L’IRAN CONTINUE À DÉFIER LES ÉTATS-UNIS ET ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Pendant que nos élites politiques
israéliennes se battent depuis près d’un an à coup d’ego pour empêcher la
constitution d’un gouvernement, pendant que Tsahal se trouve en roue libre par
absence de décisionnaire politique, l’Iran continue de narguer Israël. Jamais
dans l’Histoire de l’après-guerre, en particulier du temps de la Guerre
Froide, un pays n’aura autant défié les États-Unis, que ce soit en Amérique
latine ou en Asie, allant jusqu’à limiter leur influence. L’Iran a choisi une
stratégie risquée alors que les Américains l’ont encerclé avec des bases
militaires de toutes parts et que les dépenses militaires ont atteint le double
du PIB iranien.
La doctrine militaire iranienne est
fondée sur la dissuasion grâce à trois types de capacités :
- L’Iran
s’est doté d’un arsenal développé de missiles balistiques.
- Il a
mis au point une guerre navale asymétrique en menaçant de fermer le détroit
d’Hormuz.
- Mais
surtout il a créé de nombreux groupes terroristes non étatiques qui lui sont
inféodés.
Les Iraniens ont développé un large
éventail de missiles balistiques dont les plus connus et les plus performants
sont ceux de la famille Shahab. Les plus redoutés sont les Sejil-1 et Sejil-2. Le Sejil-1, testé en 2008, est un missile balistique
sol-sol à deux étapes, de portée de 2.500 kms, qui contrairement aux missiles
Shahab, est alimenté par un combustible solide. Les missiles à combustible
liquide ont l’inconvénient ne pas pouvoir être stockés avec leur combustible en
raison du risque d’explosion. Ils nécessitent donc au moins une heure de
remplissage à l’air libre ce qui les rend vulnérables dès qu’ils sont détectés
par les satellites. En revanche le temps de lancement des Sejil est extrêmement
réduit en plus de l’excellente mobilité qui les protège d’une destruction sur
leur aire de lancement. Le Sejil-1 peut porter une charge explosive de 750kgs lui
permettant d’atteindre Israël. Il n’est pas exclu qu’il puisse être doté d’une
charge nucléaire.
Le Sejil-2 testé en 2009 est encore en
phase de développement. Il dispose d’une portée de 2.510 kms avec une tête
conique de 650kg ou de 2.000kms avec une tête de 1.000kgs. Ce nouveau modèle
est caractérisé par une meilleure précision car il est équipé d'un nouveau
système de navigation ainsi que de capteurs précis et sophistiqués.
Sejil |
Le missile Khalij-e Fars est un
autre élément redoutable des capacités navales asymétriques de l’Iran. Missile
balistique supersonique à combustible solide, il dispose d’une autonomie de 300
km avec une charge utile de 650 kg. Il est dérivé du Fateh-110, missile sol-sol
à propulseur solide. Il s’agit du missile le plus avancé détenu par les
Gardiens de la révolution, caractérisé par une vitesse et une
trajectoire supersonique. Le Khalij-e-Fars se déplace verticalement après son
lancement, traverse à des vitesses supersoniques, et détecte les cibles grâce à
des logiciels sophistiqués. La précision a été augmentée de 30 à 8 mètres. Les
Iraniens ne font pas mystère de leur intention de détruire des objectifs et des
forces hostiles en mer.
Ormuz |
Le plus grand facteur dissuasif de
l’Iran est sa capacité à bloquer le détroit d’Ormuz par où passent 20% des
approvisionnements mondiaux en pétrole. Les Américains qui ont déjà mesuré le
danger ont investi 8.000 milliards de dollars depuis 1976 pour assurer la libre
circulation à travers le détroit. Mais pour s’opposer aux moyens américains, les
Iraniens ont développé des sous-marins de poche Ghadir. En effet, dans les eaux
peu profondes du golfe Persique, ces sous-marins peuvent se déployer pour
menacer les navires qui circulent dans des trajets maritimes étroits. Les
navires militaires et commerciaux sont ainsi facilement exposés.
Ces sous-marins de petite taille
Ghadir sont issus des sous-marins nord-coréens Yugo et Sango. Leur petite
taille et leur capacité acoustique les rendent difficiles à être détectés et à être
suivis. Chaque sous-marin contient deux tubes de 533 mm destinés à tirer des torpilles
et est capable de poser des mines. Le Ghadir peut également transporter des forces
spéciales jusqu’en territoire ennemi. L’Iran dispose d’une vingtaine
de ce type de sous-marins les plus silencieux du monde, capables de reposer en
mer sur un fond de sable en attendant leurs proies.
Enfin les Iraniens ont réussi à
développer des groupes non étatiques capable d’agir en leur nom, le Hezbollah
libanais en particulier. Au début des années 80, des représentants des Gardiens
de la révolution avaient été envoyés au Liban pour aider à former le noyau de
la résistance contre "l’occupation israélienne". À l’époque, l’Iran n’exerçait aucune
influence au Liban et personne ne s’était inquiété de leurs manigances. De
plus, il était empêtré dans sa guerre avec l’Irak de Saddam Hussein.
Les
Occidentaux avaient peu mesuré à l’époque le génie stratégique iranien d’investir
à long terme. Aujourd’hui le Hezbollah, devenu une véritable armée, est
considéré comme l’arme de guerre la plus polyvalente et la plus utilisable de
l’arsenal iranien. En effet, il dispose d’une portée opérationnelle. Lorsque
les États-Unis avaient envahi l’Irak en 2003, le Hezbollah s’est substitué aux
Iraniens pour former des groupes militants irakiens. Plus récemment, ces mêmes militants
du Hezbollah ont formé les Houthis au Yémen et ont soutenu le gouvernement syrien
de Bachar el-Assad depuis 2011.
Le chef d’État-major Aviv Kohavi est
conscient de la situation surtout qu’il a un passé dans les renseignements
militaires et dans le commandement de la région-nord. En dévoilant le nouveau
plan pluriannuel de l'armée, il a averti d’un risque de guerre même si pour l’instant
l’Iran n’est pas intéressé par un conflit militaire. La frontière nord d'Israël
est le problème de sécurité sensible auquel le pays est confronté : «Au
cœur de l'action se trouvent l'enracinement des forces iraniennes et autres en
Syrie et le projet de missile de précision. Dans les deux situations, il s'agit
d'un effort dirigé par l'Iran, qui utilise le territoire de pays dotés de
gouvernements extrêmement faibles. Pendant de nombreuses années, le Hezbollah a
tenu l’État libanais en captivité et mis en place sa propre armée qui détermine
réellement la politique de sécurité du Liban».
Le retrait des troupes américaines du
nord de la Syrie ainsi que les réactions discrètes de Donald Trump à la destruction
d'un drone américain dans le golfe Persique et à l'attaque d'un important
saoudien installation pétrolière, ont renforcé le sentiment de confiance de
Téhéran, voire d’impunité. Cela lui permet ainsi de défier la plus grande
puissance mondiale et la plus forte armée du Proche-Orient. Il faut
se souvenir de ce qu’a écrit Trotsky : «la guerre ne vous intéresse
peut-être pas, mais la guerre s'intéresse à vous».
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