À PROPOS DES CONSTRUCTIONS EN CISJORDANIE
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright
© Temps et Contretemps
Le gouvernement israélien vient
d’approuver la construction de 2.166 logements en Cisjordanie, mettant fin au
gel de facto de huit mois. 3.000 autres nouvelles unités sont prévues. Ce gel a
provoqué une levée de boucliers chez les dirigeants de Yesha (Judée, Samarie et Gaza) qui ont menacé de
prendre des mesures unilatérales : «Il
est inacceptable que nous devions attendre six mois pour obtenir des permis de
construire, et nous exigeons que le premier ministre convoque le comité
immédiatement. Le Premier ministre a suspendu la souveraineté, nous devons donc
passer à la création de faits sur le terrain et à la construction librement,
sans approbation politique ni limites qui ne sont pas requises ailleurs en
Israël».
Conseil de Yesha |
Le gouvernement avait gelé les
constructions pour obtenir des Américains le droit d’appliquer la souveraineté
à la Cisjordanie. Mais paradoxalement le ministre de la défense, Benny Gantz
vient d’y proposer la construction de 5.000 logements, aidant ainsi Netanyahou
à concrétiser l’annexion et à satisfaire les demandes de son électorat. Pour
Yesha : «La souveraineté concerne de
plus en plus de Juifs qui établissent leurs maisons sur la terre de leurs
ancêtres pour le moment et pour toujours. Et pour cela, un grand merci et des
félicitations au Premier ministre Netanyahu, qui malgré son implication intense
dans les questions actuelles, fait
également progresser des plans stratégiques pour renforcer notre emprise sur la
Judée et la Samarie».
Pourtant, il n’y a pas d’urgence
à construire dans les territoires sauf si c’est pour une question de principe
ou d’idéologie pure afin de satisfaire les orthodoxes et l’extrême-droite,
membres de la coalition gouvernementale. Cette décision pourrait irriter nos
nouveaux amis arabes qui auraient à rendre des comptes à ceux des pays qui
n’ont pas encore sauté le pas. Sur le plan économique, la décision n’est pas non plus justifiée car la crise du coronavirus a aggravé la situation de l’immobilier en Israël avec une baisse
sensible des ventes d’appartements.
Le coronavirus n’est pas
étranger à la situation actuelle car le chômage de la classe moyenne, les
difficultés financières des travailleurs indépendants, et l’incertitude sur
l’avenir ont influencé le marché du logement qui a chuté à son plus bas niveau depuis
près de 20 ans. Tel Aviv est la ville la plus touchée avec une baisse des
volumes d’achats de 33%. Il est vrai que les prix avaient atteint un sommet
jamais inégalé et que le coût du logement était à 30% plus cher qu’à Paris. La
bulle devait éclater tôt ou tard et pour une grande partie de la population,
c’est un bienfait.
Une seule ville échappe à la
morosité, Beer-Shev’a, car elle bénéficie de la proximité de la nouvelle base
militaire Ir Habhaadim (ville des bases d'instruction).
Tsahal a déployé ses hommes et ses bases vers le Sud, dans cette nouvelle ville
afin de délocaliser ses installations militaires. Par ailleurs le nouveau Parc
technologique de Beer-Shev’a a attiré de nombreuses multinationales pour
transformer cette ville négligée par les gouvernants en cyber capitale globale.
Ir Habhaadim |
En fait les idéologues de droite n’ont pas compris qu’il fallait d’abord judaïser certaines régions du pays, majoritairement occupées historiquement par les populations arabes, la Galilée et le Néguev, et qu’il y avait urgence à y modifier le ratio arabe dans certaines régions. Le développement des implantations crée des tensions avec toutes les chancelleries étrangères et freine la volonté de normalisation des derniers pays arabes qui estiment avoir encore des comptes à rendre aux Palestiniens.
Par ailleurs les grands groupes industriels étrangers refusent de s’installer
dans des territoires contestés alors qu’ils l’ont fait pour le sud d’Israël. Les sociétés israéliennes craignent de leur côté le boycott international. Le bureau des Droits de l'Homme de l'ONU a publié la liste des 112 entreprises étrangères travaillant en Cisjordanie. Les implantations souffrent donc d’absence d’emplois qui poussent les habitants
à faire des kilomètres tous les jours pour travailler à l’intérieur du pays.
La Cisjordanie s’est transformée en un
immense centre d’écoles talmudiques et surtout en ville-dortoir avec les
risques de déplacement de la population juive à travers des villages arabes
menaçants.
On construit en Cisjordanie
alors que l’immobilier souffre en Israël puisque la demande a baissé de plus de
30%. À Tel-Aviv, des stocks anormaux d’appartements se constituent avec à peine 1.317
transactions immobilières au deuxième trimestre soit près de 35% de moins que
l’an dernier alors que la situation n’est pas encore stabilisée. Contrairement à la Cisjordanie, on trouve au Néguev
et en Galilée des industries et des universités encore insuffisantes pour les
besoins croissants du pays. Les zones de développement économique n’attendent
que de croitre. Encore faut-il privilégier la volonté politique et négliger les
impératifs idéologiques. Il est temps de réorienter les investissements vers Israël.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire