DES RABBINS EUROPÉENS ET ISRAÉLIENS EN VISITE OFFICIELLE EN TUNISIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Rabbins avec le grand Mufti de Tunisie |
Le
pèlerinage de la Ghriba est toujours l’occasion pour les Tunisiens de renouer
leurs liens avec les Juifs mais en occultant l’existence des Israéliens. La
Tunisie n’arrive pas à se remettre du départ de toute sa communauté juive qui s’élevait
à 105.000 âmes en 1948 et qui constituait un élément dynamique tant sur le plan
économique que professionnel. On ne compte plus les professeurs de médecine,
les industriels et les avocats célèbres, d’origine tunisienne, qui figurent
parmi les grandes réussites françaises.
Cliquer sur la suite pour voir la viédéo de sa visite
Médaillés par la Tunisie |
Il
est probable qu’un certain regret traverse l’esprit des Tunisiens lorsqu’ils
constatent ce potentiel humain gaspillé parce qu’on n’a pas su retenir les
Juifs qui étaient installés en Tunisie bien avant l’arrivée des Arabes. Il n’en
reste plus qu’un millier qui ont fait le choix de rester dans leur pays natal
malgré les différents événements, parfois dramatiques. Mais si les autorités tunisiennes
axent leurs efforts auprès des Juifs, en invitant des journalistes et en leur
accordant des médailles prestigieuses, en offrant l’hospitalité à des membres
éminents de la communauté française, le résultat reste négligeable par rapport
aux efforts entrepris.
Toutes
les manifestations officielles, où participent ministres et hauts
fonctionnaires tunisiens, procèdent du même cérémonial pour démontrer qu’il
existe toujours une fraternité entre les deux communautés. Alors, chaque année,
on gonfle le chiffre des participants à la Ghriba, 5.000 à 6.000 Juifs alors
que les témoins les évaluent à peine à 500 et parfois figurent parmi eux des
habitants amenés en bus de Tunis en renfort à Djerba pour masquer l’échec du pèlerinage.
Il y a bien sûr les habitués qui aiment se retrouver tous les ans, les amoureux
du pays quelle que soit l’évolution politique et les superstitieux qui espèrent
la bonté du Ciel pour régler quelques problèmes de santé parce qu’ils ont tout essayé
par ailleurs.
Mais
au lieu de concrétiser courageusement des liens avec l’État d’Israël, les
Tunisiens pensent qu’ils pourraient ramener à de bons sentiments les Juifs en
invitant leurs rabbins en Tunisie. Une délégation de rabbins israéliens et
européens et des responsables d'organisations juives s’est rendue «secrètement»
en Tunisie, du 4 au 7 mai 2018, comme en témoignent des photos qui ont
volontairement fuité et dans lesquelles ont reconnaît certaines personnalités médiatiques
comme le rabbin du Raincy Moshé Lewin, le très influent président du
consistoire israélite de Marseille Zvi Ammar, et le représentant de la
Conférence des rabbins européens, Moshe Friedman.
La
chaîne israélienne Arutz Sheva faisait partie du voyage et a réussi à obtenir
une déclaration du Mufti de la République, Othmane Battikh. Les rabbins ont été invités par le gouvernement tunisien à
renforcer la communauté juive réduite à sa plus simple expression, à soutenir
le rabbin de la Tunisie Haïm Bitan, et à développer la coopération entre Juifs
et Musulmans dans la guerre contre la terreur islamique. La délégation a reçu
une réception royale sous l’égide du ministère du Tourisme tunisien qui a financé
sa visite dans le quartier juif de l'île de Djerba. Les rabbins ont visité le Talmud
Torah local où sont menées les études juives et l'école des filles Kanfei Yona. Ils ont ensuite prié à l'ancienne synagogue d'Al Ghriba, reconstruite il y a
une dizaine d'années. Selon la tradition, le jour du shabbat, toutes les
familles juives ont apporté sur la place du village leur repas traditionnel dafina,
le cholent séfarade, sorti du four pour le partager avec les invités.
Le
ministre tunisien des affaires religieuses, Ahmed Adhoum, s’est joint à la
délégation le samedi soir pour transmettre son message «le peuple tunisien
vit en solidarité avec les Juifs». Dimanche les rabbins se sont rendus à
la grande synagogue de Tunis qui avait été incendiée durant la Guerre des
Six-Jours puis ont prié sur les tombes des Sages tunisiens enterrés au
cimetière du Borgel.
Cimetière du Borgel |
Il
est vrai que les manifestations étaient à consonnance religieuses mais les
organisateurs ont bien fait les choses puisque la ministre du tourisme Selma
Elloumi Rekik, le Mufti de la République Othmane Battikh et l’ambassadeur de
France à Tunis, Olivier Poivre d’Arvor étaient présents aux côtés de la
délégation. L’aspect politique était sous-jacent. Il est certes évident que ces
réunions ne sont pas négatives et qu’elles tissent un début de liens mais le gouvernement
tunisien refuse de se placer sur un plan politique en abordant de front le
problème israélien.
Selma Elloumi Rekik ministre du tourisme |
D’ailleurs
aucun media officiel tunisien n’a rapporté cette visite «secrète»
alors qu’officiellement le ministère du Tourisme en était l’initiateur. Il est
établi cependant que la Tunisie accepte sur son sol avec parcimonie quelques media
israéliens, munis d’autorisations officielles ponctuelles, pour couvrir l’événement
du pèlerinage de la Ghriba.
Mais en Tunisie on n’affiche pas ouvertement les relations avec les Israéliens, préférant se cacher derrière la fonction religieuse des participants. D’ailleurs, devant les critiques qui ont fusé contre le Mufti à la suite de son interview à la télévision, il s’est défendu en déclarant qu’il «ignorait qu’il s’agissait d’une chaîne israélienne parce que « le journaliste s’était présenté comme étant un palestinien» ; excuse peu crédible quand on voit le micro tendu portant l'inscription en hébreu de la chaine.
Le grand Mufti et le micro israélien |
Mais en Tunisie on n’affiche pas ouvertement les relations avec les Israéliens, préférant se cacher derrière la fonction religieuse des participants. D’ailleurs, devant les critiques qui ont fusé contre le Mufti à la suite de son interview à la télévision, il s’est défendu en déclarant qu’il «ignorait qu’il s’agissait d’une chaîne israélienne parce que « le journaliste s’était présenté comme étant un palestinien» ; excuse peu crédible quand on voit le micro tendu portant l'inscription en hébreu de la chaine.
Khémais Jhinaoui |
Il serait temps que le gouvernement tunisien cesse de tourner
autour du pot et envisage, sans que cela soit un blasphème, de renouer avec l’État
d’Israël d’autant plus que Khemaïs Jhinaoui, l’éphémère ambassadeur tunisien à
Tel-Aviv nommé ministre des affaires étrangères de Tunisie, a déjà placé
quelques jalons. Il n’y a qu’un pas à sauter pour que les 55.000 Israéliens d’origine
tunisienne et leurs descendants retrouvent le chemin de leur pays natal et leurs racines pour prouver que «Les musulmans sont partenaires dans
la lutte contre le terrorisme islamique, l'extrémisme musulman et
l'antisémitisme institutionnel en Europe» selon les termes du rabbin
Pinchas Goldschmidt, président de la Conférence des rabbins européens.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire