NETANYAHOU LE MAGICIEN ÉCONOMIQUE EN QUESTION
Par Jacques BENILLOUCHE
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Netanyahou-Sharon |
Benjamin Netanyahou a la
réputation d’avoir été le sauveur de l’économie israélienne en l’introduisant
dans un système capitaliste moderne caractérisé par un secteur public
relativement important et un secteur de la high-tech en croissance rapide. Il a
favorisé l’éclosion d’entreprises israéliennes de haute technologie qui ont été
vite appréciées sur les marchés financiers mondiaux au point qu’Israël est devenu
le deuxième pays en nombre de sociétés cotées au NASDAQ, juste après les
États-Unis. Au début des années 2000, Israël avait une économie marquée par
l’idéologie marxisante des dirigeants historiques travaillistes. Frappée par la
récession des années 2001-2002, elle a été sauvée par les réformes libérales
drastiques conduites par le ministre des Finances de l’époque Benjamin
Netanyahou.
Banque d'Israël |
Deux facteurs avaient touché
l’économie israélienne en 2001 : l'effondrement de la bulle high-tech et une
nouvelle Intifada, conduisant à une violente récession avec un recul du PIB de
0,3% en 2001 et de 1,2% en 2002 et un chômage qui avait explosé à près de
11%.
Nommé ministre des finances par
le premier ministre Sharon, Netanyahou a appliqué un traitement de cheval à
l’économie israélienne sur fond de réformes profondes, comprenant une baisse
massive des impôts, une refonte du système des retraites et de l'assurance
maladie, et surtout des coupes brutales dans le budget et en particulier dans
les allocations familiales. Son objectif consistait à forcer les gens à travailler, en
particulier les défavorisés des communautés arabes et juives orthodoxes. Il a
utilisé une méthode que connaissent les entreprises qui font appel à des cost killer (tueurs de coût), spécialistes
de la réduction des coûts et des dépenses.
Appliqué sans pitié, ce plan a
été un succès sur le plan macroéconomique mais il avait plongé immédiatement de
nombreuses familles dans la pauvreté. La croissance a redémarré à partir d'août
2003 pour atteindre 1,8%, puis 4,8% en 2004, 5,2% en 2005, 5,1% en 2006 et 3,5%
en 2019. Le chômage était tombé à 7,7% fin 2006, et le taux d'activité était
passé de 53% à 55,8% fin 2006. Le taux de dépenses publiques, qui représentait
77% du PIB en 1985, et 55% en 2002, est tombé à 49% en 2006 malgré les dépenses
dues à la guerre au Liban. De même, la dette publique, qui culminait à 110% du
PIB en 2002 est redescendue à 85% en 2007, et à 77%.
Les «capitalistes» ont profité d'une Bourse qui avait retrouvé dès fin 2004 ses records
de l'an 2000 pour les dépasser de plus de 40% début 2006. De 2003 à 2006, les
indices de la Bourse de Tel Aviv ont été multipliés par 3. Les indices
boursiers de Tel Aviv qui s’élevaient à 100 en 1992 avaient bondi à 1.000
points en 2007. La réussite était totale avec à la clé en 2010, l’intégration
d’Israël à l’OCDE au vu des progrès économiques et réformes réalisés.
Tout cela était arrivé après l’arrivée
de Netanyahou en 2003. L’homme de la réussite économique d’Israël s’est endormi
sur ses lauriers à l’avènement de la crise du coronavirus. Le virus est arrivé
tout seul, il repartira tout seul, selon le dicton, et pour lui il suffit d’attendre. Mais
aujourd’hui la machine semble s’enrayer car on ne voit pas les dividendes des immenses
ressources en gaz naturel, dont l'exploitation a commencé pour transformer Israël
en exportateur de gaz. Et pendant ce temps, l'écart de rémunération entre
hommes et femmes pour un temps plein est de 22%, faisant d’Israël le quatrième
pays le plus inégalitaire de l'OCDE en la matière.
En 2019, l'économie israélienne
a produit un record de 405 milliards de dollars en progressant de 3,4% à 4% au
cours des trois années précédentes, après avoir augmenté de 2,3% en 2015. Le
chômage était arrivé au minimum incompressible, pratiquement à zéro. Mais la
crise du coronavirus a mis fin à l’exaltation économique. Le gouvernement
d’union nationale, devenu un gouvernement d’inertie nationale, souffre d’une
division en son sein en ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire et économique
qui ne lui font pas prendre les décisions adéquates.
Israël Katz |
Le ministre des finances, Israël Katz, est
totalement inactif parce qu’il attend les décisions du Grand chef qui tardent à
venir. Il s’oppose à l’instauration d'un confinement général alors qu’une
deuxième vague est confirmée. Il veut éviter de mettre à mal l’économie du
pays, déjà mal en point, avec la perte de 60 milliards de shekels (17,4 milliards de
dollars) de recettes fiscales entraînant une contraction du PIB de 5,4% du PIB
en 2020. Mais les mesures attendent.
