GROS NUAGES
SUR LA SUCCESSION DE MAHMOUD ABBAS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Saeb Erekat |
On
pensait que la succession de Mahmoud Abbas était toute tracée et que le poste
reviendrait au secrétaire général de l’OLP, Saëb Erekat, par ailleurs chef des
négociateurs dans le moribond processus de paix, après l’élimination de la
compétition de Mahmoud Dahlan. Mais c’était sans compter sur les problèmes de
santé, officiellement reconnus, du successeur putatif. Le chef de l’OLP doit
subir une transplantation urgente d’un poumon avec les risques liés à ce genre
de chirurgie.
Tout
avait été pourtant préparé dans les moindres détails en 2016 puisque l’Autorité
palestinienne ne disposait pas d’une Constitution mais d’une Loi fondamentale
édictée en 2002. Mahmoud Abbas avait ordonné, par décret présidentiel, la
formation d'une Cour constitutionnelle dans les territoires palestiniens en
nommant neuf juges qui avaient prêté serment devant lui. Le fait du Prince. Les
décisions de la Cour constitutionnelle palestinienne devenaient définitives et
obligatoires pour toutes les décisions du gouvernement, pour les résolutions du
Parlement et pour les décrets présidentiels qui finissent normalement par des
lois. Les jugements de la Cour constitutionnelle ne peuvent pas faire l'objet
d'un recours.
Conseil législatif palestinien |
En
fait il s’agissait d’une mesure détournée pour remplacer le Conseil législatif
palestinien (le parlement), dominé par le Hamas et paralysé depuis la prise du
pouvoir par les islamistes à Gaza. Plusieurs membres de ce Conseil, affiliés au
Hamas, ont d’ailleurs été emprisonnés par Israël, limitant ainsi ses capacités
de décision. La Loi fondamentale stipule que si le poste de président
palestinien devenait vacant, le chef du Conseil, en l’occurrence Abdel Aziz Dweik
membre Hamas, serait déclaré président par intérim, avec les pouvoirs et les fonctions
du président, jusqu’à ce qu’un nouveau président soit directement élu par le
peuple et prenne ses fonctions.
Président Dweik |
Mahmoud Abbas a donc voulu contourner le
Conseil législatif. La création de la Cour Constitutionnelle donnait à Saëb
Erekat le droit de remplacer le président en cas de vacance du pouvoir. Or
la nouvelle donne complique la situation avec la transplantation pulmonaire
prévue pour ce mois-ci. Les problèmes médicaux étaient prévisibles puisque
Erekat est soigné depuis plus de dix ans avec des médicaments qui ont permis
aux poumons de fonctionner à 35% de leur capacité. Mais la situation a empiré
et l’opération devrait être effectuée à l’occasion d’un voyage aux Etats-Unis,
sous réserve qu’un donneur soit trouvé.
La
liste des candidats au remplacement de Mahmoud Abbas s’est restreinte au fur et
à mesure des conflits intérieurs. On reparle de Marwan Barghouti qui purge une
peine à vie dans les prisons israéliennes mais il est improbable qu’Israël
l’élargisse, préférant favoriser la candidature de Mohamed Dahlan que le Fatah a
totalement rejetée. Mahmoud Abbas n’a pas tenu compte des pressions exercées
par le Quartet arabe (Égypte, Jordanie, Émirats arabes unis et Arabie Saoudite)
pour une réconciliation interne au Fatah qui aurait permis le retour de ceux
qui ont été renvoyés du mouvement, en particulier Dahlan.
Majid Faraj en costume bleu |
On
restera donc à l’article 37 de la Loi fondamentale palestinienne qui énonce que
le président du Conseil législatif palestinien (PLC) assumera le rôle intérimaire
de président pendant 60 jours. On voit mal un membre du Hamas occuper ce poste.
Aucune personnalité charismatique n’est en mesure de remplacer Erekat comme chef
des négociateurs de paix. Certains Palestiniens citent le nom du chef des
renseignements, le général Majid Faraj, qui est toujours présent aux côtés
d’Abbas dans toutes les réunions à l’étranger. Abbas estime qu’il a de
sérieuses références sachant qu’il est né dans le camp de réfugiés palestiniens
de Dheisheh près de Bethléem et qu’il a passé des années dans des prisons
israéliennes.
Mais
son manque d’expérience politique reste un handicap car il ne fait pas
partie du Comité central de l’OLP. En fait, aucune solution ne pourra être
trouvée s’il n’y a pas consensus entre le Fatah et le Hamas pour de nouvelles
élections ; ce n'est certainement pas pour demain. Par ailleurs, le
rapprochement inédit entre Mohamed Dahlan et le Hamas n’arrange pas les choses.
Les Palestiniens sont donc encore condamnés à être dirigés par un octogénaire,
certes en bonne santé, en attendant qu’un jeune leader se fasse connaître et
soit agréé par tous les dirigeants.
Dahlan et Abbas |
La
maladie d’Erekat vient troubler le paysage politique palestinien tandis que
l’incertitude s’installe dans un monde déjà en crise. Cette situation risque de
refroidir les velléités de Donald Trump qui cherche à trouver une solution
négociée entre Israéliens et Palestiniens. La nouvelle diplomatie française, qui
voulait calquer sa position sur celle des Américains, aura du mal à intervenir
en médiatrice dans ce conflit si l’une des parties n’a pas désigné son leader
permanent et incontestable. Tout dépendra dorénavant de la personnalité qui
sera choisie pour prendre la suite de Saëb Erekat. De gros nuages en perspective dans la succession de Mahmoud Abbas.
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