ANOMALIES POLITIQUES EN ISRAËL, PEU DE
FEMMES ET BEAUCOUP DE PARTIS
Par Jacques BENILLOUCHE
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A
une ou deux exceptions près, les dirigeants politiques ont toujours considéré
que les femmes israéliennes n’avaient pas vocation à participer à la vie politique
du pays. Pas de surprise chez les deux partis religieux orthodoxes, séfarade
ou ashkénaze, qui ont banni les femmes de leurs listes, beaucoup par suite d'une mauvaise
interprétation des textes que par idéologie. Quelques partis intègrent des femmes alibis sans cependant leur donner des postes de responsabilité. La
parité est donc une notion superflue dans le plus grand pays du hightech. Certes les
listes électorales ne sont pas totalement établies mais généralement les candidats
précédents sont reconduits à l’identique, à quelques epsilons près. Les femmes
ont pourtant montré leur efficacité dans la gestion de la pandémie mais le
machisme règne en Israël. Cette absence de femmes doublée de la multiplication
des partis pourrait pousser les électeurs à l’abstention.
Nous
sommes loin des élections de 2013 lorsque Shelly Yachimovich dirigeait le Parti
travailliste, Tsipi Livni était à la tête d’Hatnuah et Zehava Gal-On conduisait
Meretz. Mais elles faisaient tellement d’ombre qu’elles ont été renvoyées dans
leurs cuisines. Même les partis nouveaux, malgré leur trop plein, n’ont pas
songé à vaincre le machisme. Chaque jour, de nouveaux partis émergent
des divisions internes mais iles restent toujours sous la conduite d’hommes. On se demande
si les dirigeants politiques sont conscients de la situation politique sur le
terrain. Par ailleurs, la multiplication des partis, au centre et à gauche, laisse perplexe car
on ne vise pas l’efficacité tandis que la droite se maintient à un haut niveau
dans les sondages. Ces nouveaux partis ne se justifient que par l’ego des
meneurs qui ne se préoccupent pas de passer le seuil fatidique des 3,25% des voix.
Or
il n’y a point de salut sans un regroupement des forces centristes et de gauche
pour espérer compter renverser le paysage politique. Aux élections du 2 mars 2020,
seul le dynamisme de l’union a porté le parti Kahol-Lavan à trois sièges du
parti dominant, le Likoud. Aujourd’hui, il manque effectivement un leader fédérateur
charismatique qui pourrait changer la donne.
Les leaders politiques tous masculins |
Dans
l’immédiat ont décidé de concourir Kahol Lavan de Benny Gantz, Yesh Atid de
Yaïr Lapid, Telem de Moshé Yaalon, Tnufa de Ofer Shelah et NEP de Yaron Zelekha
sans compter les Travaillistes et Meretz. Leurs idées sont voisines quand ils
les expriment, mais ils tiennent à figurer en tête de liste, pour l’honneur et pour la frime, même si leur bataille politique est contre productrice. En Israël, il
manque le génie d’un François Mitterrand qui avait réussi à regrouper tous les
opposants à la droite dans un parti social-démocrate regroupant le Parti
socialiste (PS), le Mouvement des radicaux de gauche (MRG) et le Parti
communiste français (PCF). Cette structure a tenu, de 1972 à 1977, sur la base
du Programme commun de gouvernement et a permis de gagner les élections
présidentielles et législatives en 1981.
Leaders programme commun |
Les
leçons sont toujours tirées des échecs et Benny Gantz a compris tardivement
qu’il s’était fait avoir par manque d’expérience et par discipline frisant la
naïveté. Aujourd’hui il prône un rassemblement sans exiger le leadership, avec
pour seule finalité la mise en minorité de Benjamin Netanyahou qui caracole en
tête des sondages. Par analogie, il voudrait être le centriste français
Jean Lecanuet qui avait contribué en 1965 à la mise en ballottage du Grand
général de Gaulle qu’on considérait inamovible.
Aujourd’hui,
dans l’état actuel des forces dispersées, il n’y aura point de salut pour
l’opposition au Likoud sans un rassemblement. Netanyahou a un genou à terre mais il pourrait
bénéficier d’un réveil de la population lassée par la querelle des chefs
centristes dont la seule motivation est la prise du pouvoir même si aucun
programme ambitieux nouveau n’est proposé pour les quatre années à venir. On ne
parle plus de politique mais d’hommes et de portefeuilles ; on ne vise
plus l’intérêt national mais la réussite d’un clan.
Opposition centriste |
Yaalon,
Shelah et Lapid n’ont pas songé à placer quelques femmes au
sommet pour attirer à eux l’électorat féminin qui risque d’aller à la pêche le
jour de l’élection. On ne s’étonne pas qu’à droite on singe les orthodoxes puisque
les femmes sont ignorées. Pendant un certain temps, Ayelet Shaked avait fait illusion
mais elle avait vite concentré sur elle toutes les oppositions. Pourtant dans
les autres domaines les femmes ont crevé le plafond de verre en gagnant des
directions de banques, de la Cour Suprême et même dans le monde des affaires et
de la haute technologie. Alors on s’étonne de voir en politique les mêmes au charbon, les
mêmes hommes bien sûr. Quand quelques-unes réussissent, alors les hommes se
liguent contre elles pour les éliminer comme ils font fait en 2009 contre Tsipi
Livni. Il n’était pas question d’avoir une nouvelle Golda Meir qui avait imposé
ses vues à tous les machos d’Israël.
Tsipi Livni en 2009 |
Pourtant
la Knesset de mars 2020 avait battu le record de 30 femmes élues mais rares au
gouvernement, et encore plus rares à la présidence des grandes commissions :
finances, affaires étrangères et sécurité, constitution, droit et justice. Quant
aux postes ministériels, elles ont eu les postes qu’on attribue aux femmes,
les excluant de fait des Finances et de la Défense.
L’opposition
n’a pas compris qu’une femme à la tête d’un rassemblement centriste et de
gauche avait les meilleures capacités pour faire tomber Netanyahou. Ce n’est
pas demain la veille qu'elle songera à cette solution et la Droite a encore de beaux jours devant elle .
1 commentaire:
Cher monsieur Benillouche,
Vous écrivez : "En Israël il manque le génie d'un François Mitterrand..." Voire ! J'ai comme l'impression que tout le monde ne va pas être d'accord avec vous.
Ainsi, je lis dans le dernier ouvrage paru de Michel Onfray, dont l'apologue se termine ainsi :
"...Après la mort du général de Gaulle, il ne fut plus question de grandeur. Le général avait dit que le peuple avait choisi d'être un petit peuple, il eut de petits gouvernants. Le plus petit des petits de ceux-là eut à coeur de détruire tout ce qu'avait fait le général de Gaulle; ce fut sa seule constance : faire que ce qui avait été grand devînt petit, comme lui - il s'appelait François Mitterrand."
Michel Onfray - Vies parallèles De Gaulle Mitterrand - Robert Laffont, éditeur.
Très cordialement.
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