MYSTÈRE DE L’EXPLOSION DANS LA CENTRALE NUCLÉAIRE IRANIENNE
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Natanz |
Les autorités iraniennes ont
été contraintes de réagir officiellement à l’explosion du 1er juillet 2020 qui
s’est produite dans le principal complexe nucléaire iranien car toute la région
est sous l’œil des satellites occidentaux, voire israéliens. Il leur était donc
difficile de camoufler cet incident dont l’ampleur n’est pas totalement
définie. Cette centrale nucléaire avait fait beaucoup parler d’elle lorsque les
Israéliens avaient attaqué et détruit toutes les centrifugeuses avec le virus
Stuxnet [1].
Cliquer sur la suite pour voir une vidéo
Les concepteurs de ce virus n’avaient
pas seulement réussi à attaquer spécifiquement le système interne de contrôle
des ordinateurs Siemens (PLC) qui gèrent le programme nucléaire iranien. Ils
ont surtout permis au virus d’identifier précisément ses cibles grâce à leur
identification informatique et de bloquer la fabrication de combustible enrichi
sans créer de risque d'explosion ou d'incident majeur.
L’explosion du 1er juillet, qui a eu lieu à 2 heures du
matin et qui a touché une installation de production de centrifugeuses
récemment construite à Natanz, pourrait être due à un acte de sabotage. Selon
les Iraniens aucune perte de vie n’a été constatée. De nombreux experts sont
persuadés que l’usine a été l’objet d’une cyberattaque. Natanz, dans la
province centrale d'Ispahan en Iran, abrite la principale installation
d'enrichissement d'uranium du pays. Là, les centrifugeuses font tourner rapidement
l'hexafluorure d'uranium gazeux pour enrichir l'uranium. L'AIEA (Agence
internationale à l’Énergie Atomique) affirme que l'Iran enrichit l'uranium à
environ 4,5% de pureté, au-dessus des termes de l'accord sur le nucléaire, mais
bien en dessous des niveaux de qualité militaire de 90%.
Les flammes de l'incendie
consécutives à l'explosion auraient été suffisamment brillantes pour être
détectées par un satellite américain. Évidemment, les responsables iraniens,
qui ne peuvent pas nier l’incident, tentent de le minimiser en prétendant qu’un
«hangar industriel» hors-sol a été touché, ne faisant pas partie de
l’installation d’enrichissement. Les spécialistes américains, qui disposent
d’images satellites précises, sont persuadés qu’il s’agit bien d’une nouvelle installation
de production de centrifugeuses. Ils sont aussi persuadés que le projet
nucléaire iranien, utilisant des centrifugeuses, sera impacté.
Il semble que le sort poursuive les Iraniens. Cet
incident à Natanz est le troisième en une semaine. Le 26 juin, une grande
explosion s'était produite près du complexe militaire de Parchin, dans l'est de
Téhéran, dans un tunnel souterrain cachant des sites de production de missiles.
Des habitants des banlieues environnantes ont filmé les flammes de l'explosion.
L'Iran a affirmé qu'il s'agissait d'une explosion d'un réservoir de gaz.
Vue aérienne de l'étendue de l'explosion de Parchin |
Une autre explosion de gaz s'était
produite le 30 juin dans une clinique médicale privée qui avait fait 19 morts. Les
autorités expliquent l’accident par le fait que l’établissement aurait
reçu de nombreux avertissements de la ville concernant des problèmes de
sécurité. Il faut aussi préciser que la principale installation
d'enrichissement d'uranium est située à
250 kilomètres au sud de Téhéran dans des installations souterraines, recouvertes
de plus de sept mètres de béton pour être protégés contre les frappes aériennes.
Il est évident que l’Iran connaîtra d’autres accidents de ce genre s’il ne met
pas fin à son programme nucléaire.
Selon les experts américains l'incident
du 1er juillet était un acte de sabotage provoqué par une bombe, probablement
posée à l'intérieur de l'installation, qui a causé des dégâts importants.
Le président américain Donald
Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ont à maintes
reprises juré de ne pas laisser l'Iran obtenir une bombe nucléaire. Cependant,
la République islamique semble résolue à obtenir un arsenal nucléaire. L'agence
de surveillance nucléaire, l'AIEA à Vienne, a récemment rapporté que ses
inspecteurs s'étaient vu refuser par Téhéran l'accès à au moins deux sites
suspects et s'est dit préoccupée par les travaux dissimulés.
La plupart des analystes
estiment que l'Iran a amassé cette année suffisamment d'uranium faiblement
enrichi pour produire au moins une arme nucléaire par des violations
successives de l'accord sur le nucléaire de 2015, signé avec six puissances
mondiales. Dès lors que les États-Unis se sont retirés unilatéralement de
l'accord sur le nucléaire, l'Iran s’estime
en droit de dépasser les limites de production fixées par l'accord.
Yossi Cohen |
Le chef du Mossad Yossi Cohen, à qui on prête de nombreuses opérations extérieures, a fait de l’Iran son
objectif principal en se distinguant de tous ses collègues sécuritaires et en
soutenant la stratégie de Netanyahou contre l’accord nucléaire, n’excluant pas
l’usage de la force. Tous les chefs militaires et sécuritaires israéliens
s’étaient jusqu’à présent prononcé ouvertement contre toute frappe contre les
installations nucléaires iraniennes parce qu’ils estimaient que Benjamin
Netanyahou avait volontairement exagéré la menace iranienne. Mais, Yossi
Cohen n’aura de cesse que de neutraliser totalement le programme nucléaire
iranien par tous les moyens dont il dispose.
C’est pourquoi, les Iraniens
évoquent «un sabotage perpétré par Israël. La République islamique essaie
toujours d’empêcher toute escalade, mais elle pourrait bien changer de ton et
d'attitude, si des pays hostiles, en particulier le régime sioniste et les États-Unis,
franchissent les lignes rouges fixées par l'Iran».
Natanz |
Le service en langue persane de
la BBC, la radio-télévision publique britannique, avance une autre hypothèse :
celle d'une action menée contre la centrale nucléaire de Natanz par un
mystérieux groupe iranien. Les Britanniques indiquent avoir reçu un communiqué
d'un groupe se faisant appeler «Les Guépards de la Patrie». Ces «guépards»
se présenteraient comme des «dissidents au sein de l'appareil sécuritaire
iranien» mais on ignore précisément ceux qui se cachent derrière l'organisation. Il est
certain qu’Israël verrait d’un bon œil tous ceux qui peuvent freiner le
programme nucléaire iranien. Le coronavirus n’est pas la seule plaie qui touche
l’Iran des mollahs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire