Hezbollah en Syrie |
Dans un
contexte totalement différent de ce qu’on a appelé la guerre d’usure avec l’Égypte,
de mars 69 à août 1970 (attrition war), il existe quelques similitudes et leçons à
en tirer après plus de 50 interventions aériennes contre les implantations
iraniennes en Syrie. La question qui se pose désormais avec urgence, Israël
peut-il, doit-il poursuivre cette guerre d’usure, contre le Hezbollah et son
maitre l’Iran, quoi qu’il en coûte, ou bien décider d’une autre stratégie ?
Site du Hezbollah |
L’Iran dispose d’une
base arrière dans le sud de la Syrie, pour alimenter ses milices et le
Hezbollah. Rien de nouveau, si ce n’est que le chaos qui règne tant au Liban
que dans le sud de la Syrie, lui facilite la tâche et renforce la milice
terroriste jour après jour. L’Iran, par Hezbollah interposé, poursuit son
objectif de créer un front nord face à Israël. La conjonction actuelle
d’intérêts entre l’Iran et le Hezbollah rend le contexte actuel très dangereux.
L’Iran se prépare à l’élection présidentielle de juin 2021. La présidence
Rohani a beaucoup déçu. A priori on s’attend à ce que les ultras conservateurs
d’Ali Khamenei et les Gardiens de la révolution en soient les vainqueurs. Ce
probable résultat est lourd de menaces.
Un aspect est très peu
abordé en Occident : Il ne s’agit pas
d’une théocratie, mais d’une façade religieuse. Les Gardiens de la révolution
avec la force d’élite al Qods (qui fut dirigée par feu le général Soleimani)
contrôlent tous les rouages de l’État. On dit d’ailleurs que le général-héros
était leur candidat par excellence. Certains pensent même que les Américains
l’ont éliminé pour cette raison. D’autres croient savoir qu’on serait à la veille
du basculement d’une théocratie vers un militarocratie. C’est un régime
dont le principal pilier est l’armée. Rappelons qu’en Iran ne vote pas qui veut
et que l'on n’est pas candidat librement. Les sanctions américaines aggravées
provoquent des problèmes sociaux-économiques majeurs. Tous les produits ont vu
leurs prix exploser, alors que les revenus s’écroulent. La majorité du peuple
ne protesterait pas si l’Iran et le Hezbollah attaquaient Israël et les États-Unis,
ce qui créerait une diversion classique face à la situation dramatique dans
laquelle le pays s’enfonce et permettrait à l’armée d’éliminer toute
opposition.
Il est connu que les États-Unis
et la Russie exercent de fortes pressions pour limiter les réactions d’Israël
sans pouvoir les interdire. Si ce n’était pas le cas, il y a longtemps qu’on
aurait vu l’armée russe et Tsahal s’affronter. Or le Kremlin, en modulant ses
pressions, conserve ses marges de manœuvre vis à vis de Damas, de Téhéran,
d’Ankara et d’Israël dont il fait un allié passif, mais réel.
L’axe chiite
Iran-Hezbollah est en difficulté. Le Hezbollah est dans une situation plus que
délicate. Défenseur auto-proclamé du Liban, il est tenté de lancer une
opération d’envergure avant que le nouveau président américain ne prenne ses
marques et pendant qu’Israël s’apprête à voter en mars, dans un climat
d’incertitudes. Ce qui lui permettrait ensuite d’affermir son emprise au Liban
dont il est la seule force constituée, opérationnelle et vis à vis de son
mentor l’Iran.
Jérusalem pourrait prendre l’initiative, avant que ce ne soit le
Hezbollah qui décide de rompre le statut quo, au-delà des déclarations
belliqueuses habituelles. Il n’en reste pas moins que la conjoncture est un
élément important. Il est vrai qu’Israël fait face à une élection, dans laquelle
la valse des égos n’a pas son pareil. Ce qui est un handicap. Pour autant la
question reste posée.
