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dimanche 18 octobre 2020

A propos des constructions en Cisjordanie

 

À PROPOS DES CONSTRUCTIONS EN CISJORDANIE 

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps   

 


Le gouvernement israélien vient d’approuver la construction de 2.166 logements en Cisjordanie, mettant fin au gel de facto de huit mois. 3.000 autres nouvelles unités sont prévues. Ce gel a provoqué une levée de boucliers chez les dirigeants de Yesha (Judée, Samarie et Gaza) qui ont menacé de prendre des mesures unilatérales : «Il est inacceptable que nous devions attendre six mois pour obtenir des permis de construire, et nous exigeons que le premier ministre convoque le comité immédiatement. Le Premier ministre a suspendu la souveraineté, nous devons donc passer à la création de faits sur le terrain et à la construction librement, sans approbation politique ni limites qui ne sont pas requises ailleurs en Israël».



Conseil de Yesha

Le gouvernement avait gelé les constructions pour obtenir des Américains le droit d’appliquer la souveraineté à la Cisjordanie. Mais paradoxalement le ministre de la défense, Benny Gantz vient d’y proposer la construction de 5.000 logements, aidant ainsi Netanyahou à concrétiser l’annexion et à satisfaire les demandes de son électorat. Pour Yesha : «La souveraineté concerne de plus en plus de Juifs qui établissent leurs maisons sur la terre de leurs ancêtres pour le moment et pour toujours. Et pour cela, un grand merci et des félicitations au Premier ministre Netanyahu, qui malgré son implication intense dans les  questions actuelles, fait également progresser des plans stratégiques pour renforcer notre emprise sur la Judée et la Samarie».



Pourtant, il n’y a pas d’urgence à construire dans les territoires sauf si c’est pour une question de principe ou d’idéologie pure afin de satisfaire les orthodoxes et l’extrême-droite, membres de la coalition gouvernementale. Cette décision pourrait irriter nos nouveaux amis arabes qui auraient à rendre des comptes à ceux des pays qui n’ont pas encore sauté le pas. Sur le plan économique, la décision n’est pas non plus justifiée car la crise du coronavirus a aggravé la situation de l’immobilier en Israël avec une baisse sensible des ventes d’appartements.

Le coronavirus n’est pas étranger à la situation actuelle car le chômage de la classe moyenne, les difficultés financières des travailleurs indépendants, et l’incertitude sur l’avenir ont influencé le marché du logement qui a chuté à son plus bas niveau depuis près de 20 ans. Tel Aviv est la ville la plus touchée avec une baisse des volumes d’achats de 33%. Il est vrai que les prix avaient atteint un sommet jamais inégalé et que le coût du logement était à 30% plus cher qu’à Paris. La bulle devait éclater tôt ou tard et pour une grande partie de la population, c’est un bienfait.

Une seule ville échappe à la morosité, Beer-Shev’a, car elle bénéficie de la proximité de la nouvelle base militaire Ir Habhaadim (ville des bases d'instruction). Tsahal a déployé ses hommes et ses bases vers le Sud, dans cette nouvelle ville afin de délocaliser ses installations militaires. Par ailleurs le nouveau Parc technologique de Beer-Shev’a a attiré de nombreuses multinationales pour transformer cette ville négligée par les gouvernants en cyber capitale globale.

Ir Habhaadim

          Depuis l’arrivée de la Droite au gouvernement, le Sud a été maintenu dans un sous-développement inexpliqué alors que le Néguev compte près des 2/3 de la surface du pays, mais seulement 8% de sa population. Plusieurs camps militaires situés dans le centre et datant du Mandat britannique, sont en cours de déplacement vers Ir Habhaadim, à 20 km au sud de Beer-Shev’a dans une base baptisé Centre Ariel Sharon d’instruction interarmes de Tsahal. Ben Gourion avait, le premier, estimé que pour des raisons sécuritaires et économiques il fallait «faire fleurir le désert». La région va donc gagner 35.000 logements, dont 9.000 habitations sociales.

En fait les idéologues de droite n’ont pas compris qu’il fallait d’abord judaïser certaines régions du pays, majoritairement occupées historiquement par les populations arabes, la Galilée et le Néguev, et qu’il y avait urgence à y modifier le ratio arabe dans certaines régions. Le développement des implantations crée des tensions avec toutes les chancelleries étrangères et freine la volonté de normalisation des derniers pays arabes qui estiment avoir encore des comptes à rendre aux Palestiniens. 



Par ailleurs les grands groupes industriels étrangers refusent de s’installer dans des territoires contestés alors qu’ils l’ont fait pour le sud d’Israël. Les sociétés israéliennes craignent de leur côté le boycott international. Le bureau des Droits de l'Homme de l'ONU a publié la liste des 112 entreprises étrangères travaillant en Cisjordanie. Les implantations souffrent donc d’absence d’emplois qui poussent les habitants à faire des kilomètres tous les jours pour travailler à l’intérieur du pays. La  Cisjordanie s’est transformée en un immense centre d’écoles talmudiques et surtout en ville-dortoir avec les risques de déplacement de la population juive à travers des villages arabes menaçants.

On construit en Cisjordanie alors que l’immobilier souffre en Israël puisque la demande a baissé de plus de 30%. À Tel-Aviv, des stocks anormaux d’appartements  se constituent avec à peine 1.317 transactions immobilières au deuxième trimestre soit près de 35% de moins que l’an dernier alors que la situation n’est pas encore stabilisée.  Contrairement à la Cisjordanie, on trouve au Néguev et en Galilée des industries et des universités encore insuffisantes pour les besoins croissants du pays. Les zones de développement économique n’attendent que de croitre. Encore faut-il privilégier la volonté politique et négliger les impératifs idéologiques. Il est temps de réorienter les investissements vers Israël.

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