une joie immense à l’entrée des chars russes.
Certains ont même participé à la fabrication des cocktails Molotov pour briser
la lente marche des chars russes. Les prisonniers expliquent qu’ils n’ont pas
de logistique pour le carburant et surtout pour la nourriture. Le moral est très
bas. Le plan militaire de Poutine s’est effondré en quelques jours et cette
défaite l’a poussé aux extrêmes en proférant la menace nucléaire à laquelle il
faut croire : «Les citoyens de
l'UE et les structures impliquées dans la fourniture d'armes létales, de
carburant et de lubrifiants aux forces armées ukrainiennes seront responsables
de toutes les conséquences de telles actions dans le cadre de l'opération
militaire spéciale en cours. Ils ne peuvent pas ne pas comprendre le degré de
danger de la conséquence». Si à priori on
peut exclure une confrontation nucléaire, tout est possible parce que l’Ukraine
est hors de contrôle.
Les Russes vont progressivement réagir assez négativement et cela affectera leur politique. C'est une erreur tragique car personne ne menaçait personne. Maintenant, Poutine a appuyé sur la gâchette. Mais il a tout faux. Sans gloire, il détruira et réduira en cendres l’Ukraine mais il ne parviendra pas à dompter les Ukrainiens. Il éliminera les dirigeants actuels mais il ne les mettra pas à genoux. Il a recréé l’unité de l’Europe au prix de la ruine économique de la Russie et de son isolement politique. Il affectera toutes les nations bien au-delà des frontières immédiates de la Russie et elles ne lui pardonneront pas. Triste victoire. Triste Russie. Malheur au vainqueur sans gloire.
5 commentaires:
Jacques, j'ai cru lire une analyse sur la situation de l'Union Sovietiqque quand les nazis procederent a l'operation Barbarossa. Si les Ukrainiens sont des durs a cuire particulierement en face de populations desarmees, les Russes n'utilisent encore qu'une toute petite partie de l'armee russe. Le seul espoir europeen repose sur le fait que Poutine n'est pas Staline.
Cher monsieur Benillouche,
C’est entendu, Poutine est très méchant !
Mais il me semble que le président Zemlinsky a lancé un « appel aux Juifs du monde entier », pourriez-vous nous dire - au moment où les Allemands « sont prêts à envisager d’utiliser leur armée pour le combat » - quelle réponse l’État d’Israël entend donner à cet appel ? D’avance merci !
Très cordialement
Chère Marianne,
Israël a des liens privilégiés avec la Russie et l'Ukraine et il a donc choisi la neutralité pour éviter d'envenimer la situation à sa frontière nord, en Syrie, et de ne plus avoir la liberté de circulation de ses avions dans l'espace syrien.
Eh bien, monsieur Benillouche, le croiriez-vous ? Cette neutralité choisie par l’État d’Israël, c’est exactement la position que défend Marine Le Pen pour la France, dans le cadre de sa campagne pour l’élection présidentielle !
Israël n’aime pas la Russie, n’admire pas Poutine, ne déteste pas les États-Unis d’Amérique avec lesquels il partage énormément de valeurs.
Israël est directement menacé à sa frontière Nord par la Russie et l’Iran, deux pays présents militairement en Syrie. Il existe une alliance stratégique entre l’Iran et la Russie, et entre la Syrie et la Russie.
La seule différence entre la Russie et l’Iran vu d’Israël ? L’Iran a juré la destruction d’Israël, pas la Russie. Donc pour l’instant, Israël essaie de ne pas envenimer les choses avec la Russie, pour éviter d’avoir deux ennemis implacables à sa frontière Nord.
La France a-t-elle une frontière avec la Russie ? Non. La France est-elle opposée à la Russie ? Oui, comme elle doit s’opposer aux régimes tyranniques, aux dictateurs paranoïaques et sanguinaires, qui souhaitent comme Poutine la réduction de sa puissance économique, militaire, culturelle, politique.
J’encourage les lecteurs à prendre connaissance des écrits et du blog de Nicolas Tenzer.
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