On ignore quelle sera
la doctrine Biden en la matière. Il sera sous pression par l’aile gauche
démocrate, qui n’est pas forcément le plus grand supporter de l’État hébreu. On
imagine que le président voudra se montrer ferme mais engager sa diplomatie, afin
de faire un état des lieux. C’est aussi le moment d’analyser la rivalité irano-russe.
La situation dans les trois provinces du sud de la Syrie est chaotique. Le
régime, supposé contrôler ce territoire depuis 2018, doit faire face à diverses
milices dont certaines sont téléguidées par la Russie, l’Iran, la Turquie,
voire les États-Unis.
Le Hezbollah est
présent dans deux secteurs au sud de la Syrie avec ses officiers «conseillers» de l'armée syrienne, et
l'unité du Golan sous son autorité, qui y crée des cellules terroristes.
L’organisation est également proactive dans le trafic de drogue, les achats de
terres et la fourniture de biens et services de base, pour développer son
influence et obtenir un soutien local. Cette complexité impose la
multiplication des frappes, qui ralentissent l’implantation iranienne, sans la
stopper, notamment avec l’organisation terroriste dans le secteur de Quneitra,
même si la Russie s’est engagée à interdire la pénétration de Téhéran au-delà
des 80 kms de la frontière nord.
Israël aurait la possibilité de tirer avantage de la rivalité
russo-iranienne croissante. L’Iran vise à renforcer et étendre sa pénétration
dans le sud pour en faire une sorte de protectorat qui un jour serait sous son
contrôle direct ou indirect. Le pouvoir de Damas n’a pas les moyens de l’en
empêcher, sauf si l’ami russe s’y opposait frontalement. Ce qui n’est pas son
objectif actuel. L’Iran propage son idéologie, soudoie, distribue des
prébendes, apporte son concours aux plus pauvres, crée des tensions, fait la
loi. En clair elle devient le protecteur des populations fortement touchées par
le conflit. Elle pousse son affidé terroriste au Liban afin qu’il soit la seule
force organisée capable de saisir le pouvoir qui s’écroule, s’il existe encore
et créer ainsi un autre satellite.
Maher Assad à la tête de la 3e division dans le sud et son frère Bachar |
La Russie, vise à stabiliser la situation dans le pays et
particulièrement au sud syrien où grâce à sa puissance militaire, elle
maintient le contact avec les différentes factions. Elle veut maintenir le clan
Assad au pouvoir pour transformer son succès militaire en succès politique et
économique. C’est littéralement sa porte ouverte sur le Moyen-Orient. Elle y a
un port et une base aérienne et crée sa zone d’influence. Il faut se rappeler
le plan russe de constitution fédérale de 2016 pour la Syrie. Ce qui
supposerait des régions autonomes, voire sous protectorat.
Israël pourrait poursuivre sa stratégie actuelle de réactions, quoi
qu’il en coûte et on n’en connaît pas le prix, ou décider d’avoir l’initiative
et le choix des moyens. La coordination entre Israël et la Russie témoigne de
leurs bonnes relations, avec ses limites.
Il y a actuellement une convergence d’intérêts eu égard au sud syrien.
Israël pourrait y intervenir activement pour y réduire l’influence iranienne et
pourrait créer sa propre zone d’influence. Il y aurait un volet militaire et un
volet humanitaire avec l’aide médicale, l’aide matérielle. La réalpolitique est
que la Russie restera et qu’Israël aurait beaucoup plus de facilités à traiter
avec le Kremlin qu’avec Téhéran.
Ce pourrait être le moment de changer de stratégie, car nul ne sait
ce que le président Biden décidera, envers la Syrie, la Turquie l’Iran et
l’accord de 2015, les sanctions. Bref, il semble qu’il y ait actuellement une
fenêtre favorable pour modifier les positions sur l’échiquier local. Reste à
savoir ce que décidera éventuellement Israël entre maintien du statut quo ou
reprise de l’initiative.
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