Depuis la fin des années 1970, l’Aipac (The American Israel Public Affairs Committee) a officieusement dirigé d'importantes contributions de campagne vers les candidats choisis pour le Congrès. Ses messages sur le Moyen-Orient sont essentiels dans le discours de Washington sur la politique étrangère. Certains aiment l'Aipac, certains le détestent, d'autres le craignent, mais c'est un facteur important dans la politique américaine et dans la vie juive américaine. Il a soudé un front uni de Juifs américains pour soutenir Israël.
Mais
ce front semble se fissurer. La perception que l'Aipac représente un consensus
parmi les Juifs américains a toujours été une clé de son influence politique. Les
tensions politiques, entre Israël et le lobby pro-israélien, ne sont pas
nouvelles. Déjà du temps d’Obama, le comité avait peu apprécié que Netanyahou
s’ingère dans la campagne électorale en soutenant de manière ostentatoire le
candidat Trump. A l’occasion de l’affaire Omar et Tlaib, l’Aipac s’est
désolidarisé d’Israël et du président Trump car le lobby ne partageait pas la
décision d’interdire aux deux représentantes démocrates l’entrée en Israël.
L’Aipac,
qui préconise une alliance solide entre les États-Unis et Israël, ne peut pas
être soupçonné de complicité avec les ennemis d’Israël car il a toujours appuyé
les politiques du président américain. Mais le comité a marqué sa mauvaise
humeur : «Nous ne sommes pas d'accord avec le soutien des représentants
Omar et Tlaib au mouvement BDS anti-Israël et anti-paix, ainsi que les appels
du représentant Tlaib à une solution à un État. Mais nous estimons également que
chaque membre du Congrès devrait pouvoir visiter et faire l'expérience de notre
allié démocratique».
L’interdiction
faite aux deux femmes du Congrès américain de venir d'Israël a été encouragée
par Trump, qui a fréquemment critiqué Omar et Tlaib et les a même accusées
d'être antisémites. Certains considèrent que la décision de leur interdire l’entrée
d’Israël était en fait une faveur offerte à Trump pour punir ses opposants
politiques.
Le président du Comité juif américain, David Harris, a déclaré que «Israël n'a pas choisi judicieusement cette décision. Même si nous ne nous faisons pas d'illusions sur les vues implacablement hostiles des représentants. Omar et Tlaib sur des questions liées à Israël, nous pensons néanmoins que le coût, aux États-Unis, de l'interdiction de l'entrée de deux membres du Congrès pourrait s'avérer encore plus élevé».
David Harris |
Le président du Comité juif américain, David Harris, a déclaré que «Israël n'a pas choisi judicieusement cette décision. Même si nous ne nous faisons pas d'illusions sur les vues implacablement hostiles des représentants. Omar et Tlaib sur des questions liées à Israël, nous pensons néanmoins que le coût, aux États-Unis, de l'interdiction de l'entrée de deux membres du Congrès pourrait s'avérer encore plus élevé».
D’autres
membres du Congrès ont condamné la décision d’Israël. Le représentant
démocratique de New York, Eliot Engel, a qualifié la décision «d’erreur»
car cette décision «ne fera que
renforcer les mouvements et les arguments anti-israéliens». Il a évoqué ses
propres désaccords avec Omar et Tlaib sur des questions relatives à Israël,
mais a déclaré que la décision d'interdire les femmes du Congrès laissait
penser qu'Israël «se fermait à la critique et au dialogue».
Le
positionnement de l’Aipac a été violemment attaqué par la droite israélienne
qui ne supporte aucune critique, même constructive. Mais ces attaques ne sont
pas nouvelles et datent de la résolution adoptée en juillet condamnant le
mouvement BDS mais préconisant la solution à deux États. D’ailleurs 21 membres
de la Knesset avaient exprimé leur mécontentement dans une lettre adressée à
l’Aipac en précisant que «Un tel État serait sans aucun doute un État
terroriste dysfonctionnel». Il s’agit en fait d’une attaque en règle contre
des Républicains fervents soutiens d’Israël.
Jusqu’à
ces dernières années les positions et décisions politiques au sein de l'Aipac
étaient profondément influencées par le gouvernement israélien. Mais une grande
partie de la communauté juive progressiste du pays singe à présent le Likoud. La
communauté juive toujours à l'avant-garde de la revendication des droits
civiques et de l'égalité a commencé à soutenir les éléments qui défendent la position palestinienne en Cisjordanie.
Les
dirigeants israéliens ont cherché à alimenter la peur en prônant une mentalité
de bunker. De leur côté, les Américains ne sont plus inconditionnels vis-à-vis
d’Israël et sont même devenus critiques à l’égard du régime en place à
Jérusalem. Certains membres du comité ont fustigé la direction politique
dangereuse de Benjamin Netanyahu qui ne veut pas une véritable paix et
développe les constructions dans les implantations. L’Aipac souhaite que les
dirigeants américains adoptent une approche plus équilibrée et soutiennent les
projets de paix avec les Palestiniens. Pour ces raisons, l'influence de l'Aipac
s’orientait vers le déclin. D’ailleurs après l’élection de Barack Obama, il
n’avait plus assez de puissance pour mettre fin à l’accord sur le nucléaire
iranien. On constate de plus en plus une nouvelle vague de critiques
anti-israéliens au sein de l’Aipac, en particulier parmi plusieurs nouveaux
membres du Congrès.
L’affaire
Ilhan Omar, avec ses accusations amplifiées, a cependant eu un effet positif
puisque les Juifs ont été contraints de défendre une organisation que beaucoup
d'entre eux n'ont jamais vraiment aimée au point d’être taxés d’être plus
fidèles à Israël qu’aux États-Unis. L’Aipac reste l’organisation la plus en
pointe dans la défense d’Israël et d’ailleurs ses dépenses de lobbying en 2018
se sont élevées à 3,5 millions de dollars. Encore faut-il que les
relations se détendent dans l’intérêt de la communauté juive d’Amérique et des
Israéliens qui, plus que jamais, ont besoin du soutien des États-Unis.
1 commentaire:
Le voyage prévu par les 2 « congresswoman » à été déposé à l’avance et n’avait prévu aucune rencontre qui pouvait influencer leur perception d’Israël ni celle de tous les journalistes qui allaient les suivre.
Il commence à y avoir aux États Unis une discussion sur le fait qu’elles soient des agents du Qatar sans que pour l’instant ce soit prouvé.
Qu’elle qu’ait été la décision du gouvernement israélien elle fait l’affaire de ces 2 propagandistes et de leurs soutiens.
Même Mme Pelosi, présidente du groupe Démocrate au Sénat souhaite s’en éloigner.
La position de l’Aipac et de David Harris, l’extraordinaire président de l’American Jewish Committee - représenté en Europe et en France par Mmes Simone Rodan-Benzaquen et Anne-Sophie Sebban-Bécache - relève surtout de la volonté de garder pour Israël un soutien bipartisan aux Etats-Unis.
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