ONU |
Evolution de l'homme |
Jonathan ne pouvait qu’encaisser, lui aussi horrifié, ce monologue impitoyable que la prof était venue déverser auprès de lui, sous le trop plein des émotions. La visibilité du partage des sentiments poussa la prof, raide sur son fauteuil, ignorant le café posé devant elle, à développer sa démonstration. Ça reprit très dur. L’homme n’est pas fini. Les hommes encore moins que les femmes, d’ailleurs. Conséquence de la maternité, de l’instinct maternel, des leçons tirées d’un abaissement millénaire, de l’ouverture offerte par l’éducation, par la révolution numérique, l’émancipation de la femme contemporaine est, elle, plutôt signe d’une poursuite de l’évolution.
Les tyrans sont des hommes. Les guerres sont d’abord celles des
hommes. Jean-Jacques Rousseau a fait erreur. L’homme fait terreur. Sous le
vernis d’humanité dont les civilisations ont badigeonné les humains, la
sauvagerie de l’homme bouillonne toujours. Sans parler de l’insondable Shoah,
hors de toute humanité, les massacres de Syrie, les guerres tellement permanentes
qu’elles deviennent ignorées, Soudan, Yémen, Érythrée…., le gangstérisme, les
trafics de drogue, tout est sous nos yeux. Qui ne veulent pas voir. La soudaine
horreur en Ukraine réveille d’un assoupissement si agréable. Comme toujours, un
seul homme ! Qui, par un mystère éternel, soumet par cercles
concentriques, son environnement proche, puis un parti, puis une nation, à sa
seule loi personnelle. Le dictateur Poutine a déjà appuyé sur le bouton rouge. Rouge
du sang de la population ukrainienne. Sous l’effet d’une mécanique de guerre
automatiquement aveugle comme impitoyable. Une mécanique d’homme et de
machines. L’évolution humaine marche à reculons.
Guernica |
Et ça continua. La société, elle non plus, n’est pas finie. L’industrie
de l’armement, qui nourrit si bien la folie des hommes, prospère
formidablement, allègrement. L’investissement mondial en recherche s’applique
probablement majoritairement à une très spectaculaire sophistication des armes
de toute nature. Plus qu’à tout autre domaine, médical, biologique justement, climatique…
L’équilibre du monde tient à l’équilibre de la terreur et non au règne de la
raison. Le code est celui de la puissance. Les grandes puissances agrègent les
petites dans un jeu d’affrontement, de compétition plus ou moins régulée. Le
génie des hommes, appliqué aux bonds technologiques, ouvre la voie au pire des
humains. Les réseaux dits sociaux libèrent la lie de la société, l’imbécillité,
la haine, l’envie, le faux. Les médias inondent d’images les peuples du monde,
les transformant en spectateurs anesthésiés d’une réalité devenue virtuelle. Et
ces omnipotents organismes internationaux ne sont que des temples de la parole.
Qui dissertent, impuissants parmi les puissants, devant toutes les guerres, l’écrasement
de villes, de population.
Zelinski |
Jonathan profita d’une reprise de souffle de l’implacable procureure, pour intercaler un vent d’un peu d’optimisme dans cette avalanche désespérée. Oui, le spectacle de cet insoutenable anachronisme, l’abomination de la guerre dans une Europe persuadée d’être entrée dans une ère pérenne de paix, la transparence d’un monde démocratique désarmé, la résurgence du défi nucléaire, oui le désespoir se comprend. Mais il reste des lueurs. À commencer par la bravoure exemplaire d’un peuple debout. Par la révélation de la dimension hors du commun d’un président courage. Par une mobilisation de masses humaines en soutien des Ukrainiens. Par l’accélération instantanée d’une communauté européenne. Par la mise en œuvre aussi immédiate d’une combinaison de moyens renforcés de rétorsion de la dictature. Eh oui, les hommes, malgré tout, grandissent. L’espérance de vie augmente, la faim dans le monde recule. On crée de nouveaux vaccins en un an et non plus en cinq. Les femmes deviennent le vrai futur de l’homme. Eh oui, la société avance. Cahin-caha, mais avance. La découverte de l’espace s’amplifie. Imparfaite mais réelle, la lutte contre le désastre climatique, pour la défense de l’écologie, prend du muscle. L’Afrique s’éveille….
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