Alors les Israéliens sont en
droit de retrouver le magicien de 2003 face à l'échec gouvernemental actuel. Mais
la situation n’est plus la même qu’à l’époque parce que dans le même temps
Israël s’est enrichi. En juin 2020, la Banque d’Israël disposait de 145,499
milliards de réserves de devises et de 1,838 milliards au FMI sans compter l'or. Certes, cet argent n’appartient
pas au gouvernement mais Netanyahou peut exiger un prêt remboursable à long
terme pour aider les salariés, les entrepreneurs et les indépendants au bout du
rouleau face à la pandémie, qui ont perdu leurs revenus en raison des
restrictions entraînées par le coronavirus.
Lors de la conférence du premier
ministre du 9 juillet à Jérusalem, on attendait des mesures concrètes pour
redresser l’économie. On a eu droit au contraire à un mea culpa : «J’en assume la
responsabilité et j’assumerai la responsabilité de faire évoluer favorablement
la situation». Les incantations ne suffisent pas : «Je vous entends.
J’entends vos problèmes et je suis déterminé à vous apporter l’aide nécessaire.
Je travaille pour vous nuit et jour». Mais les désespérés attendent toujours des
chèques.
Yuli Edelstein |
Netanyahou s’étonne que les critiques fusent contre lui alors qu’il ne
s’agit nullement d’idéologie de gauche ou de droite car la misère n’a pas de
sens géographique. On attend des mesures pour résorber le chômage à 25% soit
près d’un million d’Israéliens sans emploi et une aide gouvernementale pour les
indépendants, pour les théâtres, pour les cinémas, et pour les artistes. Et quand quelques mesures
sont envisagées, les difficultés bureaucratiques ralentissent la distribution
des aides.
Le premier ministre se
justifie : «Nous nous trouvons au beau milieu d’une tempête mondiale
qui se renforce. La gestion de la crise exige des décisions fatidiques au
quotidien». On attend ses décisions. Mais en 2003 il a réussi à redresser la situation alors que le pays était ruiné, les
caisses de l’État étaient vides et que la Banque d’Israël était presque en
déroute. Cependant, pendant que la population souffre de restriction, le ministre
de la santé Yuli Edelstein s’est rendu à la fête anniversaire organisée pour sa
femme dans une maison en présence de près de 50 personnes, quelques heures
après avoir lui-même annoncé l’illégalité de ce genre de rassemblement. C'est ce genre d'attitude qui pousse la population au désespoir.
Mêmes incantations de la part du ministre des
finances : «Nous avons tiré des leçons des événements et nous sommes là
pour garantir que personne ne sera laissé de côté, sans aide et sans sécurité
financière, dans ces temps durs que nous affrontons. Tous les employés salariés
actuellement mis à pied ou au chômage recevront des allocations chômage revues
à la hausse. Nous avons abandonné les conditions antérieures qui définissaient
l’éligibilité à ces allocations».
Alors que la crise économique était installée depuis plusieurs semaines et que les commerces fermaient les uns après les autres, Netanyahou était préoccupé par son projet d'annexion d'une partie de la Cisjordanie ce qui n'était pas d'une grande urgence durant la crise sanitaire. Mais à l’annonce de manifestations dans tout le pays prévues le 11
juillet, le gouvernement a immédiatement arrêté quelques mesures d’urgence pour calmer la grogne. Les
indépendants recevront une aide de 7.500 shekels (1.920€) tandis que les chômeurs verront leurs prestations prolongées jusqu’en 2021.
Yaïr Lapid |
Le chef de l’opposition, Yair
Lapid, a qualifié les paroles de Netanyahou de creuses : «Quelqu’un qui a formé un gouvernement avec
36 ministres et 16 vice-ministres et qui, au beau milieu de la crise, s’est
principalement préoccupé de ses propres crédits d’impôt, ne peut pas se
permettre de nous faire la leçon au sujet de la prise de responsabilité».
Il n’est pas certain que le gouvernement évalue sérieusement le ras-le-bol de toute
la population, sans distinction, avec le risque que les mouvements de
protestation dégénèrent dans la violence quand la misère est au bout du chemin.
Lapid estime en effet que : «Nous parlons à des personnes qui
deviennent de plus en plus désespérées et furieuses et qui ont le sentiment, à
juste titre, que le pays les a abandonnées dans les moments les plus durs. Nous
nous efforçons d’être responsables… d’apaiser les choses, de dire aux gens que
: Vous savez, la violence n’est pas une réponse. Mais cela devient de plus en
plus dur… Je comprends très bien la colère et je m’inquiète également de la
possibilité de violences qui résulteraient de cette colère. Ce que je tente de
faire, c’est de ne pas l’encourager et de mettre en garde contre ce qui
pourrait néanmoins arriver».
On attend toujours le magicien
de 2003 qui semble avoir pris un coup de vieux. On peut faire toutes les critiques politiques au gouvernement d'Emmanuel Macron mais, sur le plan de la crise économique suite au coronavirus, il a pris immédiatement des mesures adéquates pour aider les particuliers et sauver les petites entreprises. Un exemple non suivi par les Israéliens perturbés par les frasques judiciaires de leur premier ministre et sa volonté d'annexion d'une partie de la Cisjordanie.
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